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CHAPITRE 4. LES METHODOLOGIES DE CO-CONCEPTION avec les utilisateurs

1. Les critères de choix des modèles et outils de co-conception avec les usagers

1.2. Les modèles de co-conception attribuant un rôle actif à l’utilisateur

1.2.3. La conception de l’expérience utilisateurs

Une nouvelle approche de conception basée sur l’expérience utilisateur est apparue à la fin des années 80 (Norman, 1988 ; Norman et Draper, 1986). Ce courant méthodologique a donné lieu à une norme ISO 9241-210 (2010) très proche de la norme de Conception Centrée Utilisateurs à laquelle est ajouté la dimension expérientielle et émotionnelle du produit. Cette nouvelle norme dépasse la CCU en développant les composantes de l’expérience utilisateurs du produit, au-delà des éléments d’utilisabilité pratique déjà évoqués dans la CCU :

- L'expérience de l'utilisateur inclut toutes les émotions, convictions, préférences, perceptions, réactions physiques et psychologiques, comportements et réalisations de ce dernier, qui interviennent avant, pendant et après l'utilisation. - L'expérience de l'utilisateur est une conséquence de l'image de marque, la

présentation, la fonctionnalité, les performances, le comportement interactif et les capacités d'assistance du système interactif ; de l'état intérieur et physique de l'utilisateur résultant d'expériences passées, de ses attitudes, de ses compétences et de sa personnalité ainsi que du contexte d'utilisation.

- L'utilisabilité, lorsqu'elle est interprétée du point de vue des objectifs personnels des utilisateurs, peut comporter le type d'aspects perceptifs et émotionnels

généralement associés à l'expérience de l'utilisateur. Les critères d'utilisabilité peuvent être utilisés pour évaluer les aspects de l'expérience de l'utilisateur. (Charrier, 2016, p.52)

1.3.3.1. Descriptif du modèle de Norman (2004)

Un modèle précurseur de la prise en compte de cette dimension émotionnelle de la co-conception est celui de Norman (2004) qui différencie trois dimensions de l’expérience utilisateur. Barcenilla et Bastien (2009) définissent les trois niveaux de traitement (viscéral, comportemental et réflexif) de l’information au sein desquels se jouent les relations entre cognitions et émotions. Ainsi :

Le niveau viscéral agit de manière réflexe, involontaire, et porte essentiellement sur l’apparence des objets ; le niveau comportemental, lié à la mise en place de procédures et au déclenchement des habilités motrices requises pour accomplir les tâches ; le niveau réflexif, lié à la conceptualisation et l’élaboration des informations sur les objets. (Barcenilla et Bastien, 2009, p. 321)

1.3.3.2. Regard porté sur le modèle de Norman (2004) en fonction des contraintes de notre contexte.

Les dimensions incluses dans le modèle de Norman (2004) ne recouvrent que certains facteurs individuels et omettent la dimension environnementale de l’acceptabilité. Les facteurs individuels sont abordés à travers les leviers de la dimension réflexive qui ciblent principalement l’image sociale de la technologie. Les facteurs technologiques sont très présents à travers les dimensions viscérales et comportementales de la technologique qui concourent à améliorer l’utilisabilité et le plaisir d’usage de la technologie. La dimension environnementale par contre est omise dans ce modèle princeps de Norman (2004).

1.3.3.3. Descriptif du modèle d’Arhippainen et Tähti (2003)

les 3 catégories de facteurs d’acceptabilité d’une gérontechnologie. Par exemple, le modèle d’Arhippainen et Tähti (2003) prend en compte (cf. Figure 12) :

- des facteurs individuels tels que les valeurs, normes, passions, personnalité et attentes…

- des facteurs technologiques comme l’utilisabilité, l’adaptabilité, les fonctions, les caractéristiques esthétiques …

- des facteurs environnementaux composant le contexte d’usage à l’instar du temps, lieu, personnes accompagnantes, température…

Figure 12. Le modèle d’Arhippainen et Tähti (2003) tiré de Charrier (2016)

1.3.3.4. Regard porté sur le modèle d’Arhippainen et Tähti (2003) en fonction des contraintes de notre contexte

Bien que le modèle d’Arhippainen et Tähti (2003) inclut les 3 catégories de facteurs d’acceptabilité d’une gérontechnologie qui nous intéressent, ce modèle n’offre pas de levier de co-conception à proprement dit. En effet, il a plus été conçu comme un outil d’évaluation que de conception. De plus, ce modèle est constitué d’une multitude de sous facteurs (plus d’une trentaine de sous-dimensions (cf. Figure 12) qui rendent son utilisation peu économique en temps et peu adaptée à notre population d’un point de vue de la charge cognitive.

Nemery et al. (2011) exposent une grille de leviers de la persuasion technologique visant à ajouter aux dimensions classiques de l’expérience utilisateur, principalement focalisées sur des leviers technologiques (utilisabilité et motivation hédonique), des leviers individuels et environnementaux afin d’améliorer l’acceptabilité sociale de la technologie. En ce qui concerne les leviers individuels, l’apport principal de cette grille concerne l’ajout de leviers de co-conception liés à l’influence sociale de la technologie. Selon Brangier et al. (2015 p. 6) « La persuasion interactive vise à introduire des principes d’influence sociale telles que la validation sociale, la réciprocité, la proximité sociale, la crédibilité, etc. dans les interactions avec les nouvelles technologies (Cialdini, 2004 ; Girandola, 2003) ». Nemery et al. (2011) suggèrent ainsi des modifications d’éléments composant les interfaces technologiques afin d’en améliorer l’acceptabilité. La grille de persuasion technologique propose par exemple des leviers de conception visant à améliorer des facteurs individuels intervenant avant usage :

1) la performance attendue via les leviers de crédibilité (fiabilité perçue, d’expertise, de fidélité) visant à inspirer la confiance vis-à-vis de la performance de l’interface. Ainsi que des leviers d’attractivité (attirance, balisage et appel à l’action) visant à expliciter et valoriser les messages et contenus explicitant l’utilité de l’application. Par exemple, pour renforcer la crédibilité de l’interface, Nemery et al., (2011) suggèrent l’ajout d’éléments d’influence sociale à l’instar d’une recommandation d’expert (norme sociale) ou de citations bibliographiques (image sociale) visant à augmenter la crédibilité de l’interface (cf. Figure 13).

Figure 13. Exemples d’interfaces incorporant des éléments d’influence sociale visant à augmenter leur crédibilité Nemery et al., (2011)

2) l’influence sociale à travers les leviers de légitimité perçue, de sentiment d’appartenance à un groupe et d’augmentation progressive du coût des actes demandés

3) l’habitude par la personnalisation et les interactions irrépressibles et répétitives

Cette grille incorpore également des leviers de conception concernant des facteurs ergonomiques intervenant pendant l’usage de la technologie :

4) l’effort attendu via le pilotage des premiers pas, l’amorçage et les balisage visuels et l’orientation afin de faciliter la visibilité et la perception de l’information.

5) l’hédonisme par le biais des leviers d’attirance émotionnelle, teasing et encouragements. Enfin, la grille de persuasion technologique incorpore des facteurs environnementaux

intervenant après un usage en milieu écologique :

6) les conditions facilitatrices à travers le maintien de l’interaction, l’évitement des éléments perturbateurs de l’usage et la création d’interactions irrépressibles.

1.3.3.6. Regard porté sur le modèle de Nemery et al., (2011) en fonction des contraintes de notre contexte

Le premier atout de cette grille est la présence de leviers de conception en lien avec l’ensemble des catégories individuelles, technologiques et environnementales présentes au sein de l’UTAUT 2 (cf. Tableau 7). Le second atout de ce modèle est son caractère économique en ressources matérielles et humaines. Ce modèle mobilise une seule grille composée de 8 leviers dans l’objectif d’améliorer l’ensemble des catégories de facteurs d’acceptabilité que nous ciblons dans cette thèse. En matière de temps, un atelier de co-conception basé sur cette grille semble envisageable à court terme, ce qui correspond aux exigences de notre terrain d’étude.

Enfin, ce modèle semble adapté aux caractéristiques de notre population d’étude. En effet, les leviers de co-conception de nature psychosociale que le modèle mobilise ne nécessitent a priori pas de compétences spécifiques dans leur usage.

Les limites de ce modèle sont principalement relatives à la spécificité des technologies qu’il cible. La grille de Nemery et al. (2011) a été d’abord construite pour les interfaces

ergonomiques. Les éléments de langages de ce modèle peuvent nécessiter une vulgarisation pour un public néophyte. De la même façon, des adaptations seront peut-être nécessaires dans la co-conception de gérontechnologies ne présentant pas d’interfaces-hommes-machine aussi avancées technologiquement que celles données en exemple dans ce modèle.

Tableau 7. Correspondances entre les critères de persuasion technologique et les facteurs de l’UTAUT 2.

Critères & Définitions Justifications Sous-critères Facteurs de l’UTAUT2 en lien Crédibilité : Expliciter la capacité de l’interface à inspirer confiance. La crédibilité augmente l’usage et

rend l’utilisateur résilient.

Fidélité

Fiabilité perçue. Expertise

Performance attendue

Légitimité perçue Influence sociale

(image)

Privacité : Respecter des

données personnelles et augmentation du

sentiment de sécurité et de confidentialité.

Le respect des droits et de la vie privée rassure l’utilisateur et le maintien dans l’interaction.

Sentiment de sécurité.

Perception du respect des droits. Confidentialité Influence sociale (norme) Personnalisation : Adapter l’interface à l’utilisateur en individualisant la relation. La personnalisation rend l’utilisateur plus réceptif et rend les messages plus attirants.

Perception de personnalisation. Habitude Sentiment d’appartenance à un

groupe. Influence sociale (norme, image)

Attractivité : Utiliser les

éléments de surface pour capter l’attention et renforcer les messages.

L’attirance émotionnelle amplifie l’impact du message, tout comme

l’usage de couleurs attirantes.

Attirance émotionnelle.

Appel à l’action. Hédonisme Performance attendue Influence sociale Balisage visuel et orientation. Effort attendu

Performance attendue

Sollicitation : Amorcer la

relation par une suggestion qui va amener l’utilisateur à faire librement ce qu’on attend de lui.

L’invitation accroche l’attention de l’utilisateur et suscite son intérêt.

Afficher une offre cohérente avec le contexte d’usage.

Suggestion.

Teasing ou mise en curiosité. Hédonisme

Amorçage d’actions. Effort attendu.

Accompagnement initial : Piloter les premiers pas

de l’utilisateur en le guidant dans ses interactions. La première initiative de l’utilisateur conditionne l’acceptation de l’utilisateur des autres étapes.

Pilotage des premiers pas. Effort attendu

Encouragements. Hédonisme

Maintien de l’interaction. Conditions facilitatrices

Engagement : Continuer d’impliquer l’utilisateur en augmentant l’intensité des demandes. Maintenir l’interaction permet de rapprocher l’utilisateur du but final. Faire recommander le produit/service à son entourage.

Évitement des éléments externes

perturbateurs. Conditions facilitatrices Prix

Augmentation du coût

psychologique de l’acte. Influence sociale (facteur social)

Emprise : Dernière étape

du scénario

d’engagement. Forte influence du système, mise de l’utilisateur sous dépendance.

Par son implication, l’utilisateur a atteint l’attitude ou comportement final attendu par le créateur de la technologie.

Interactions irrépressibles et

répétitives. Conditions facilitatrices Habitude Formes de libération de la tension.

Conséquences au-delà de l’interaction avec le média.