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L’Algérie : la langue arabe comme moyen d’assujettissement du peuple

Chapitre II Langue-politique ou langue-démocratie : quand le pouvoir se mêle du

VII. L’Algérie : la langue arabe comme moyen d’assujettissement du peuple

Dans cette partie, nous mettons l’accent sur le rapport du politique à (la)/aux langue (s) en Algérie et ce, depuis l’indépendance jusqu’à nos jours. Il s’agit de rendre compte des politiques suivies par les différents présidents qui se sont succédé à la tête du pouvoir et

133 Ibid.

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d’examiner de manière approfondie les politiques linguistiques appliquées par ce dernier face à la présence de trois langues au sein de la société algérienne. Nous commençons notre exposé des faits par les régimes de Ben Bella et Boumédiene. Ensuite, nous passons à ceux qui leur ont succédé : le système sous la présidence de Chadli Bendjedid, celui de Mohamed Boudiaf, celui d’Ali Kafi et enfin, les pouvoirs de Liamine Zeroual et d’Abdelaziz Bouteflika.

1. Le régime de Ben Bella (du 27 septembre 1962 au 19 juin 1965)

Au lendemain de l’indépendance, après moult tractations entre les dirigeants du front de libération nationale, désormais le FLN, et ceux de l’armée de libération nationale (l’ALN), Ben Bella est désigné premier président de la République algérienne démocratique et populaire dans un climat de tension caractérisé par l’opposition de certains nationalistes algériens à cette désignation. Ben Bella, fortement imprégné des valeurs du panarabisme et même du baâthisme et influencé par Djamel Abdenasser, a été donc le premier président de l’Algérie indépendante, un vaste chantier où il fallait trouver rapidement des repères : identitaires, économiques et sociopolitiques. Il s’agissait alors de montrer à la communauté internationale surtout que ce pays pouvait émerger grâce à ses hommes, devenus libres. La tâche s’annonçait rude mais, dès le départ, la politique et le critère identitaire vont primer sur l’économique et le social. Ce président a débuté sa carrière en clamant haut et fort et, à trois reprises : « Nous sommes arabes »135. La couleur est donc annoncée : l’Algérien devait se soumettre à un modèle identitaire unique et oublier ainsi sa berbérité intrinsèque et sa langue, le maghribi. L’Algérie est vite classée dans le monde arabe, l’islam est décrété religion d’Etat et l’arabe classique langue officielle. Le système politique par contre va s’inspirer du socialisme russe, en vogue à l’époque. D’ailleurs, la Charte d’Alger136, adoptée le par le 1er Congrès du FLN du 16 au 21 avril 1964, est fort illustrative. Nous en rappelons quelques points qui motivent les décisions de Ben Bella :

« L’Algérie est pays arabo-musulman ; la dynamique globale de la lutte sociale telle

qu’elle s’est manifestée au lendemain de la libération agit en faveur d’une ouverture socialiste de la Révolution ; accélération de l’arabisation de l’enseignement, renforcement des liens, notamment culturels avec le monde arabe. » Cette charte s’est largement inspirée

du Congrès de Tripoli, tenu en 1962.

Par ailleurs, en matière de politique linguistique concrète, la Constitution de 1963 visait justement la promotion de la langue arabe. En témoignent les passages suivants :

135 À partir de l’aéroport de Tunis en 1962.

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« L’Algérie se doit d’affirmer que la langue arabe est la langue nationale et

officielle (préambule) ;

Article 5 : La langue arabe est la langue nationale et officielle de l’Etat ;

Article 76 : La réalisation effective de l’arabisation doit avoir lieu dans les meilleurs délais sur le territoire de la République. Toutefois, par dérogation aux dispositions de la présente loi, la langue française pourra être utilisée provisoirement avec la langue arabe »137. Comme nous le constatons, il n’y a aucune mention concernant le berbère ou les parlers locaux. Tous les moyens étaient donc mobilisés pour assurer une large diffusion de la langue arabe, classique s’entend, avec une petite dérogation pour le français qui avait encore sa place en raison de son importance encore effective dans tous les domaines de la vie sociopolitique de l’époque. Tout cela devait se faire bien entendu au détriment des autres langues en usage dans les années 1960.

Cette volonté d’arabiser, qui est caractérisée « par une sorte de zèle

révolutionnaire »138, trouve, selon Mohamed Benrabah, son explication, dans les deux idéologies qui animaient les hommes politiques algériens de la période post-indépendance. Ces deux idéologies avaient été inspirées de deux modèles de construction de l’identité européenne : il y a « le modèle « constructiviste » qui renvoie aux idéaux de la « nation

révolutionnaire » française fondée sur la souveraineté populaire, la volonté de vivre ensemble avec des valeurs communes comme la langue française censée renforcer les liens civiques. Le deuxième modèle, dit « primordialiste », insiste sur la relation presque mystique entre la nature, la langue et l’esprit du peuple »139.

Sur le terrain, la politique d’arabisation, lancée par Ben Bella, s’est notamment concrétisée à travers le remplacement des toponymes français par des toponymes arabes. Ainsi, des villes ont été débaptisées pour recevoir un nom arabe : Bône, Philippeville, Saint-Arnaud et Châteaudun, par exemple, deviennent respectivement Annaba, Skikda, El Eulma et Chelghoum Laid. Des quartiers à Alger prennent les noms des martyrs de la Révolution : la rue Michelet devient Didouche Mourad et la rue d’Isly Ben M’Hidi. À ce propos, on racontait souvent des anecdotes sur les différentes manières de rebaptiser les lieux. On racontait en effet qu’un jour, des agents, chargés de cette tâche, étaient allés voir un homme politique influent à l’époque pour lui dire ceci : « C’est bon pour le quartier de « La liberté » : on a

trouvé l’équivalent en arabe. C’est bon aussi pour la rue de l’Indépendance. Le hic,

137 Ibid.

138 M. Benrabah in M. Bozdémir et L.-J. Calvet (dir.), Politiques linguistiques en Méditerranée, Paris, Honoré Champion, 2010, p247.

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Monsieur, c’est pour le quartier d’Anatole France. On n’arrive pas à trouver le mot qu’il faut. » L’homme en question se met en colère et leur dit : « Mais réfléchissez un peu : c’est simple. Vous mettez « Anatole Algérie » ».

Nous pouvons dire que la période Ben Bella a été marquée par un bilinguisme officiel arabe/français et que tous les moyens étaient mobilisés pour la promotion de la langue arabe, cela sur le plan linguistique. Sur le plan politique, le socialisme a été le maître-mot du pouvoir en place qui sera renversé le 19 juin 1965 suite à un coup d’Etat militaire fomenté par Boumédiene.

2. Le régime de Houari Boumédiene (du 19 juin 1965 au 27 décembre 1978)

Porté à la tête de l’Etat algérien suite à un putsch qu’on a voulu transformer en redressement révolutionnaire, Houari Boumédiene, de son vrai nom Mohamed Ben Brahim Boukharouba, va diriger les destinées de l’Algérie d’une main de fer. Rompant partiellement avec les conceptions de son prédécesseur, il va porter à outrance la politique d’arabisation et le socialisme à la soviétique. Prônant la nationalisation de tout, il fait de l’islam et de l’arabe son cheval de bataille pour avoir le soutien du peuple. Ce président s’entoure donc, selon Jacques Leclerc140, d’une poignée d’hommes d’obédience arabo-islamique et conservatrice. Nous avons, à titre d’exemple, le ministre de l’Education de l’époque : Ahmed Taleb Ibrahimi. Le mot d’ordre était donc l’arabisation et rien que l’arabisation certes progressive mais elle a touché des domaines-clés comme « l’enseignement, l’administration et

l’environnement général, notamment les media. »141 Pour mieux cerner les tenants et aboutissants de la politique de Boumédiene en matière de langues, examinons quelques points de son discours du 19 juin 1976, discours relatif à l’adoption de l’avant-projet de Charte nationale :

« En ce qui concerne la langue nationale, il doit être clair que la souveraineté de la langue arabe est indiscutable. Elle ne doit pas avoir de concurrente. Je fais allusion ici à la langue française. Il existe des dialectes locaux dont nous ne pouvons nier qu’ils font partie de notre histoire culturelle. […]

Nous avons opté pour le renforcement de l’unité du peuple et de la nation tout en poursuivant sans relâche la politique d’arabisation. […]

Il existe des partisans de dialectes et de langage parlé qui diffèrent d’une région à une autre du nord au sud et d’est en ouest. La question qui se pose est de savoir ce qu’il

140 J. Leclerc, site cité plus haut.

141 G. Grandguillaume, « Arabisation et légitimité politique en Algérie », pp 17-23, in Salem Chaker, Langues et

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adviendrait du lien national après cinquante années si les dialectes étaient pris comme base. Un dialecte d’une région pourrait ne pas être compris dans une autre. […]

Ainsi donc, le choix de la langue arabe classique est un choix politique exigeant d’élever le niveau de la langue arabe au sein des masses afin qu’elle soit une langue correcte, saine et développée ne souffrant d’aucune complexité dans sa terminologie »142.

Le président Boumédiene ne badinait donc pas avec le statut de la langue arabe : il a employé le mot « souveraineté » pour montrer qu’il mettait sur le même pied d’égalité : langue et Etat. L’arabe, étant souverain et de manière indiscutable, était un symbole de l’Etat et il ne fallait pas qu’on y touche. Le français n’avait pas à rivaliser avec cette langue et les langues locales, qu’il désigne par « dialectes », n’avaient aucun poids si ce n’est une valeur culturelle relevant plus de l’histoire que du présent. Un peu plus loin, il a introduit l’expression « unité du peuple » pour justifier son choix linguistique : en plus d’être une langue souveraine, l’arabe était un élément unificateur. Il n’était pas aussi question de faire appel aux parlers locaux qui posaient un problème d’intercompréhension. Il termine son discours par réaffirmer que le choix de l’arabe était politique et que sa promotion et son adaptation était nécessaire. Il est clair que cela dévoile les vraies intentions de ce prédisent qui, en 1976, avait bien le pouvoir en main. Son Algérie à lui rejetait donc le plurilinguisme et imposait le monolinguisme officiel faisant ainsi fi des réalités socioculturelles des Algériens. Il faut ajouter aussi que le mot « berbère » n’était même pas employé à cette époque-là et les textes de lois qui émanaient du pouvoir n’en faisaient aucune mention. En témoignent la Constitution de 1976 (« Article 3 : L’arabe est la langue nationale et officielle. L’Etat œuvre

à généraliser l’utilisation de la langue nationale au plan officiel ») et les différents décrets

et ordonnances, sortis depuis 1966, relatifs notamment à : l’obligation d’utiliser la langue arabe dans les affaires de justice (1966), l’obligation de connaître la langue arabe pour les fonctionnaires et assimilés (1968), l’obligation de n’accepter que des prénoms à consonance algérienne faite aux agents de l’état civil (1970), l’arabisation des timbres nationaux et de la publicité commerciale (1973-1974), l’imposition de la langue arabe dans l’enseignement (1976).Cette politique d’arabisation à coups de lois et de décrets se voulait brutale, coercitive et exclusive. Nous la qualifions de brutale car le pouvoir voulait la réaliser rapidement (bien qu’on disait à l’époque que c’était progressif) et sans aucune prise en compte de la réalité du terrain. Elle est également coercitive en raison de son caractère imposé, dogmatique. Enfin, elle est exclusive car elle excluait toutes les langues en usage en Algérie, à l’époque. Voilà

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donc, la politique de Boumédiene en matière de langue. Son règne, qui aura duré 13 ans, prendra fin en décembre 1978. Quelle sera la nature du régime suivant ? Quelle attitude adoptera-t-il face aux langues ?

3. Le pouvoir sous Chadli Bendjedid (09 février 1979-11 janvier 1992)

À la mort de Boumédiene, survenue le 27 décembre 1978, et après un temps de réflexion au sommet du pouvoir, Chadli Bendjedid, un militaire, est désigné à la tête de l’État algérien. Avec Chadli, c’est l’accélération du processus d’arabisation tous azimuts. Ecole, université (quelques spécialités), environnement se sont mis à fonctionner en langue arabe. Et les décrets et les lois ne manquaient pas pour l’imposer. Ainsi, Chadli y a eu recours plus que son prédécesseur. En 1980, il introduit l’arabe à l’école nationale d’administration143 et moins d’une année plus tard, il demande qu’une liste de prénoms soit dressée et envoyée au ministère de l’intérieur pour la conception d’un fichier national en rapport avec l’identité algérienne144. Cela a eu pour conséquence de rejeter tout prénom jugé non compatible avec la dimension arabe de l’Algérie : même certains prénoms berbères étaient interdits. Un autre décret la même année impose la transcription en langue nationale des noms patronymiques145. Un troisième décret, sorti en mars 1981 également, exige ceci : « Les enseignes, panneaux et,

de manière générale, toute inscription peinte, gravée ou lumineuse, indiquant un établissement, une entreprise, un organisme ou mentionnant l’activité qui s’y exerce, sont exprimés en langue nationale »146. En 1986, une loi est promulguée pour la création d’une académie de langue arabe dont les objectifs tournaient autour de ceci :

« Servir la langue nationale en œuvrant à son enrichissement, sa promotion et son

développement ;

Préserver sa pureté et veiller à l’adapter aux réalités contemporaines en tant que véhicule d’invention scientifique et technologique ;

Concourir à son rayonnement en tant qu’outil de création dans les domaines des lettres, des arts et des sciences »147.

En 1989, une autre loi est établie obligeant les associations politiques à utiliser l’arabe dans les situations formelles148 et un prix, appelé « Houari Boumédiene », est institué pour promouvoir la création en langue arabe. Ce « prix est destiné à récompenser une œuvre

originale de création dans les domaines scientifiques, littéraire et culturel, réalisée en langue

143 Décret n° 80-146 du 24 mai 1980.

144 Décret n° 81/26 du 07 mars 1981.

145 Décret n° 81/28 du 07 mars 1981.

146Article 1, Décret n° 81-36 du 14 mars 1981.

147Article 5, Loi n° 86-10 du 19 août 1986.

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nationale, à titre individuel ou collectif, par des personnes de nationalité algérienne »149. D’autres lois suivront mais la plus importante est celle portant généralisation de l’utilisation de la langue arabe150intimant l’ordre aux entreprises publiques de ne faire usage que de cette langue. Deux autres décrets, allant dans le même sens, seront publiés en 1992. Voilà, en tout, 14 décrets et lois (Nous ne les avons pas cités dans leur totalité) n’ont été créés que pour gérer la situation linguistique de l’Algérie en imposant une seule langue. Cela montre à quel point les dirigeants de l’époque avaient le syndrome des langues autres que l’arabe. Mais le comble dans tout cela, c’est que, à la même époque, hommes politiques et hauts cadres de l’État envoyaient leurs enfants dans des écoles francophones151. Comment expliquer ce fait si ce n’est que la langue arabe n’était finalement bonne que pour le peuple. C’est à partir de là, nous semble-t-il, que le français est devenu une sorte de langue de classe laissant l’arabe aux situations de contact : État-peuple et peuple-peuple. Concernant les parlers locaux, le berbère et le maghribi, le constant est sans appel : aucune reconnaissance. Le mandat de Chadli se termine donc ainsi, avec ces lois linguistiques et une situation politique compliquée en 1992, suite à sa démission et à l’arrêt du processus électoral.

4. Mohamed Boudiaf (janvier 1992-juin1992)

Avec la démission de Chadli (certains disent qu’il a été démis de ses fonctions par l’armée) et une situation politique catastrophique, suite à l’arrêt du processus électoral qui avait vu le Front islamique du salut le remporter, l’armée fait appel à un ancien moudjahid, vivant au Maroc, faisant partie des 22 et symbolisant l’intégrité et le nationalisme, il s’agit de Mohamed Boudiaf. Ce dernier, après avoir hésité au départ, a fini par accepter cette mission de sauver l’Algérie. Il s’installe donc à El Mouradia et prend les choses en main. Commence alors la vraie remise en question des habitudes du pouvoir en place : Boudiaf aimait dire la vérité aux Algériens. Situation économique et sécuritaire, école, corruption sont les premiers chantiers auxquels il s’est attaqué en tenant un discours franc dans un arabe algérien très proche de celui du peuple. « Où va l’Algérie ? », « école sinistrée » ont été les leitmotivs de ce président qui allait bouleverser tout le système mis en place par ses prédécesseurs : il comptait geler la loi n°91-05 du 16 janvier 1991 promulguée par Chadli et portant généralisation de l’utilisation de la langue arabe. Pour lui, son application n’était pas à l’ordre du jour et il fallait attendre les conditions idoines pour le faire. Dans cette Algérie de Boudiaf, tout allait changer : le paysage linguistique avec une reconnaissance certaine des parlers

149 Article 2, Décret présidentiel n° 89-124 du 25 juillet 1989.

150 Loi n° 91-05 du 16 janvier 1991.

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locaux, une école à même de répondre aux normes mondiales et une situation économique et politique nouvelle à la fois stable et fiable. Mais tous les projets de ce président vont être compromis car il sera assassiné, dans des conditions obscures, le 29 juin 1992. Durant ce mandat, très court, la question linguistique a été certes abordée mais en matière de politique linguistique, la situation est restée telle quelle. C’est dans cette Algérie meurtrie par cet évènement et par le terrorisme qu’un autre président va être installé à la tête du Haut Comité d’État.

5. Ali Kafi (1992-1994)

Ali Kafi prend le pouvoir dans des conditions difficiles : assassinant de son prédécesseur, situation socioéconomique des plus inquiétantes et un problème politique et sécuritaire sans précédent : émergence de groupes terroristes se réclamant de la mouvance islamiste, bravant l’autorité de l’Etat et mettant en danger la vie des Algériens. Commence alors ce qu’on appellera plus de dix ans plus tard : la décennie noire ou les années de braise. Insécurité, violence de tout genre, terrorisme, assassinats : la vie des Algériens prenait une autre forme : c’est l’enfer. Cependant, même dans de telles conditions, la question de la langue n’a pas été négligée et deux décrets sont publiés le même jour, le même mois et la même année : le 04 juillet 1992. Le premier est présidentiel et le second législatif. Le décret présidentiel n° 92-303 concerne la manière d’appliquer la loi n° 91-05 du 16 janvier 1991 portant généralisation de l’utilisation de la langue arabe et stipule ceci : « La généralisation

de l'utilisation de la langue arabe, comme langue nationale et officielle, dans toutes les administrations publiques, les institutions, les entreprises et les associations, quelle que soit leur nature, est un principe fondamental irréversible »152. Le ton est clair et montre le

caractère irrévocable de cette décision. Parallèlement à ce texte, un décret législatif est signé le même jour par le président Ali Kafi et il contient une aberration dans le sens où il remet en question le premier. En voici le contenu : « Est prorogé jusqu'à réunion des conditions

nécessaires, le délai maximum fixé par l'article 36 de la loi n° 91-05 du 16 janvier 1991, portant généralisation de l'utilisation de la langue arabe »153. Cet article vient non pas contredire le premier mais montrer que le pouvoir juge la généralisation de l’emploi de la langue arabe prématurée : il fallait attendre que les conditions propices soient réunies. Voilà la volteface du pouvoir face aux réalités sociolinguistiques du pays. Cela montre on ne peut mieux que les décisions en matière de langue sont prises dans la précipitation : sans aucune étude à long terme et sans aucune planification. Avec Ali Kafi, les parlers algériens n’ont pas

152Article 1er, Décret présidentiel n° 92-303 du 4 juillet 1992.

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eu droit de cité, officiellement parlant. C’est à l’image de ce qui s’est produit du temps des trois premiers présidents. Qu’en sera-t-il avec celui qui prendra le relais en 1994 ?

6. Liamine Zeroual (1994-1999)

Liamine Zeroual, un autre militaire choisi par ses compères, s’installe à El Mouradia pour une durée de cinq années, les pires années qu’ait connues l’Algérie indépendante. Aux massacres massifs de civils s’ajoutent les assassinats d’intellectuels : journalistes, hommes de