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2.1.1 Diagramme énergétique des phénomènes de luminescence

Les phénomènes de photoluminescence proviennent d’interactions lumière-matière entre un matériau et une onde incidente pour donner lieu à l’émission de nouvelles ondes électromagnétiques distincte. Les chemins de relaxation communs d’énergie plus faible que l’onde absorbée sont représentés dans un diagramme de Jablonski illustrant les transitions possibles pour un électron dans les niveaux électroniques et vibrationnels d’une molécule (Figure 2.1).1

Figure 2.1 : Diagramme de Jablonski représentant les échanges énergétiques présents dans un système moléculaire luminescent

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Parmi les différents phénomènes de luminescence, la fluorescence est le mieux caractérisé et le plus utilisé pour des applications analytiques.1,2 Ce mécanisme d’émission de lumière débute par l’absorption rapide

(<10-15 s) d’un photon de longueur d’onde spécifique (λexc) pour promouvoir un électron vers un niveau

d’énergie supérieur. À l’état excité, la résonance délocalisée présente un moment dipolaire avec une énergie supérieure qui sera dissipée par différents mécanismes intra- et intermoléculaires permettant au fluorophore de retourner à son état fondamental. Tout d’abord, comme stipulé par le principe de Franck-Condon, les transitions électroniques dans ce système vont mener à une énergie électronique et vibrationnelle supérieure.3 Suite aux interactions avec son environnement par relaxation vibrationnelle, la molécule peut

minimiser à nouveau son énergie en passant par conversion interne vers un niveau inférieur de l’état excité à haute énergie vibrationnelle (<10-12 s). Le retour à l’état fondamental S0 (~10-9 s) par l’émission d’un photon

se fait typiquement une fois que l’équilibre thermique avec son environnement est atteint (10-12 s), c’est-à-

dire au niveau vibrationnel minimal d’un état excité stable (S1 dans la Figure 2.1). Ainsi, à cause des pertes

énergétiques subies pour se rendre au niveau Sn, l’émission du photon de fluorescence se fait habituellement

à plus haute longueur d’onde que celle du photon initialement absorbé (~10-9 s). Appelé le déplacement de

Stokes, cet écart spectral entre l’excitation et l’émission d’un fluorochrome, habituellement symmétriques, permet donc de distinguer la signature de fluorescence de la lumière incidente et d’apporter plusieurs avantages analytiques.

Toutefois, puisque le retour vers le niveau d’énergie fondamentale par émission d’un photon est le processus le plus lent, d’autres phénomènes peuvent se produire avant que la fluorescence n’ait lieu. Notamment, des mécanismes non-radiatifs peuvent se produire, comme une extinction de la fluorescence par un autre élément (détaillé à la section 2.1.2), une conversion interne vers un haut niveau vibrationnel de l’état fondamental ou une réaction chimique. Dans le cas de la conversion interne, la molécule peut être déstabilisée au point où une liaison se brise dans la structure résonante et neutralise toute propriété de luminescence. De plus, ce photoblanchiment peut provenir d’une réaction chimique à l’état excité avec une espèce oxydante (ex : 1O2 dissout) venant elle aussi modifier la structure même du chromophore. À force de

répéter le cycle d’excitation-émission d’une molécule fluorescente, le photoblanchiment moléculaire devient statistiquement favorisé. Cet effet irréversible est alors dépendant de l’environnement chimique (gaz dissout, solvant, température, etc.), mais aussi du nombre photons déjà émis par la molécule (budget de photons). Finalement, des mécanismes radiatifs ou des échanges menant à l’émission de luminescence par une autre espèce sont aussi probables à l’état excité. Plusieurs applications analytiques utilisent les transferts énergétiques avec une seconde molécule fluorescente pour moduler la signature spectrale d’un système

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fluorescent. Principalement de type FRET (Förster resonant energy transfer), ces échanges dipôle-dipôle sont dépendantes de la distance entre un donneur et son accepteur et viennent amoindrir à des degrés divers l’émission de la première molécule. Le paramètre du rayon de Förster permet de décrire la distance où le transfert énergétique est probable à 50%. Enfin, dans certains cas, une inversion du spin de l’électron peut se produire pour passer à un niveau d’énergie triplet (T1) de plus basse énergie pour émettre un photon,

cette fois par phosphorescence.

2.1.2 Mécanismes d’extinction de la fluorescence

Plus communément désignée par le terme « quenching », l’extinction de fluorescence inclut tous les mécanismes provoquant la perte d’intensité lumineuse émise par un échantillon. Toutefois, certains effets triviaux comme la présence d’un second absorbeur ou l’atténuation du signal par auto-absorption peuvent être négligés en minimisant la concentration en émetteurs par exemple.4 Ainsi, les processus d’extinction les

plus intéressants pour des applications analytiques vont provenir du retour d’une molécule à l’état excité vers son niveau fondamental sans émission de lumière. Par exemple, l’extinction statique peut être utilisée en formant des complexes ou des liaisons covalentes avec un analyte, rendant la forme finale du capteur non- fluorescente.

Toutefois, le fonctionnement d’une majorité de ces capteurs par extinction de fluorescence va plutôt dépendre de la diffusion ou de collisions moléculaires.4 Par le fait même, la fréquence de ces événements

suit une relation statistique reliée à la concentration en solution d’un élément extincteur : si une collision se produit alors que le fluorophore est encore à l’état excité, son énergie passera vers le second élément selon différents mécanismes. Tout d’abord, comme mentionné dans la section 2.1.1, les transferts énergétiques non-radiatifs de type FRET correspondent à la définition d’extinction puisque le signal attendu pour le donneur diminue en fonction de sa distance avec l’accepteur partenaire.1 De la même manière, un échange

par le processus de Dexter peut survenir, c’est-à-dire lorsque l’élément extincteur est donneur d’un électron vers l’état fondamental mais aussi accepteur de l’électron à l’état excité du fluorophore (Q*). À proximité de la molécule excitée lors de la collision, l’espèce extinctrice peut aussi causer une perte énergétique vers un niveau inférieur à S1 : c’est le cas du couplage spin-orbite induit par certains atomes lourds. Les ions

halogénure comme l’iodure, le bromure, et le chlorure peuvent favoriser le passage vers un état triplet de plus basse énergie, où le temps de vie long permet de dissiper l’énergie du chromophore par collisions thermiques avec le solvant. Cette dynamique d’extinction peut être représentée en intensité relative de fluorescence (F0/F) ou du temps de vie (τ0/τ) par l’équation de Stern-Volmer :

9 𝐹0

𝐹 = 𝜏0

𝜏 = 1 + 𝑘𝑄𝜏0[Q] = 1 + 𝐾SV[Q]

où la constante de Stern-Volmer (KSV) traduit la sensibilité à l’extinction de fluorescence avec la concentration

de l’élément perturbateur ([Q]). La constante KSV correspond finalement à la capacité intrinsèque à cet

élément d’éteindre le signal (kQ) et au temps de vie initial du fluorophore en solution (τ0). Alors que les

extinctions dynamique et statique mènent toutes deux à une diminution du signal analytique, la formation d’un complexe statique non-fluorescent n’influence pas le temps de vie mesuré; la réduction du temps de vie est donc caractéristique au processus d’extinction dynamique (Figure 2.2).

Figure 2.2 : Graphe de Stern-Volmer de la fluorescence ou du temps de vie éteints (F, τ) normalisés par la luminescence sans cette influence (F0, τ0) par processus dynamique avec deux anions halogénure en

solution aqueuse.5

Ainsi, les performances en termes de sensibilité et de sélectivité d’un capteur à extinction sont habituellement présentées en utilisant un graphique de Stern-Volmer. Les données expérimentales d’extinction de la fluorescence montrent donc une pente attribuable à la constante KSV et donc, pour un même rapporteur,

cette variation peut être corrélée directement à la valeur théorique kQ. Par exemple, les espèces cationiques

dérivées de la quinoline sont éteintes plus efficacement par les halogénures lourds comme le bromure ou l’iodure par rapport au chlorure, plus commun dans les solutions biologiques.5

2.1.3 Intérêt analytique de la fluorescence

Comme l’interaction lumière-matière permettant d’observer la fluorescence d’un échantillon est intrinsèquement non-invasive envers les tissus biologiques, celle-ci est devenue une méthode de choix pour

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des applications de marquage, de ciblage et de détection in situ. Dans ce genre d’environnements complexes, une sonde fluorescente devrait être distinguable par sa signature spécifique d’excitation et d’émission. Par le fait même, le signal du rapporteur peut être corrélé de façon quantitative à sa concentration ou à une variation environnementale attendue. À l’inverse, l’information qualitative seule permettrait difficilement d’identifier simplement une molécule fluorescente en solution physiologique; avec la caractérisation complète des propriétés de luminescence et des limitations d’un capteur, il devient possible de rapporter des fluctuations minimes de façon juste et précise.

Malgré l’auto-fluorescence naturelle des molécules biologiques (ADN, ARN, protéines, etc.) générée par de courtes longueurs d’onde d’excitation,6 l’ajout d’une sonde luminescente permet d’obtenir un rapport signal

sur bruit intéressant autant en spectroscopie qu’en microscopie.2 Toutefois, le processus cyclique

d’excitation-émission de la fluorescence peut être brisé par photoblanchiment durant de longs temps de mesure (Figure 2.3).

Figure 2.3 : Illustration du photoblanchiment de cellules végétales BY-2 marquées avec une protéine verte fluorescente (GFP)7

La visualisation de compartiments cellulaires en microscopie de fluorescence et le suivi du métabolisme sont notamment utilisés en recherche biomédicale, malgré plusieurs inconvénients importants venant avec l’utilisation de ces capteurs. En plus d’une photostabilité limitante, l’hydrophobicité moléculaire favorise leur accumulation dans la membrane cellulaire et soulève des questions quant à la cytotoxicité et l’influence invasive sur les mécanismes cellulaires sondés. Dans les dernières décennies, l’amélioration de ces propriétés est principalement venue avec la stabilisation des systèmes fluorescents par des groupements chimiques ou dans des nano-architectures biocompatibles pour permettre des analyses de longue durée.8,9

L’utilisation de nanotechnologies permet notamment d’augmenter la détectabilité de la sonde en incorporant un plus grand nombre de molécules dans son volume et en ajustant leur interaction avec l’environnement physiologique.10,11 Dans le cadre de cette thèse doctorale, l’approche privilégiée a été de développer des

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biocapteurs à fluorescence exaltée par un matériau présentant des propriétés plasmoniques incorporées à même un nanomatériau hybride.