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Technolecte ou vocabulaire de la démocratie

Chapitre IV À la recherche du vocabulaire de la démocratie

III. Technolecte ou vocabulaire de la démocratie

Si nous relisons les définitions données plus haut, nous allons nous rendre compte que la démocratie est d’abord une affaire de mots : gouvernement, souveraineté du peuple, alternance, séparation des pouvoirs par-ci, liberté multiforme, suffrage universel et droits de l’homme par-là. Nous avons l’impression que ce concept fonctionne toujours en coordination avec d’autres mots ou expressions qui en précisent le sens, la finalité et parfois même le moyen. Dans cette situation, notre objectif, étant de chercher tous les mots-clés de la démocratie, doit être redéfini. En effet, la tâche s’annonce ardue dans la mesure où chercher

256 J.-V. Holeindre, B. Richard, op. cit, p.320.

257P. Marlière, « Le déclin historique de la social-démocratie », pp.139-147, in J.-V. Holeindre, B. Richard, op. cit., p. 139.

258 Le Grand Larousse encyclopédique, 2007.

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un technolecte pour un concept comme la démocratie est, théoriquement parlant, peu plausible : le technolecte est généralement réservé à un domaine. Le domaine des élections, par exemple, a son propre vocabulaire technique : candidat, isoloir, bulletin, vote, ballotage, etc. Mais, nous nous sommes dit que du moment qu’il existe un technolecte renvoyant aux élections, qui font partie, il faut le dire, d’un domaine plus large, à savoir, la politique, il devrait y en avoir un pour la démocratie. Nous avons remarqué en fait que cette dernière pouvait avoir son propre vocabulaire technique vu que chaque fois qu’on en fait usage, des mots/expressions récurrents font leur apparition. Cependant, en faisant une revue de la littérature politique, un constat sans appel s’impose : il y a un bon nombre de travaux sur le vocabulaire ou le langage politique mais pas assez d’ouvrages, nous semble-t-il, sur le vocabulaire de la démocratie et même quand il en existe, les termes-clés de la démocratie ne sont pas abordés dans leur totalité et il n’y est jamais question de technolecte. Ainsi, des travaux récents ont été effectués sur le vocabulaire en question mais ils ont été centrés sur le mot démocratie et ses dérivés, autrement dit sur la famille du mot « démocratie ». À titre d’exemple, nous avons le travail d’Anne-Laure Nicot260 qui a abordé la notion de démocratie en se limitant à : démocrate, démocratique, démocratiquement, démocratiser, démocratisation. Nous avons également l’article de Hugues Constantin de Chanay et de Sylvianne Rémi-Giraud261qui ont traité de cette notion en insistant sur le fait que le mot démocratie n’a pas de synonymes –il n’a que des antonymes- et en étudiant cette notion par opposition à, entre autres, monarchie, oligarchie, aristocratie, totalitarisme, etc. Ces auteurs ont examiné la notion de démocratie, d’abord dans la langue en se servant d’une référence lexicographique : le dictionnaire, et là ils ont fait allusion au rapport existant entre démocratie, égalité et liberté mais sans y accorder beaucoup d’importance, ensuite dans le discours en analysant un corpus. Nous, nous ne souscrivons pas à leur démarche dans la mesure où le mot démocratie n’a certes pas de synonymes mais il peut être remplacé par des formules faisant partie de son champ lexical comme par exemple « le pouvoir du peuple » ou «la souveraineté populaire » qui peuvent avoir une valeur de synonymie. Le troisième exemple que nous pouvons fournir est celui du travail d’Aurélie Morin et de Cécile Sourd262 dont l’étude s’est concentrée, comme dans les autres articles, sur la démocratie et ses dérivés. Nous pouvons aussi prendre

260 A.-L. Nicot, « La démocratie en questions. L’usage stratégique de démocratie et de ses dérivés dans les questions au gouvernement de la 11e législature (1997-2002), pp09-21, in P. Bacot et Ch. Le Bart (dir.), « Dire la démocratie aujourd’hui », Revue Mots, Les langages du politique, n° 83, 2007.

261 H. C. de Chanay et S. Rémi-Giraud, « Démocratie et ses dérivés. De la dénomination à l’argument sans réplique ? » pp. 81-99, in P. Bacot et Ch. Le Bart (dir.), op. cit.

262 A. Morin, C. Sourd, « Usages et usagers du mot démocratie et de ses dérivés. Une étude des professions de foi des candidats aux élections législatives et cantonales » pp. 23-35, in P. Biacot et Ch. Le Bart, op. cit.

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comme exemple l’ouvrage de Raphaël Hadas-Lebel, intitulé : Les 101 mots de la démocratie

française263. Bien que le titre soit attractif et que l’auteur y parle d’alternance, du droit de vote, de l’Etat de droit ou encore de la séparation des pouvoirs, la plupart des mots cités relèvent du paysage politique ou institutionnel de la France en tant que pays démocratique européen et non du vocabulaire de la démocratie comme le laisse supposer le titre. Nous avons, par exemple, les mots et expressions suivants : administration, arbitrage, autorité judiciaire, bloc de constitutionnalité, cabinet, campagne électorale, commission européenne, constitution, décret, etc. Donc, trouver un vocabulaire de la démocratie tout prêt à l’emploi s’avère impossible. Serait-ce à cause de son caractère politique ? Si nous prenons en considération l’avis de Jean-Marie Denquin264, la réponse est affirmative. Car, selon lui, le langage politique ne peut être un langage technique parce que c’est d’abord un langage destiné à la communication et son but principal c’est d’être compris par le commun des mortels, donc il doit être à la portée de tout le monde, c’est un langage qui ne demande pas de connaissance avancée ou de savoir antérieur pour le comprendre : ce n’est pas une science ou une technique. Bien que cela soit plausible, nous pensons que le langage politique de la démocratie mobilise un certain nombre de formules ou de mots-clés qui le différencient des autres langages politiques. Rien qu’en écoutant ou lisant un discours politique, nous pouvons, sur la base des mots employés, dire s’il s’agit de discours démocratique ou autocratique. C’est pour cette raison d’ailleurs que nous pouvons dire que les travaux sur la démocratie, signalés précédemment, auraient pu être plus conséquents si leurs auteurs avaient inclus tout le champ lexico-sémantique de cette notion. Nous nous assignons donc comme objectif la recherche d’un vocabulaire de la démocratie. Ainsi, après avoir mis en évidence, grâce aux dictionnaires de langue et aux ouvrages de spécialité politique, une liste de mots-clés (cf. p. 109) liés à cette notion, à première vue partielle, puisque nous ne nous sommes intéressé qu’à des mots hors-contexte, nous comptons aborder l’étude de ces mots en contexte. Une question, néanmoins, s’impose : dans quel contexte la notion de démocratie, avec tout son champ lexical, peut-elle apparaître le plus ? La réponse que nous pouvons fournir est simple : nous croyons que nous pouvons cerner les mots-clés de la démocratie dans trois sortes de discours : le discours institutionnel (Constitutions), le discours politique (programme et principes généraux des partis politiques par exemple) et le discours scientifique (articles ou ouvrages ayant déjà traité de cette notion). Mais nous penchons plutôt pour le premier discours et cela pour différentes raisons. D’abord, c’est dans la Constitution d’un pays que nous trouvons le cadre juridique

263 R. HADAS-LEBEL, Les 101 mots de la démocratie française, Paris, Éd. Odile Jacob, 2002.

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dans lequel une politique comme la démocratie peut être pratiquée. Ensuite, c’est dans la Constitution que nous pouvons avoir toutes les modalités de mise en œuvre de la démocratie. Enfin, nous croyons que le discours institutionnel, du moins celui qui s’inscrit dans la