La caractérisation des souches bactériennes suit des règles précises de systématique, qui évoluent au fur et à mesure des avancées des techniques de laboratoire (Stackebrandt et
al., 2002; Tindall et al., 2010; Wayne et al., 1987). Pour parvenir à une validation formelle du
statut taxonomique, une description détaillée des caractéristiques de l’organisme doit être réalisée en mettant en évidence les traits qui la distinguent des souches décrites les plus proches. La caractérisation se base généralement sur des méthodes adaptées aux taxons bactériens copiotrophes et à croissance rapide et sont plus difficiles à mettre en place pour les organismes oligotrophes, les organismes à croissance lente ou ceux qui se développent difficilement sur des milieux gélosés. Le paragraphe suivant présente certains des tests qui ont dû être adaptés à un taxon bactérien copiotrophe, mais qui présente une croissance relativement lente (particulièrement sur milieu gélosé).
4.1. Analyse de l’activité enzymatique d’une souche bactérienne à croissance
lente
La détermination de l’activité enzymatique fait partie des critères permettant de différencier les taxons bactériens. Le système API ZYM qui est la méthode la plus classiquement employée permet de mesurer un ensemble de 19 enzymes de façon standardisée, simple et rapide. Développée à la fin des années 70’s (Humble et al., 1977), la galerie API ZYM est adaptée à l’analyse d’une très large gamme de bactéries (Gruner et al., 1992). Cependant, même si elle est très largement employée, il est tout de même nécessaire d’adapter son utilisation à la souche bactérienne analysée. En effet, le protocole d’utilisation préconise une incubation de culture bactérienne pendant 4h dans les différentes cupules de la galerie, dont le fond est recouvert de substrats synthétiques favorisant les réactions enzymatiques. A l’issue de cette incubation, la présence d’enzyme est révélée par ajout de réactifs. Cependant, ce temps d’incubation est insuffisant pour les bactéries à croissance lente et il est presque impossible d’interpréter les résultats obtenus, tant les colorations développées sont proches du témoin négatif. Dans le cas de la souche KC90BT, il a fallu augmenter le temps de réaction à 17h, voire 4 jours, pour l’interprétation des résultats devienne évidente (Figure 36). Or, une telle augmentation de la durée d’incubation n’était pas
nécessaire dans les analyses réalisées sur les plus proches souches de référence, en raison de leur croissance plus rapide (Choi et al., 2007; Kim et al., 2010; Lai et al., 2013). Park et al. (2014) précisait, quant à eux, une incubation de 10h, qui n’aurait pas été suffisante dans notre cas.
Figure 36 : Lecture des galeries API ZYM après (a) 17h et (b) 4 jours d'incubation pour la souche KC90BT
En conclusion, même pour des tests aussi standardisés que ceux disponibles dans le système API ZYM et qui constituent à priori une méthode simple et rapide, il est parfois nécessaire d’adapter la technique à l’organisme analysé, notamment lorsqu’il s’agit d’une bactérie à croissance lente.
4.2. Analyse de la susceptibilité aux antibiotiques
Un autre critère important pour la caractérisation d’une souche bactérienne est sa susceptibilité aux antibiotiques. Pour réaliser ce test, une culture bactérienne (100µL d’une densité cellulaire de MacFarland 0,5) est généralement étalée sur un milieu gélosé favorable à sa croissance. Plusieurs disques de différents antibiotiques (chaque disque contenant une concentration connue en antibiotique) sont ensuite déposés sur la boite. En général, 6 à 7 disques d’antibiotiques sont déposés sur la gélose à intervalles réguliers. Pour les souches qui poussent difficilement sur gélose (colonies de très petite taille, croissance lente) et très sensible aux antibiotiques testés, le résultat obtenu est une absence totale de croissance bactérienne. Nous avons obtenu ce résultat lors de la caractérisation de la souche KC90BT. Il a donc été nécessaire d’augmenter la densité cellulaire de l’inoculum (200µL d’une densité cellulaire de MacFarland 1-‐2) et de déposer un seul disque d’antibiogramme par boite de Petri. Le Tableau 7 répertorie les diamètres d’inhibitions observés lors de l’analyse de la susceptibilité aux antibiotiques de S. algicola KC90BT. Ces résulats permettent de mieux comprendre pourquoi aucune croissance n’était observée lors de nos premiers essais où un nombre trop élevé de disques d’antibiotiques inhibant sa croissance avait été déposé sur la même boite de milieu.
(a) (b)
Tableau 7 : Susceptibilité aux antibiotiques de S. algicola KC90BT.
Antibiotique Diamètre d’inhibition (mm) Antibiotique Diamètre d’inhibition (mm)
Ampicilline 22 Rifampicine 50
Chloramphénicol 64 Erythromycine >70
Pénicilline G 24 Néomycine 56
Gentamicine 6 Tétracycline 14
Kanamycine 46 Acide nalidixique 0
Streptomycine 56
4.3. Détermination des optimums de croissance
La détermination des paramètres abiotiques optimaux permettant la croissance est essentielle à la caractérisation d’une souche bactérienne. Pour les bactéries marines, trois paramètres abiotiques sont principalement étudiés : la température, la salinité, et le pH. De très nombreuses études utilisent des milieux gélosés pour étudier le comportement d’une souche bactérienne vis-‐à-‐vis de ces paramètres. Cependant, cette technique est adaptée aux souches bactériennes présentant une bonne croissance sur gélose. Dans le cas des bactéries à croissance lente sur gélose, il est donc préférable de cultiver en milieu liquide mais aussi de suivre la croissance par cytométrie en flux. La simple mesure d’un trouble de la culture n’est pas un paramètre adapté à ce type de bactérie, car il faut atteindre une densité cellulaire assez importante (en général plus de 5.10E+07 bactéries/mL) pour qu’un trouble puisse être mesuré au spectrophotomètre, alors qu’une croissance faible peut avoir lieu en-‐dessous de ce seuil de turbidité (Figure 37).
Figure 37 : Suivi de la croissance bactérienne de la souche KC90BT dans du milieu MB/2 à différents pH (4,5 à 10 par incrémentation de 0,5) par cytométrie en flux. Le seuil à partir duquel un trouble est observé (5,10E+07 cellules/mL) est représenté par la ligne en pointillé verte. Aucun trouble n’était observé dans les cultures à pH6 et pH8 à 9, alors qu’une croissance bactérienne était effective d’après les comptages par cytométrie en flux. La souche présente un développement optimal aux pH compris entre 6,5 et 7,5 mais ne se développe pas aux pH≤5,5 et pH≥9,5. 1,00E+05' 1,00E+06' 1,00E+07' 1,00E+08' 1,00E+09' 0' 1' 2' 3' 4' 5' 6' 7' 8' 9' 10' Co nc en tr a7 on 'b ac té rie nn es '(c el lu le s/ m L) ' Temps'd'incuba7on'(jour)' Détermina*on,de,l'op*mum,de,pH,d'une,bactérie,en,suivant,par,cytométrie,en,flux, la,croissance,bactérienne,dans,du,MB/2,à,différents,pH, 4,5' 5' 5,5' 6' 6,5' 7' 7,5' 8' 8,5' 9' 9,5' 10' 5,10E+ Gamme de pH