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La relation avec les troubles neurologiques

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

2. Les microARNs

2.6. La famille du microARN-132/212

2.6.4. La relation avec les troubles neurologiques

Notamment, le miR-132 est impliqué dans l’épilepsie, dans certaines maladies psychologiques (dépression et schizophrénie) et neurodégénératives (sclérose en plaques, démence fronto-temporale, maladie de Parkinson et MA). Un bref survol sera présenté pour chaque pathologie dans les prochains paragraphes. Toutefois, une attention particulière sera portée sur le rôle du miR-132 dans la MA.

L'épilepsie est un trouble neurologique qui provoque des perturbations de l’excitabilité neuronale. Cela amène à des crises d'épilepsie, c’est-à-dire des périodes de perte de conscience ou de conscience altérée, souvent accompagnées par des convulsions, une respiration bruyante et des perceptions transformées (goût, odorat, etc.)4. La thérapie

actuelle vise à contrôler la fréquence des crises, mais la physiopathologie sous-jacente de l'épilepsie n’est toujours pas claire.

Le niveau du miR-132 est régulé à la hausse dans l'hippocampe d’enfants atteints par l’épilepsie. Chez la souris, l'épilepsie peut être induite par l’utilisation de la molécule pilocarpine. Cette induction amène à l’augmentation du niveau du miR-132 (Nudelman, DiRocco et al. 2010). Chez un modèle de rat de l’épilepsie, le niveau du miR-132 est également augmenté dans les stades aigus et latents de la pathologie (Peng, Omran et al. 2013). Dans ce dernier modèle, en ligne avec son rôle négatif dans l’épilepsie, l'inhibition du miR-132 réduit de manière significative la mortalité neuronale dans l'hippocampe après des crises d’épilepsie (Peng, Omran et al. 2013). Au niveau moléculaire, la surexpression du miR-132 pourrait contribuer à l’épilepsie en ciblant directement le facteur de transcription SOX11, ce qui entraîne une différenciation neuronale altérée et ainsi un déséquilibre de l’excitabilité neuronale (Haenisch, Zhao et al. 2015).

2.6.4.2. Maladies psychologiques

2.6.4.2.1. Dépression

La dépression est un trouble de l’humeur de plus en plus répandu à travers le monde. L'acide oléanolique est un extrait naturel utilisé pour le traitement de la dépression (Fajemiroye, Galdino et al. 2014). Cet extrait agit sur la prolifération neuronale. Le miR- 132 participe à la réponse antidépressive de l'acide oléanolique (Yi, Li et al. 2014). Cela a été démontré chez la souris, où le traitement avec l’acide oléanolique conduit à la phosphorylation et à l'activation, médiées par BDNF, de la famille des protéines MAPKs/ERKs et de CREB, associées à la régulation à la hausse du miR-132 et à la prolifération des neurones hippocampiques (Yi, Li et al. 2014).

2.6.4.2.2. Schizophrénie

La schizophrénie est pathologie caractérisée par des anomalies cognitives qui affectent la pensée, les sentiments et les émotions. Les médicaments utilisés contre la schizophrénie sont les antipsychotiques.5

Le niveau du miR-132 est régulé à la baisse dans le sang périphérique des patients atteints par la schizophrénie. Il est donc un biomarqueur potentiel pour la discrimination des patients de contrôles sains. En plus, de façon intéressante, le traitement avec les antipsychotiques amène à l’augmentation du niveau du miR-132 dans le sang de patients atteints par la schizophrénie (Yu, Wu et al. 2015).

2.6.4.3. Les maladies neurodégénératives

2.6.4.3.1. Sclérose en plaques

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie neurodégénérative caractérisée par une démyélinisation des neurones du SNC. Cette détérioration affecte la capacité de communication du système nerveux, entraînant de nombreux symptômes, tels que des problèmes mentaux, physiques et parfois psychiatriques (Compston and Coles 2002).

Les lymphocytes B, des cellules participant à la réponse immunitaire, pourraient contribuer à l'expression aberrante des cytokines pro-inflammatoires observée chez les patients atteints de SEP. Miyazaki et ses collaborateurs ont observé, dans les lymphocytes B de patients atteints de SEP, une augmentation anormale de l'expression du miR-132, ce qui amènerait à une sécrétion trop élevée des cytokines Lymphotoxine et TNF (facteur de nécrose tumorale) (Miyazaki, Li et al. 2014).

2.6.4.3.2. Démence fronto-temporale

La démence fronto-temporale (FTD) est une pathologie causée par la dégénérescence des lobes frontaux et/ou temporaux du cerveau. Cette maladie est caractérisée par le développement progressif d'un changement de comportement et de personnalité et/ou

un déficit du langage6. Le niveau du miR-132 est régulé à la baisse dans le cortex des

patients atteints par la FTD (Hebert, Wang et al. 2013).

2.6.4.3.3. Maladie de Parkinson

La maladie de Parkinson (MP) est une pathologie caractérisée par un processus neurodégénératif qui affecte les neurones dopaminergiques situés dans la substance noire du cerveau (Qian, Song et al. 2017). Le niveau du miR-132 est régulé à la baisse dans le cortex préfrontal des patients atteints par la MP (Hoss, Labadorf et al. 2016). En plus, le miR-132 a un rôle connu dans la différentiation et l’entretien des neurones dopaminergiques. Chez la souris, grâce au ciblage du récepteur Nurr1, le miR-132 supprime la différenciation des neurones dopaminergiques. Au contraire, l’inhibition du miR-132 favorise la différenciation de ces neurones (Heman-Ackah, Hallegger et al. 2013). En plus, le miR-132 cible l’AChE (Acetylcholinesterase), une enzyme qui, si exprimée de façon aberrante, peut promouvoir la mort des neurones dopaminergiques (Llinas and Greenfield 1987). Cela suggère un rôle neuroprotecteur pour le miR-132 dans ces neurones (Shaked, Meerson et al. 2009).

2.6.4.3.4. Maladie d’Alzheimer

La famille du miR-132/212 est régulée à la baisse dans le cerveau des patients atteints par la MA. En particulier, cette régulation négative a été observée dans le cortex préfrontal, le cortex temporal, l’hippocampe et le cervelet (Cogswell, Ward et al. 2008, Wang, Huang et al. 2011, Hebert, Wang et al. 2013, Lau, Bossers et al. 2013, Wong, Veremeyko et al. 2013, Pichler, Gu et al. 2017). Dans le cortex préfrontal et temporal des patients, la régulation négative de la famille miR-132/212 a été observée dès les stades précoces de la maladie (stades de Braak III et IV). À partir des stades suivants (stades de Braak>IV), les niveaux du miR-132/212 diminuent avec la progression de la maladie (Lau, Bossers et al. 2013, Pichler, Gu et al. 2017). La régulation négative de la famille du miR-132/212 est plus prononcée par rapport à d’autres miRs et, de façon très importante, se produit avant la perte de miRs spécifiquement exprimés dans les neurones. Cela indique la possibilité que la régulation du miR-132/212 puisse être

indépendante de la perte progressive des neurones qui caractérise la MA. Ces observations corroborent ainsi l’implication cruciale de la perte du miR-132/212 dans l'étiologie de la MA plutôt que d'être simplement un effet secondaire dû à la perte neuronale (Lau, Bossers et al. 2013).

Afin de comprendre l’origine de cette dérégulation, Pichler et ses collaborateurs ont séparé, dans le cerveau des patients atteints par la MA, la matière grise (qui contient les corps cellulaire de neurones) et la matière blanche (qui contient les axones associés à des gaines de myéline protectrices). Ils ont ainsi observé la dérégulation du miR- 132/212 dans la matière grise, une donnée qui supporte l'hypothèse du dérèglement principalement neuronal de la famille miR-132/212 (Pichler, Gu et al. 2017).

Les niveaux du miR-132 sont étroitement associés à la phosphorylation et l’agrégation de la protéine Tau, deux mécanismes à la base de la formation des dégénérescences neurofibrillaires (Smith, Delay et al. 2011, Zhou, Chan et al. 2011, Hebert, Sergeant et al. 2012, Hebert, Wang et al. 2013). En particulier, dans les cerveaux de patients atteints par la MA, la diminution de l'expression du miR-132 est plus marquée dans les neurones présentant une hyperphosphorylation de Tau (Lau, Bossers et al. 2013) et corrèle négativement avec les stades de Braak, la formation des dégénérescences neurofibrillaires (Lau, Bossers et al. 2013) et le déclin cognitif (Smith, Hernandez-Rapp et al. 2015). Dans le modèle murin de la MA triple transgénique 3xTg-AD, caractérisé par la présence de plaques amyloïdes et de dégénérescences neurofibrillaires, un KO (Knock-out) de la famille miR-132/212 augmente la phosphorylation et l’agrégation de Tau (Smith, Hernandez-Rapp et al. 2015). Également, chez le modèle murin de la MA APP/PSEN1, caractérisé exclusivement par la présence de plaques amyloïdes, l’inhibition du miR-132 augmente la phosphorylation de Tau (Salta, Sierksma et al. 2016). Le mécanisme par lequel miR-132 influence la phosphorylation et l’agrégation Tau n’est pas clair.

Les outils de prédiction des cibles des miRs prédisent la protéine Tau comme cible potentielle du miR-132. Alors que des expériences d’essais rapporteurs in vitro montrent que le 3’UTR de Tau peut être directement ciblé par le miR-132 (Smith, Hernandez-Rapp et al. 2015), d’autres expériences in vivo ne peuvent pas le confirmer (Hansen, Karelina et al. 2013, Salta, Sierksma et al. 2016). Donc, l’hypothèse actuelle est que ce mécanisme est indirect et médié par des cibles du miR-132 qui, à leur tour, sont

impliquées dans la phosphorylation et l’agrégation aberrante de Tau, telles que MAPK3/ERK1, MAPK1/ERK2 et GSK-3β (Mandelkow, Biernat et al. 1995).

Salta et ses collaborateurs ont proposé un mécanisme qui passe par l’activation des kinases MAPK3/ERK1 et MAPK1/ERK2. Ce mécanisme implique le ciblage direct, par le miR-132, de ITPKB (Inositol-Trisphosphate 3-Kinase B), une protéine régulée à la hausse dans le cerveau des patients atteints par la MA. Cette protéine agit sur les kinases MAPK3/ERK1 et MAPK1/ERK2 afin de les activer (Salta, Sierksma et al. 2016). Un autre mécanisme a été mis en évidence dans des neurones humains primaires, où l’inhibition du miR-132 conduit à une régulation à la hausse de sa cible directe NOS1 (Nitric oxide synthase 1). Ce mécanisme déclenche une production excessive d'oxyde nitrique, ce qui mène à la nitrosylation et ainsi à l’activation aberrante de GSK-3β (Wang, Veremeyko et al. 2017).

En plus d’être associés à la formation des dégénérescences neurofibrillaires, les niveaux du miR-132 sont également associés à la formation des plaques amyloïdes (Hernandez- Rapp, Rainone et al. 2016, Salta, Sierksma et al. 2016). En effet, nous avons démontré que, dans le cortex temporal de patients atteints par la MA, les niveaux du miR-132 corrèlent négativement avec la quantité de plaques amyloïdes. Nous avons aussi démontré, chez le modèle murin 3xTg-AD, que la délétion du locus miR-132/212 favorise la production d’Aβ et les dépôts de plaques amyloïdes. Enfin, nous avons aussi mis en évidence, dans ce processus, l’importance de la protéine Sirt1 (Sirtuin-1), cible directe du miR-132 (Hernandez-Rapp, Rainone et al. 2016). Ce travail sera détaillé dans le chapitre 2 de ce manuscrit. Chez le modèle murin APP/PSEN1, Salta et ses collaborateurs ont également démontré que l’inhibition du miR-132 favorise la production d’Aβ et le dépôt des plaques amyloïdes. Ce mécanisme impliquerait toujours le ciblage de ITPKB, qui à son tour peut amener à l’augmentation de l’activité de BACE1, tout en agissant sur la production d’Aβ (Salta, Sierksma et al. 2016).

En dehors du rôle du miR-132 dans la formation des plaques amyloïdes et de dégénérescences neurofibrillaires, ce miR pourrait avoir également un rôle dans les autres processus qui caractérisent la MA. Notamment, les processus régulés par le miR- 132 décrits précédemment, c’est-à-dire le développement neuronal, la croissance et la morphologie dendritique et axonale, la fonction et la plasticité synaptique, la cognition

dysfonctionnels dans la MA (Mu and Gage 2011, Pimentel-Coelho and Rivest 2012, Cochran, Hall et al. 2014, Sopova, Gatsiou et al. 2014, Spires-Jones and Hyman 2014, Heneka, Carson et al. 2015, Heppner, Ransohoff et al. 2015, Alzheimer Society of 2016, De Strooper and Karran 2016).

À ces processus s’ajoute la neurotoxicité, un mécanisme qui semble être également régulé par le miR-132. En effet, dans le cerveau des patients atteints par la MA, le niveau d’ARNm impliqué dans la neurotoxicité de FOXO3 (Forkhead Box O3), PTEN (Phosphatase And Tensin Homolog) et EP300 sont élevés (Lau, Bossers et al. 2013, Wong, Veremeyko et al. 2013). Dans des neurones primaires d’hippocampe et de cortex, l'inhibition du miR-132 par l’utilisation d’oligonucléotides antisens induit une régulation positive de FOXO3a, PTEN, EP300 et la subséquente mort cellulaire par apoptose (Wong, Veremeyko et al. 2013). D’autre part, la surexpression de la famille du miR-132 dans des cultures d'hippocampe confère une résistance au traitement au peroxyde d'hydrogène induisant l'apoptose. Cela indique un potentiel rôle neuroprotecteur pour ce miR (Wong, Veremeyko et al. 2013).

Finalement, la déficience du miR-132 dans le cerveau des patients atteints par la MA pourrait contribuer, en plus de la formation des dégénérescences neurofibrillaires et des plaques amyloïdes, à la perturbation de tous ces processus.

2.6.5.

Les cibles prédites et validées de la famille miR-132/212

Considérant les rôles critiques de la famille miR-132/212 dans le SNC, l'étude de tous ses gènes cibles peut être un moyen précieux pour comprendre le mécanisme par lequel elle influence les différents processus biologiques et ainsi les processus pathologiques qui sont à la base des troubles neurologiques susmentionnés. L’outil de prédiction de cibles TargetScan (version 7.0) prédit plus de 900 gènes comme cibles directes potentielles de la famille miR-132/212 (Xia, Li et al. 2017), une donnée qui supporte l'hypothèse qu’un seul miR peut cibler des centaines d’ARNm (Bartel 2009). Néanmoins, à ce jour, environ 30 cibles du miR-132 ont été validées, surtout dans des contextes in vitro, à l’aide des essais rapporteurs (Tableau 3). Cela indique la possibilité que beaucoup de cibles du miR-132 restent à être découvertes et validées dans des contextes in vivo.

HYPOTHÈSES ET OBJECTIFS

Les projets de recherche réalisés dans mon laboratoire d’accueil ont pour objectif principal d’apporter des éclaircissements sur la fonction de la famille miR-132/212 dans le cerveau adulte.

Pour atteindre ce but, j’ai développé les deux objectifs spécifiques présentés ci-dessous. Pour chaque objectif, une revue de littérature sera présentée. Cette revue reprend les évidences les plus saillantes amenant à chaque objectif.

Objectif 1 - Analyse du rôle de la famille miR-132/212 dans un

modèle de souris de la maladie d’Alzheimer

Revue de littérature

Le niveau d’expression de la famille miR-132/212 est sévèrement régulé à la baisse dans le cerveau des patients atteints par la MA (Cogswell, Ward et al. 2008, Wang, Huang et al. 2011, Hebert, Wang et al. 2013, Lau, Bossers et al. 2013, Wong, Veremeyko et al. 2013, Pichler, Gu et al. 2017). Chez le modèle murin de la MA triple transgénique 3xTg- AD, le KO de la famille miR-132/212 induit l’augmentation de la phosphorylation et de l’agrégation de Tau, deux mécanismes à la base de la formation de dégénérescences neurofibrillaires (Smith, Hernandez-Rapp et al. 2015).

Hypothèse et objectif

Étant donné l’importance de la famille miR-132/212 dans la formation de dégénérescences neurofibrillaires, il est possible d’imaginer que ces miRs aient également un rôle dans l’autre caractéristique pathologique clé de la MA, c’est-à-dire la formation des plaques amyloïdes. En conséquence, le premier objectif de ma recherche est l’étude du rôle de la famille miR-132/212 dans la formation des plaques amyloïdes.

Objectif 2 - Identification et caractérisation des cibles de la