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CHAPITRE 4. LES METHODOLOGIES DE CO-CONCEPTION avec les utilisateurs

1. Les critères de choix des modèles et outils de co-conception avec les usagers

1.1. Les modèles de co-conception en SHS incluant tous les stades de développement d’une technologie

1.1.2. Le processus de co-conception centré usagers de Labarthe et Francou (2014)

1.1.1.3. Descriptif du modèle de Labarthe et Francou (2014)

L’approche disciplinaire des techniques de co-conception en living lab (Sanders et Stappers, 2008) stipule une complémentarité entre les approches du Design et des SHS : 1) Les approches axées sur le design permettent d’armer le travail de créativité des usagers par

des « objets-frontières » flexibles médiateurs de la pensée (Verchère et Anjembe, 2010). 2) Les approches axées sur la recherche en SHS permettent de conceptualiser la pensée en y

fournissant des preuves théoriques et empiriques.

Labarthe et Francou (2014) proposent une description du processus de co-conception centré usager en spécifiant à chaque phase de co-conception l’apport des SHS et du Design en matière méthodologique. Ce modèle est composé de deux phases comprenant 4 étapes de co-conception aboutissant à la production de livrables spécifiques (cf. Figure 9). A noter que ces 4 étapes présentent de grandes similitudes en termes d’objectifs avec les 4 étapes de co-conception (Planification, co-conception, prototypage et développement) de Dubé et al. (2014).

Figure 9. Processus de co-conception centrée usager selon Labarthe et Francou (2014)

A chaque étape de co-conception, Labarthe et Francou (2014) spécifient dans leur guide les rôles, les expertises et les outils à la fois en Design et en SHS (cf. Figure 10). Etant donné l’inscription de cette thèse en SHS nous étudierons tout particulièrement les méthodes de co-conception s’inscrivant dans cette discipline.

La première phase de co-conception comprend une étape d’anticipation des usages : - Etape 1 : Anticipation.

Les méthodes en SHS à ce stade en amont du cycle de co-conception sont principalement des techniques exploratoires d’enquête permettant d’anticiper les valeurs et usages du futur produit/service. Par exemple, à cette phase de conception avant usage, il est proposé de mobiliser une technique d’entretien exploratoire et une expertise en ergonomie prospective afin d’anticiper l’utilité en matière de valeur d’usage de la technologie. En effet, comme nous l’avons vu au chapitre précédent l’utilité apparait comme étant un facteur prédictif de l’acceptabilité d’une gérontechnologie avant son usage. Nous mobiliserons dès lors les concepts d’utilité-destination et utilité-valeur qui sont deux dimensions à respecter dans l’anticipation de la conception de technologie (Loup-Escande, Burkhardt et Richir, 2013). En

ergonomie prospective, l’utilité-destination est la dimension de l’utilité orientée vers la réalisation d’une tâche future alors que l’utilité-valeur est orientée vers les besoins et attentes anticipés des utilisateurs (Loup Escande et al., 2013,). A l’inverse de l’utilité-destination qui se centre sur le dispositif technologique, l’utilité-valeur sur l’utilisateur et les bénéfices qu’il espère retirer de l’usage du dispositif (Loup-Escande et al., 2003).

La seconde phase de co-conception comprend deux étapes (étapes 2 et 3 de conception et d’adoption) impliquant la co-conception de prototypes en milieu contrôlé :

- Etape 2 : conception

A ce stade les outils en SHS s’appuient sur des méthodes de co-conception telles que celles utilisées dans le courant de l’ergonomie des IHM (Interactions-Homme-Machines). Le recours à des tests d’utilisabilité ou des entretiens directifs sont notamment conseillés pour co-concevoir en focus group les fonctionnalités du futur produit/service. Lors de cette phase de conception pendant un usage en milieu contrôlé, les facteurs d’utilisabilité et de motivation hédonique influence l’intention d’usage d’une gérontechnologie (cf. Chapitre 3). Nous pouvons ainsi mobiliser les critères d’utilisabilité de Bastien et Scapin (1993) (cf. Tableau 5) qui permettent de repérer les pistes à suivre pour l’amélioration de l’effort attendu d’une gérontechnologie.

Tableau 5. La grille des critères d’utilisabilité (Bastien et Scapin ,1993) Critères & Définitions Justifications Sous-critères Guidage : Conseiller, orienter,

informer, et conduire l’utilisateur lors de ses interactions avec l’ordinateur (messages, alarmes, labels, etc.)

Un bon guidage facilite l’apprentissage

et l’utilisation du système. Incitation. Groupement ou Distinction par le format. Organisation visuelle des items. Feedback Immédiat. Lisibilité.

Charge de travail : Réduire la charge

perceptive ou mnésique des utilisateurs afin d’augmenter l’efficacité du dialogue

Plus la charge de travail est élevée, plus grands sont les risques d’erreurs, de retard, de fatigue, d’insatisfaction d’inefficacité.

Brièveté. Densité

informationnelle. Minimalisme

Contrôle explicite : Permettre à

l’utilisateur de contrôler les événements de son interface.

Quand les entrées des utilisateurs sont explicitement définies par eux-mêmes et sous leur contrôle, les ambiguïtés et les erreurs sont limitées

Actions explicites. Contrôle de l’utilisateur.

Adaptabilité : Veiller à la capacité du

système à réagir selon le contexte, et selon les besoins et préférences des utilisateurs.

Fournir à l’utilisateur des procédures, options, et commandes différentes lui permettant d’atteindre un même objectif.

Flexibilité. Prise en compte de l’expérience.

Gestion des erreurs : Gérer tous les moyens

permettant d’une part d’éviter ou de réduire les erreurs, et d’autre part de les corriger lorsqu’elles surviennent.

Les interruptions provoquées par les erreurs ont des conséquences

négatives sur l’activité des utilisateurs.

Protection contre les erreurs. Qualité des messages d’erreur. Correction des erreurs.

Homogénéité / Cohérence :

Conservation des choix de conception de l’interface tout au long de

l’interaction.

Le manque d’homogénéité peut augmenter considérablement le temps de recherche et expliquer le refus d’utilisation.

Homogénéité des codes. Dénominations. Formats. Procédures. Labels. Commandes. Signifiance des Codes et

Dénominations : Veiller à l’adéquation

entre l’objet ou l’information affichée ou entrée, et son référent.

Les codes et dénominations non significatifs pour les utilisateurs peuvent leur suggérer des opérations inappropriées et ainsi conduire à des erreurs.

Signification. Cohérence des contenus. Biunivocité des commandes et des significations.

Compatibilité : Veiller à l’accord entre

les caractéristiques des utilisateurs et des tâches, d’une part, et

l’organisation des interfaces d’autre part.

Le transfert d’un contexte à un autre est d’autant plus performant que le volume d’information à recoder par l’utilisateur est faible, et donc compatible.

Mémoire. Perceptions, Habitudes. Compétences. Attentes. Exigences de l’utilisateur.

De la même façon, nous pouvons utiliser à cette étape de conception les critères émotionnels et motivationnels de (De Vicente et Pain, 2002) (cf. Tableau 6) qui s’inscrivent dans la même expertise d’ergonomie des IHM afin d’améliorer la motivation hédonique.

Tableau 6. La grille des critères relatifs aux émotions et motivations de l’utilisateur (De Vicente et Pain, 2002)

Critères & Définitions Justifications Sous-critères

Degré de contrôle Contrôle que l’utilisateur aime avoir

sur la situation. Contrôle de la sélection. Ordre des actions…

Défi L’utilisateur aime se confronter à

des situations difficiles. Besoin de challenge. Besoin de stimulation. Réalisation de soi

Degré d’indépendance Préférence pour un travail

autonome. Autonomie de l’utilisateur. Liberté d’utilisation.

Fantaisie Appréciation des environnements

qui évoquent des images agréables. Imagination. Projection. Contexte imaginaire.

Confiance Croyance en le fait d'être en mesure

d'effectuer la tâche à accomplir correctement.

Capabilité. Perception d’utilisabilité. Perception d’efficience.

Intérêt sensoriel Curiosité suscitée par l'interface. Appel à des graphiques, des sons,

des vidéos…

Intérêt cognitif Intérêt suscité par les

caractéristiques cognitives et épistémiques de la tâche.

Intérêt pour la tâche. Compatibilité. Plaisir de réalisation de la tâche.

Effort Degré d’effort que l’utilisateur

exerce lui-même. Perception de performance. Procédures de maintien de l’interaction.

Satisfaction Sentiment global

d’accomplissement Réalisation de l’objectif. Atteinte. Mesure de réalisation.

- Etape 3 : adaptation

Cette étape permet d’expérimenter les usages en milieu contrôlé afin d’améliorer le prototype. Elle mobilise principalement des outils d’analyse de contenus (Observations filmées, analyse de contenu, analyse conversationnelle…) pour observer les usages et adapter le prototype aux caractéristiques et perceptions des usagers.

Enfin, la troisième phase de co-conception est constituée d’une étape d’adoption ciblant l’amélioration du produit fini en milieu écologique.

- Etape 4 : adoption

Cette étape permet d’expérimenter les usages en milieu réel afin d’améliorer le produit/service. Le recours à des outils d’analyse de données au sein d’un environnement réel et d’observation participante permettant d’observer les usages, non usages et détournements d’usage afin d’améliorer le produit/service.

Figure 10. Les techniques SHS et Design de co-conception en phase anticipation, conception, adaptation et adoption.

1.1.1.4. Regard porté sur le modèle de Labarthe et Francou (2014) en fonction des contraintes de notre contexte

Le guide de co-conception de Labarthe et Francou (2014) précise un certain nombre d’outils en fonction de leur discipline et du temps de co-conception auxquels ils appartiennent. En effet, ce modèle offre une classification qui différencie les techniques de co-conception du Design et des SHS à chaque temps de co-conception. Il précise également les courants

conceptuels des SHS au sein desquels s’inscrivent ces outils ce qui facilite le repérage des techniques les plus appropriées à notre thématique de recherche. Toutefois, ce modèle ne précise pas toujours les caractéristiques et rôles des utilisateurs de ces techniques, ni les ressources humaines et temporelles qu’elles mobilisent, ni la nature des facteurs d’acceptabilité que ces outils ciblent. Il nous semble dès lors essentiel d’approfondir l’étude des modèles de co-conception en sciences humaines en fonction de ces trois critères liés à notre contexte d’étude.