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Techniques de caractérisation de nanomatériaux à l’état colloïdal

3.4.1 Spectroscopie d’extinction UV-VIS

Les propriétés optiques particulières aux colloïdes plasmoniques permettent de les caractériser rapidement avec des techniques spectroscopiques pour mesurer l’extinction en fonction de la lumière incidente. Tel que mentionné dans la section 2.2.2, selon leur taille, les nanoparticules exposées à une onde résonante peuvent l’absorber ou la diffuser de différentes manières. Dans tous les cas, ces mécanismes vont provoquer l’extinction du signal perçu par le détecteur en transmission et permettre de comparer plusieurs échantillons. Comme son nom l’indique, la spectroscopie UV-VIS permet de tracer un graphe de cette extinction avec la longueur d’onde dans les gammes de l’ultraviolet (200-400 nm), du visible (400-700 nm) et du proche infrarouge (700-2500 nm). Certaines structures peuvent être identifiées en suspension : un échantillon de

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faible polydispersité montrera une bande spectrale plus étroite, alors que la présence d’agrégats en suspension se traduit par une large bande aux hautes longueurs d’onde.

3.4.2 Spectrofluorimétrie

Bien que les nanoparticules cœur-coquille métal-silice ne soient pas en elles-mêmes fluorescentes, l’ajout de chromophores dans l’architecture apporte une signature caractérisable par spectroscopie de fluorescence. Le spectrofluorimètre utilisé dans le cadre de ce projet est un Fluorolog-3 (Jobin Yvon) muni de double-monochromateurs pour l’excitation et l’émission ainsi que d’un tube photomultiplicateur refroidi comme détecteur. Un faible niveau de lumière parasite perçue augmente la précision des mesures à des concentrations faibles limitant notamment les effets d’auto-absorption. Toutefois, la correction des spectres par une référence demeure nécessaire afin de minimiser l’influence d’autres phénomènes inélastiques comme la diffusion Raman des échantillons.

En plus des modes de caractérisation habituels en fluorescence (excitation et émission), l’appareil est équipé de filtres polariseurs ouvrant la porte à des mesures d’anisotropie de fluorescence. En effet, ces analyses fondamentales permettent de sonder l’environnement local d’un fluorophore durant son temps de vie à l’état excité : si la molécule est libre de bouger en solution, la rotation de son moment de transition provoque une dépolarisation de l’émission de fluorescence. Ainsi, avec des mesures utilisant deux polarisations parallèles (I‖) et orthogonales en x ou en z (I), l’anisotropie (r) peut être représentée par :

𝑟 = 𝐼∥− 𝐼⊥ 𝐼∥+ 2 ∙ 𝐼⊥

Dans des conditions isotropes, c’est-à-dire sans restriction des mouvements de rotation moléculaire, la lumière émise sera polarisée de façon aléatoire et l’anisotropie résultante sera nulle. À l’inverse, l’immobilisation complète favorisera la conservation de l’orientation des moments de transition moléculaires et l’anisotropie sera maximale. Des paramètres comme la viscosité de l’environnement, le temps de vie du fluorophore et les dimensions stériques de l’émetteur vont donc influencer les valeurs d’anisotropie. Dans les échantillons de nanoparticules cœur-coquille, puisque l’espèce fluorescente est incorporée de façon covalente à même le réseau de silice, l’anisotropie attendue sera plus élevée que pour la même molécule libre en solution. À la manière de l’approximation de Born-Oppenheimer pour la mobilité des électrons par rapport au noyau atomique, ici, les rotations moléculaires sont beaucoup plus rapides que le mouvement des colloïdes en suspension. Les mesures d’anisotropie de fluorescence pour ces échantillons permettent donc

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de sonder directement les propriétés de luminescence exaltée des fluorophores incorporés dans l’architecture sans devoir considérer la vitesse de rotation des particules.

3.4.3 Comptabilisation de photons uniques corrélés en temps (TCSPC)

Une source laser pulsée peut aussi être utilisée afin de sonder directement la durée du temps de vie de fluorescence. Plutôt que de résoudre les informations en fonction de la fréquence/longueur d’onde comme en spectrofluorimétrie, la technique est basée sur un histogramme corrélé temporellement. Cette cinétique de relaxation est une propriété intrinsèque à l’espèce fluorescente et de son interaction avec l’environnement. Après l’excitation initiale par une impulsion courte, la cinétique d’ordre est dictée par le taux de désactivation total, c’est-à-dire les taux radiatif (Γ) et non-radiatif (knr), selon la relation :

𝑑𝑛(𝑡)

𝑑𝑡 = (𝛤 + 𝑘nr) ∙ 𝑛(𝑡)

où n(t) représente le nombre de molécules excitées au temps t. Dans un environnement homogène, si ces molécules ont toutes la même probabilité d’émettre un photon, la dépopulation des états excités va correspondre à une décroissance exponentielle simple57,58 :

𝑛(𝑡) = 𝑛0 ∙ 𝑒 −𝑡𝜏

où τ correspond au temps de vie de fluorophore du fluorophore d’intérêt. Expérimentalement, puisque le nombre de molécules excitées n’est pas déterminé directement, on considère plutôt la relation :

𝐼(𝑡) = 𝐼0∙ 𝑒−𝑡⁄𝜏

puisque l’intensité de fluorescence (I) est proportionnelle à la concentration des fluorophores, donc à leur nombre (n) en solution.

Ainsi, la valeur du temps de vie de fluorescence (τ) ne peut être mesurée directement et doit plutôt être extraite à partir de données corrélées en temps. L’histogramme exponentiel de relaxation de l’état excité d’un fluorophore peut être obtenue en mesurant le délai entre le pulse laser d’excitation et le retour d’un photon unique au détecteur (Figure 3.11). Pour faire ce genre de mesures, un appareil de comptabilisation de photons uniques corrélés en temps (TCSPC, Time-correlated single photon counting) a été utilisé dans le cadre de ce projet.

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Figure 3.11 : Illustration schématique du principe de compte de photons uniques en TCSPC et leur combinaison dans un histogramme de décroissance monoexponentielle59

Figure 3.12 : Schéma des composantes présentes dans le parcours optique de l’appareil FluoTime (PicoQuant) utilisé pour les expériences de temps de vie de fluorescence par TCSPC60

Au départ du pulse laser, une portion de la puissance est utilisée et convertie en signal électrique afin d’indiquer le début du comptage. Ainsi, lorsqu’un photon atteint le détecteur, la valeur du délai est placée dans l’histogramme et le processus recommence à l’excitation suivante; la source laser utilisée permet de répéter ce cycle avec une fréquence de 107 impulsions par seconde (10 MHz). Dans ces conditions, la

technique de TCSPC permet d’accumuler rapidement des histogrammes de relaxation de fluorescence. Toutefois, comme la mesure cesse dès qu’il y a détection d’un photon unique, le détecteur PMT n’enregistre pas les événements survenant entre cet arrêt et le départ du pulse suivant. Une concentration d’émetteurs menant à une émission dans seulement 0,1% des pulses d’excitation est la limite maximale permettant d’éviter cette perte de données durant le temps mort du détecteur.

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Malgré le fait que l’excitation laser soit très rapide (moins de 1 nanoseconde), son passage dans le parcours optique pour se rendre jusqu’à l’échantillon peut mener à un élargissement temporel pouvant compliquer l’analyse d’échantillons complexes (Figure 3.12). Le profil temporel de cette réponse instrumentale (IRF,

instrumental response function) doit donc être mesuré avec une référence à temps de vie très court afin de

tenir compte de sa contribution lors des mesures de temps de vie très courts (<1 ns). Par la suite, la valeur du temps de vie de fluorescence est obtenue par reconvolution d’une ou plusieurs relations exponentielles. Ce traitement des données permet de distinguer différents effets en solution, si la variation est significative par exemple. Les mesures expérimentales de TCSPC permettent de caractériser notamment le raccourcissement du temps de vie dû au positionnement d’un fluorophore à proximité d’un système plasmonique aux longueurs d’onde permettant le MEF61 et à l’extinction de la fluorescence par un mécanisme

dynamique62.

3.4.4 Analyse en suivi de nanoparticules uniques (NTA)

Les propriétés optiques des colloïdes plasmoniques et fluorescentes permettent aussi de les caractériser individuellement en suspension à l’aide d’un appareil de type NTA (nanoparticle tracking analysis). Composé d’un microscope utilisant une source monochromatique (Figure 3.13), cet appareil a comme principal avantage d’utiliser un algorithme de comptage basé sur l’équation de Stokes-Einstein dans des conditions où la température (T) et la viscosité (η) sont constantes63,64 :

𝐷ℎ =

𝑘𝐵𝑇 3𝜋𝜂𝐷𝑡

où Dh est le rayon hydrodynamique de la particule, kB la constante de Boltzmann, Dt la constante de diffusion

du colloïde. Comme ce dernier paramètre est directement relié à la vitesse de la particule en solution, la résolution avec les valeurs tirées d’un film d’acquisition permet de remonter à la taille de l’élément diffusif ou fluorescent. Plusieurs films de l’élution de nanoparticules sont donc enregistrés suite à l’élution de celles-ci en diffusion et fluorescence. Le suivi en NTA mène donc à la mesure d’un histogramme de distribution de taille d’échantillons colloïdaux et de leur concentration, puisque le volume de la chambre d’élution est connu et demeure constant.

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Figure 3.13 : Schéma de l’excitation et la récolte de la diffusion d’un colloïde en solution dans la chambre d’élution d’un appareil NTA