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CHAPITRE 2. LES AXES DE PREVENTION DE LA DEPENDANCE DES PLUS DE 60 ANS

1. Les temps et dimensions préventifs ciblés par les gérontechnologies de TechSap Ouest

1.1. Les axes préventifs des plus de 60 ans

Le dernier Plan national d’action de prévention de la perte d’autonomie (Aquino, 2015) développé dans la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement promulguée en décembre 2015 est composé de 6 axes majeurs notamment basés sur la typologie de prévention de l’OMS (cf. Annexe 3) :

• Axe 1. Préservation de l’autonomie et prévention primaire : améliorer les grands

déterminants de la santé et de l’autonomie

• Axe 2. Prévention secondaire : Prévenir les pertes d’autonomie évitables

• Axe 3. Prévention tertiaire : Eviter l’aggravation des situations déjà caractérisées par

une incapacité

• Axe 4. Réduire les inégalités sociales et territoriales de santé,

• Axe 5. Former les professionnels à la prévention de la perte d’autonomie,

• Axe 6. Développer la recherche et les stratégies d’évaluation.

Cette typologie nous semble être une première clé pour comprendre la spécificité des gérontechnologies de TechSap Ouest. En effet, elle couvre une grande variété de temps (primaire, secondaire et tertiaire) et de dimensions (biologiques, psychologiques et sociales) de la prévention des personnes âgées. Les comportements protecteurs de la santé y sont développés et multidimensionnels. Ils recouvrent par exemple la promotion de l’activité physique, une

alimentation saine et équilibrée, l’adaptation de son environnement, le maintien des liens sociaux… Ces axes prioritaires de la promotion de la santé des aînés rejoignent les temps de prévention de l’OMS tout en apportant une illustration des objectifs généraux de prévention pour un public âgé. L’objectif central de cette prévention holistique est de limiter l’apparition de fragilités entraînant des facteurs de risques spécifiques pour la personne âgée et à terme la dépendance. Par exemple, les fragilités motrices entraînent un risque de chute accru, les fragilités sociales peuvent causer l’isolement et la perte de lien social et les fragilités psychologiques entraînent notamment l’anxiété ou la dépression. La notion de fragilité apparait ainsi en filigrane dans le plan national de prévention. Le concept de fragilité mériterait un développement de chacune de ces dimensions, biologiques, psychologiques et sociales touchant les personnes âgées après 60 ans. Ce développement nous permettra de préciser, au-delà des temps et objectifs préventifs généraux, les fragilités spécifiques ciblées par les gérontechnologies étudiées.

1.2. Les situations de fragilité des personnes âgées

La fragilité se définit comme un processus aux manifestations et aux conséquences très variables. Elle peut affecter les capacités biophysiologiques, sensori-motrices, cognitives, psychiques ou encore la vitalité, rendant les individus plus vulnérables et moins à même de faire face aux aléas de la vie (on parle de capacité de résilience). Elle se distingue des maladies chroniques dans la mesure où son installation est progressive. (Hem, 2015, p.20)

Fried et al. (2001) évoquent le syndrome de fragilité lorsqu’au moins 3 des 5 critères suivants sont observés : sensation générale d’épuisement, faible endurance, activité physique réduite, vitesse de marche lente, et perte de poids involontaire. Le syndrome de fragilité n’est cependant pas seulement physique il comprend selon de nombreux auteurs à l’instar de Rockwood et al. (2005) des composantes cognitives, psychologiques et sociales (Galand et al., 2013).

fragilité motrice : restriction d’activités chute et dépendance)

Au niveau perceptif, l’aggravation des troubles de la vision et l’audition peuvent concourir à des limitations en matière d’activités de loisirs, de stimulation cognitive, de communication et de déplacement empêchant ainsi les relations sociales et l’autonomie des personnes âgées (Hem, 2015 ; Wallhagen, 2010). Ces conséquences sont confirmées par Reerink-Boulanger (2012) et Mona (2009) dans des études exploratoires auprès de personnes âgées résidentes en EHPAD qui mettent en évidence un isolement et un repli sur soi liés aux limitations sensorielles.

Au niveau moteur et proprioceptif, les fragilités musculaires (Campbell et al., 1989) et de façon plus générale l’altération de la marche et des aptitudes physiques (Dargent-Molina et al., 1996 ; Kemoun et al., 2002) augmentent le risque de chute et entraînent des restrictions d’activité qui diminuent la santé et le bien être perçu des personnes âgées (Samuel et al., 2012 ; Wahl et al., 2013 cités dans Dupuy, 2016).

Les gérontechnologies dédiées à la prévention de ces fragilités biologique sont par exemple :

- des systèmes domotiques d’alerte pour la prévention de la chute

- des technologies visant à compenser les déclins visuels (e.g. systèmes d’éclairages adaptés et automatisés) et moteurs (e.g. mobilier à hauteur variable)

1.2.2. Les fragilités sociales et leurs conséquences (isolement social et bien-être)

Selon le rapport MONALISA (MObilisation NAtionale contre l'ISolement social des Agés) « Parmi les personnes résidant seules 44 % sont âgées de 60 ans ou plus. Ce sont donc 4 millions de personnes âgées de 60 ans et plus qui vivent seules en France… » (Serres, 2013 p.17). Les personnes âgées sont en effet une catégorie de la population particulièrement touchée par l’isolement social (INSEE, 2018). De nombreux travaux ont souligné cette dégradation du lien social avec l’âge (Cardon et Trellu, 2004 ; Durandot, 2009, Lee et Markides, 1990). De nombreuses raisons sont évoquées par les personnes âgées elles-mêmes pour expliquer ce phénomène multifactoriel (Loones et al., 2008) : la perte d’un être cher, les problèmes de santé,

l’éloignement familial, le manque d’estime de soi, le manque de ressources, l’incapacité à sortir du domicile …etc. L’isolement social est un facteur de risque pour la santé des aînés favorisant l’apparition de pathologies psychologiques et physiologiques (Cohen, 1988, Prince et al., 1998). A contrario, le maintien de relations sociales qualitatives participe du bien être des personnes âgées (Fontaine et al., 2007 ; Amiel et al., 2013).

De nombreuses gérontechnologies visent à promouvoir la participation sociale via des tablettes, smartphones et applications (réseaux sociaux, plateforme de prévention, agrandisseur de texte...) adaptés aux personnes âgées ayant pour objectif de faciliter la communication et les rencontres avec leurs réseaux de pairs et de proches. Ces technologies permettent dans certains cas de compenser certaines limitations auditives et visuels facilitant ainsi la communication des personnes âgées.

1.2.3. Les fragilités psychologiques et cognitives et leurs conséquences (anxiété et dépression)

La dépression est le trouble psychique le plus fréquemment observé chez les personnes âgées (Rigaud et al. 2005). Chez les plus de 65 ans, la prévalence de la dépression est d’environ 15% (Cohidon, 2007, Thomas & Hazif-Thomas, 2008) et reste difficile à diagnostiquer en raison d’une absence de plaintes. Elle s’exprime notamment par une baisse des performances cognitives et une forte somatisation qui font partie des symptômes les plus spécifiques à la population âgée (Gallarda et loo, 2008). Les conséquences de la dépression à un âge avancé varient selon le type de dépression. Parmi les différentes manifestations de la dépression gériatrique la littérature pointe un désinvestissement des activités du quotidien d’ordre conatif, des somatisations de type plaintes mnésiques et somatiques, des troubles du sommeil, un isolement et un repli sur soi, une forte atteinte de l’estime de soi, des comportements perturbateurs tels que des refus alimentaires et comportements agressifs (Baldwin et al., 2008 ; Gallarda et loo, 2008 ; Lebowitz et al., 1997 ; Thomas et Hazif-Thomas, 2008). Les causes de la dépression gériatrique sont variées, parmi les facteurs explicatifs psychosociaux on retrouve l’isolement social, la stigmatisation sociale du statut de personne âgée et d’inactif, la perte de contrôle de son environnement, les conditions de vie économiques difficiles (Thomas et Hazif-Thomas, 2008).

Pour les 65 ans et plus l’anxiété-symptôme varie de 6 à 33% selon les études (Rigaud et al., 2005), la prévalence du trouble anxieux est de 10% (Cohidon, 2007). Comme pour la dépression, les symptômes hypocondriaques et somatiques sont les plus fréquents. Le trouble anxieux chez la personne âgée se manifeste par des inquiétudes excessives face à sa santé, ou celle de son conjoint, de sa situation économique et sociale, de sa solitude nouvelle, l’inquiétude de ne pouvoir faire face aux pertes liées à l’âge (pertes relationnelles, physiques et intellectuelles) (Hem, 2015, Thomas et Hazif-Thomas, 2008).

Les gérontechnologies ciblant la prévention cognitive visent à stimuler la mémorisation à l’aide, par exemple, de jeux et activités adaptées ou servent à compenser certaines limitations cognitives par le biais d’un repérage spatio-temporel facilité. Ainsi, les montres connectées comportant des balises de géolocalisation, les aide-mémoires et les piluliers connectés peuvent être cités en exemples.