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Les différents rôles de TBK1 déjà évoqués sont rappelés (Figure 20) et sont synthétisés brièvement dans les paragraphes suivants.

1- Rôle de TBK1 dans l’immunité innée

TBK1 est une kinase appartenant à la famille des IKK non canoniques, par opposition aux IKK canoniques (IKKα et IKKβ) qui activent la voie NF-κB (Häcker and Karin, 2006). Le rôle de TBK1 dans l’activation de NF-κB a longtemps été sujet de débats (Abe and Barber, 2014), mais il semble que cette kinase soit principalement impliquée dans la cascade de signalisation menant à l’activation d’IRF3 (Fitzgerald et al., 2003). En effet, en absence de TBK1 (MEF TBK1-/-) l’activation d’IRF3 est totalement inhibée et par conséquent les IFN ne sont plus exprimés (McWhirter et al., 2004). TBK1 est donc une kinase clef dans la réponse IFN, et est activée par différentes voies comme par exemple les TLR3, TLR4, TLR9 (Perry et al., 2004 ; Chau et al., 2008 ; Clark et al., 2011), la voie cGAS-STING (Cai et al., 2014) et la voie RIG-1 (Loo and Gale, 2011).

2- Rôle de TBK1 dans l’autophagie

TBK1 est également impliquée dans l’activation de l’autophagie. Par exemple, lors d’infections par Listeria monocytogenes, sa déplétion restaure l’infectiosité de la bactérie qui n’est alors plus dégradée par autophagie (Mitchell et al., 2018).

Mais, c’est avec le modèle Salmonella thyphimurium que le rôle de TBK1 a été mis en évidence avec précision par l’équipe de Félix Randow (Thurston et al., 2009 ; Thurston et al., 2016).

Cette équipe a démontré le rôle des adaptateurs de l’autophagie dans le recrutement spécifique de TBK1 en utilisant un mutant de délétion du domaine C-terminal de TBK1, impliqué dans les interactions avec les adaptateurs. Ce mutant, n’étant plus recruté au site d’infection, est incapable de restreindre la multiplication de la bactérie. Ces données indiquent donc que le recrutement de TBK1 est essentiel pour induire la dégradation du pathogène par autophagie (Thurston et al., 2016). De même, un mutant sans activité catalytique (K38M) ne restreint plus la prolifération bactérienne. L’activité kinase de TBK1 est donc requise, en plus de sa localisation, pour contrôler l’infection par Salmonella thyphimurium (Thurston et al., 2016). Cette activité kinase permet d’induire la phosphorylation des adaptateurs de l’autophagie (voir chapitre précédent) mais est également nécessaire pour le recrutement des protéines WIPI. Cependant, il reste à déterminer le mécanisme par lequel les protéines WIPI sont

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77 recrutées (interaction directe avec TBK1 ?) et si elles constituent un substrat direct de la phosphorylation par TBK1 (Boyle et al., 2016).

Le rôle de TBK1 dans l’activation de l’autophagie dirigée contre des pathogènes a également été mis en évidence pour le virus HSV-1. Dans ce cas, TBK1 est recruté et activé par TRIM23 dont la présence est essentielle pour l’activation de l’autophagie. TRIM23 est recruté sur la membrane de l’autophagosome, de façon dépendante de son ubiquitination et interagit également avec p62. Ainsi, TBK1 une fois recruté et activé, induit la phosphorylation de p62 (Sparrer et al., 2017).

Le recrutement de TBK1 pour activer les adaptateurs est donc un mécanisme conservé dans la xénophagie afin de limiter efficacement l’infection par divers pathogènes.

Figure 20: Rôles de TBK1

TBK1 induit la phosphorylation d’IRF3, ce qui est essentiel pour induire l’expression d’IFN.

TBK1 est également impliqué dans l’autophagie et induit la phosphorylation des adaptateurs NDP52, OPTN et p62 ce qui augmente leur affinité pour l’ubiquitine.

TBK1 induit également le recrutement des protéines WIPI impliquées dans l’élongation de l’autophagosome.

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78 3- Implication de TBK1 dans les interactions entre immunité innée et autophagie

TBK1 en étant impliqué à la fois dans l’immunité innée et dans l’autophagie permet de faire la connexion entre ces 2 voies en interagissant avec les différents facteurs les activant (Figure 21).

Par exemple, TBK1 induit la production d’IFN en interagissant directement avec l’OPTN. Il est ainsi suggéré, que l’OPTN détecte la forme ubiquitinée de TBK1 et induit son recrutement sur l’appareil de Golgi permettant alors son activation par transautophosphorylation (Pourcelot et al., 2016). En effet, l’activation de TBK1 est majoritairement dépendante de sa localisation et surtout de sa multimérisation (Ma et al., 2012). TBK1 ainsi recruté et activé par l’OPTN, induit la phosphorylation d’IRF3 et par conséquent l’expression d’IFN en réponse à la stimulation par l’ARN étranger (Pourcelot et al., 2016). Cependant le rôle activateur de l’OPTN est controversé. Des études suggèrent, au contraire que l’OPTN limite l’activation de TBK1 et agit donc plutôt comme régulateur négatif de cette kinase en l’associant avec des déubiquitinases cellulaires (A20, CYLD) (Mankouri et al., 2010 ; Génin et al., 2015 ; Weil et al., 2016).

L’activation d’IFN par TBK1 pourrait également impliquer mTOR (Figure 21). En effet, récemment, il a été montré que TBK1 phosphoryle mTOR, en réponse à certains facteurs de croissance et à l’activation des PRR, notamment les TLR3 et TLR4 (Bodur et al., 2018). L’activation de mTOR induit alors la translocation nucléaire d’IRF3 et donc l’activation d’IFN.

Ces études suggèrent que TBK1, en plus de phosphoryler directement IRF3, semble utiliser des voies de signalisation dépendantes de l’autophagie pour renforcer cette activation.

TBK1 peut aussi exercer un contrôle négatif sur la production d’IFN en utilisant l’autophagie pour limiter l’activation des voies de signalisation (Figure 21). Par exemple, TBK1 induit la phosphorylation de p62 qui, une fois activé, est responsable de la dégradation de STING (Prabakaran et al., 2018).

De plus, TBK1 et l’autophagie se contrôlent mutuellement par un mécanisme de rétrocontrôle négatif (Yang et al., 2016). Il a ainsi été démontré que, dans des conditions d’inhibition fonctionnelle de TBK1, l’autophagie est limitée. De la même façon, la déplétion d’ATG5 augmente la phosphorylation de TBK1. Cette étude suggère que TBK1 est nécessaire à l’activation de l’autophagie, et que l’autophagie limite l’activation de TBK1. Ce contrôle

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79 Figure 21: TBK1, une kinase clef connectant l’immunité innée et l’autophagie

(i) Coopération

TBK1 induit directement la phosphorylation d’IRF3 pour activer l’expression d’IFN. Cette activation peut aussi se faire via des facteurs de l’autophagie dont l’OPTN et mTOR.

(ii) Suppression

L’OPTN peut également être impliqué dans la dégradation de TBK1, limitant alors la production d’IFN. De même pour STING qui est dégradé par autophagie, suite à sa détection par p62 lui-même activé par TBK1.

(iii) Rétrocontrôle

L’activation de TBK1 est contrôlée par l’autophagie qui limite sa phosphorylation. Et l’activation de TBK1 est nécessaire pour l’activation de l’autophagie.

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80 coopératif permet de limiter l’activation excessive de la réponse immunitaire et l’activation de l’autophagie.

Par son rôle dans l’autophagie mais également dans la production d’IFN, TBK1 est donc une kinase clef limitant efficacement l’infection par divers pathogènes (bactéries, virus…). Elle est également impliquée dans un mécanisme de contrôle de la réponse inflammatoire, nécessaire pour limiter l’activation de ces réponses. Les études sur cette kinase permettent donc de mieux comprendre les interactions croisées entre activation de la réponse immunitaire innée et l’autophagie, nécessaire pour limiter efficacement l’infection.

Le rôle de TBK1 dans l’autophagie induite lors d’infections bactériennes a été étudié en détails, mais il reste peu décrit dans le cas d’infection virale. Or, l’Adénovirus a été récemment décrit pour induire l’autophagie (Montespan et al., 2017) dans un mécanisme présentant des similitudes avec la Salmonelle et a constitué le modèle viral de ce travail pour, notamment, étudier l’activation de TBK1 dans l’autophagie antivirale.

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Introduction 82 CHAPITRE 4