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Technologies basées sur la capture des complexes miRs-cibles

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

2. Les microARNs

2.4. Stratégies expérimentales pour l’identification de cibles moléculaires

2.4.2. Technologies basées sur la capture des complexes miRs-cibles

l’enzyme ARNase. Le séquençage des fragments protégés permet ensuite l’identification du site de liaison. Ce principe a permis le développement d’une gamme d'approches pour l'identification des complexes miRs-cibles.

2.4.2.1. Immunoprécipitation de l’ARN

Originalement, une méthode très utilisée pour l’identification des interactions miR-cibles in vivo était l’IP de l’ARN ou RIP (RNA ImmunoPrecipitation). Cette technique consiste en l'IP des protéines Ago et se base sur le fait que ces dernières sont directement en contact avec les miRs mais aussi avec leurs cibles. Dans une expérience RIP classique, à la suite de la lyse cellulaire, les complexes miR-ARNm liés à l'Ago, sont co- immunoprécipités grâce à l’utilisation d’anticorps anti-Ago. Les co-immunoprécipités sont ensuite extraits et analysés par qRT-PCR, Microarrays (dans la RIP-Chip) ou par ARN-seq (dans la RIP-seq) (Easow, Teleman et al. 2007, Fasanaro, Greco et al. 2009, Hong, Hammell et al. 2009, Jovanovic, Reiter et al. 2012, Meier, Hovestadt et al. 2013). La co-immunoprécipitation d'Ago2 a été utilisée pour identifier les cibles du miR-1 et du miR-124 (Hendrickson, Hogan et al. 2008). Dans cette expérience, Ago2 a été exprimée dans des cellules HEK293 co-transfectées avec des mimétiques du miR-1 et du miR-124. Ago2 a ensuite été immunoprécipitée pour analyser les précipités par Microarrays. Bien qu'utiles, les analyses RIP ne reflètent pas nécessairement les interactions in vivo entre les molécules ; en effet, les interactions entre l'ARN et les protéines peuvent survenir après la lyse cellulaire (Mili and Steitz 2004, Riley, Yario et al. 2012). Cela crée des artéfacts de liaisons entre l'ARN et les protéines puisqu’ils sont habituellement séparés par des compartiments cellulaires. Par conséquent, dans le but de réduire le risque de liaisons non spécifiques, des approches basées sur la stabilisation des interactions physiologiques des complexes protéine-ARN in vivo ont été développées. Pour ce faire, la technique RIP a été perfectionnée pour l’élaboration d’autres techniques basées sur les protocoles CLIP (Crosslinking Immunoprecipitation).

2.4.2.2. Analyses CLIP

Les protocoles CLIP impliquent l’utilisation d’une réticulation protéine-ARN. En chimie, la réticulation est le processus de liaison de deux molécules par une liaison covalente. Dans

les protocoles CLIP, ces liaisons sont effectuées grâce à l’utilisation de rayons ultraviolets (Brimacombe, Stiege et al. 1988). La réticulation est suivie d'une IP dirigée contre la protéine d'intérêt, de la digestion de la protéine et de la rétrotranscription de l’ARN en ADNc. Ce dernier est ensuite utilisé dans des expériences d’analyse transcriptomique.

Il existe plusieurs techniques basées sur le principe CLIP : le HITS-CLIP (high-throughput sequencing of RNA isolated by crosslinking immunoprecipitation) (Chi, Zang et al. 2009), le PAR-CLIP (photoactivatable-ribonucleoside-enhanced crosslinking and immunoprecipitation) (Spitzer, Hafner et al. 2014), le iCLIP (individual nucleotide resolution UV crosslinking and immunoprecipitation) (Huppertz, Attig et al. 2014), le CLASH (cross-linking, ligation, and sequencing of hybrids) (Helwak and Tollervey 2016) et le iPAR-CLIP (in vivo PAR-CLIP) (Jungkamp, Stoeckius et al. 2011).

HITS-CLIP

Dans l’analyse des cibles de miRs, une première approche basée sur la réticulation est l’Ago-HITS-CLIP (Chi, Zang et al. 2009)(Chi, Zang et al. 2009, Jaskiewicz, Bilen et al. 2012) (Figure 13a). Brièvement, cette méthode utilise l'irradiation UV (à 254 nm) pour réticuler de façon covalente les complexes miR-ARNm aux protéines Ago dans des cellules ou des tissus. Après la lyse cellulaire, les fragments d'ARN sont digérés par un traitement à la ARNase et ensuite immunoprécipités avec un anticorps dirigé contre Ago. Les complexes ternaires Ago-miR-ARNm sont ensuite séparés des complexes binaires Ago-miR par radiomarquage de l'ARN suivi par la purification sur gel et le transfert sur membrane de nitrocellulose. À la suite de la digestion de la protéine Ago par traitement à la protéinase K, l'ARN est isolé et rétrotranscrit pour former une banque de séquençage d'ADNc, qui est ensuite séquencée.

Puisque les complexes miR-ARNm sont dissociés avant le séquençage, deux ensembles de données sont obtenus, un pour les miRs et un pour les ARNm. En utilisant des outils bio-informatiques, ces données sont corrélées pour la génération d’une reconstruction des complexes miR-ARNm, tout en incluant des prédictions sur le positionnement de la protéine Ago dans ces complexes.

L’approche Ago-HITS-CLIP a été appliquée avec succès à l'analyse de cibles de miR dans le cerveau murin (Chi, Zang et al. 2009) dans de nombreuses lignées cellulaires

humaines et murines (Chi, Zang et al. 2009, Leung, Young et al. 2011, Loeb, Khan et al. 2012), ainsi que dans C. elegans (Zisoulis, Lovci et al. 2010).

Bien que cette technique soit utile pour identifier le complexe miR-ARNm, la réticulation UV à 254 nm n'est pas très efficace et le site exact de réticulation n'est pas révélé après séquençage du fragment d'ARN isolé (Hafner, Landthaler et al. 2010). Pour dépasser ces limitations, le protocole PAR-CLIP a été développé (Spitzer, Hafner et al. 2014).

PAR-CLIP

Le protocole PAR-CLIP (Figure 13b) se distingue par l'addition de nucléosides photoactivables 4-thiouridine (4SU) ou 6-thioguanosine (6SG) au milieu de culture cellulaire, qui peuvent être incorporés de manière aléatoire dans les transcrits naissants. L’irradiation UV à 365 nm permet une réticulation très efficace de ces nucléosides avec les protéines qui interagissent. De plus, dans les banques de séquençage d'ADNc, l'incorporation de 4SU induit la transition de la thymidine en cytidine. Étant donné que cette conversion se produit avec une fréquence significativement plus élevée sur les sites réticulés que sur le reste du génome, elle permet l’identification à haute résolution des interactions des protéines qui lient l’ARN. Cette technique a été exploitée pour identifier les évènements de liaison de miR-ARNm en utilisant l'IP de la protéine Ago dans des cellules HEK293 (Hafner, Landthaler et al. 2010). Récemment, elle a aussi permis d’identifier des ARNs associés à l'Argonaute 2 dans le complexe RISC dans des cellules tubulaires humaines (Benway and Iacomini 2017).

Bien que le PAR-CLIP fournisse une stratégie pour augmenter le rapport signal-bruit en détectant les sites de liaison du miR (basés sur la fréquence des mutations thymidine>cytidine), elle ne peut pas s’appliquer à l'analyse de la plupart des études tissulaires ou in vivo, où les nucléosides photoréactifs ne peuvent pas être facilement administrés aux cellules avant la réticulation. En outre, il a été démontré que le 4SU peut être toxique pour les cellules (Kemeny-Beke, Berenyi et al. 2006, Burger, Muhl et al. 2013). Enfin, d'un point de vue technique, le traitement avec la protéinase K peut laisser des peptides ou des acides aminés qui peuvent obstruer la transcriptase inverse et mettre fin aux réactions de RT au niveau du site de réticulation, phénomène également observé dans les données HITS-CLIP (Kishore, Jaskiewicz et al. 2011, Zhang and Darnell 2011).

Ainsi, la technique iCLIP a été développée afin de remédier à ce dernier problème (Konig, Zarnack et al. 2010).

iCLIP

La technique iCLIP est très similaire à l’approche Ago-HITS-CLIP (Figure 13c), mais elle présente une étape pendant laquelle un adaptateur est lié aux molécules afin de favoriser la circularisation et, à la suite de la digestion médiée par des endonucléases de restriction, la linéarisation. Cette étape permet d’isoler tous les produits d'ADNc, y compris ceux provenant de transcrits tronqués sur des sites réticulés. En outre, iCLIP utilise des amorces à code-barres pour la préparation de la banque de séquençage d'ADNc. Dans l’analyse de séquençage à haut débit, les séquences à codes-barres sont immédiatement suivies par le dernier nucléotide de l'ADNc : de cette façon, il est possible d’identifier le site exact de réticulation (Sugimoto, Konig et al. 2012).

Alors que PAR-CLIP et iCLIP visent à améliorer la sensibilité et l’identification des points d’interactions miR-cibles, la méthode CLASH (Kudla, Granneman et al. 2011) a été élaborée pour améliorer l'identification des interactions miR-ARNm par génération d’hybrides intermoléculaires.

CLASH

Dans le domaine de recherche des cibles des miRs, la méthode CLASH a été adaptée à partir du protocole Ago-HITS-CLIP (Figure 13d). Dans cette nouvelle technique, deux étapes ont été ajoutées. Une première étape permet la purification du complexe Ago- miR-ARNm sur colonne suivie par la liaison de l'extrémité 3' du miR à l'extrémité 5' de l'ARNm cible. Cette liaison forme des hybrides intermoléculaires ou chimères. Par la suite, le séquençage à haut débit détecte les reads chimériques (Helwak, Kudla et al. 2013) et identifie les molécules d'ARN qui interagissent puisqu’elles contiennent deux régions correspondant à des sites non adjacents dans la séquence du transcriptome (Helwak, Kudla et al. 2013).

Une approche similaire a été utilisée chez C. elegans en incorporant une étape de ligature dans le protocole PAR-CLIP pour créer la technique iPAR-CLIP (Figure 13d). Cette approche permet une détection non ambigüe des complexes miR-ARNm (Grosswendt, Filipchyk et al. 2014). Pour ce faire, cette analyse se base sur la fréquence de mutation T>C (caractéristique de PAR-CLIP) et sur la génération de reads chimériques (caractéristique de CLASH). Grâce à l’ensemble de ces deux caractéristiques, elle permet d’identifier le site de liaison de la protéine Ago à haute résolution.

Figure 13 : Stratégies d'identification de cibles de miR basées sur les protocoles CLIP. Toutes les technologies CLIP sont caractérisées par la réticulation UV (les sites de réticulation sont marqués par des X rouges) et la sélection des complexes ternaires Ago- miR-ARNm sur gel (SDS-PAGE). Toutes les approches utilisent le séquençage à haut débit pour quantifier l'ARN purifié. (a) Schéma de l’Ago-HITS-CLIP : à la suite de l'irradiation UV et de la lyse cellulaire, les fragments d'ARN sont digérés et immunoprécipités. Les complexes ternaires Ago-miR-ARNm sont récupérés et Ago est digérée. L'ARN est isolé, rétrotranscrit et séquencé. (b) Schéma du PAR-CLIP : le 4SU (ou 6SG) est rajouté au milieu de culture cellulaire et donc incorporé dans les transcrits naissants. L’irradiation UV permet la réticulation très efficace de ces nucléosides avec les protéines interagissant avec eux. Les fragments d'ARN sont ensuite digérés et immunoprécipités. Les complexes ternaires Ago-miR-ARNm sont récupérés et Ago est digérée. L'ARN est isolé, rétrotranscrit et séquencé. (c) Schéma du iCLIP : à la suite de la digestion médiée par la protéinase K, une amorce à code-barres permet de récupérer des fragments RT qui se sont terminés aux sites de réticulation à cause des résidus de protéines (diamant proche du rouge X). En effet, cette amorce permet la circularisation des fragments et, via un site de restriction interne, la linéarisation. De cette façon, des adaptateurs sont générés sur les deux extrémités des fragments, où ils peuvent être utilisés pour identifier à haute résolution les sites de liaison avec Ago. (d) Schéma du CLASH : la technique introduit une étape supplémentaire de purification sur colonne du complexe Ago-miR-ARNm suivie par la ligature l'extrémité 3' du miR à l'extrémité 5' de l'ARNm cible pour obtenir des chimères. (e) Schéma du iPAR-CLIP : dans cette technique, le 4SU est utilisé pour augmenter l'efficacité de la réticulation et une protéine de fusion Ago-GFP est utilisée pour l'IP. Cette méthode comprend également une étape de liaison afin de lier l'extrémité 3' du miR à l'extrémité 5' de l'ARNm cible, tout en générant des chimères miR-ARNm. Adapté de (Steinkraus, Toegel et al. 2016).