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CHAPITRE 4 Les Adénovirus

B) Limites des modèles d’études et controverses

Les études d’activation de la réponse immunitaire in vitro présentent des limites car elles ne permettent pas de prendre en compte les interactions entre le virus et l’environnement de l’hôte tels que les facteurs sanguins ou encore les cellules de l’immunité adaptative (activation monocytes [Mistchenko et al., 1994], lymphocytes CD4+ [Onion et al., 2007] et CD8+ [Leen et al., 2004]).

Les études in vivo dans des modèles murins permettent donc d’appréhender en général l’évolution de l’infection par l’AdV dans un contexte plus global. Cependant, la limite du modèle murin est que l’AdV ne s’y réplique pas (Blair et al., 1989). Ainsi l’utilisation des souris et des cellules murines ne permet pas de conclure quant à l’effet du virus sur l’activation de l’immunité. De plus, l’utilisation dans de nombreuses études de cellules immunitaires est une limite car certaines cellules telles que les pDC présentent des mécanismes de réponses spécialisées qui ne sont pas efficacement activées dans les cellules épithéliales ou fibroblastes qui représentent pourtant les cibles de l’infection. Le choix du modèle cellulaire utilisé a donc un impact sur la réponse observée. Ainsi une étude comparant 3 lignées cellulaires murines (macrophages, cellules endothéliales et hépatocytes) a montré des différences d’activation de la réponse immunitaire par l’AdV en fonction des cellules infectées et cela dépend de la capacité des cellules à exprimer les éléments nécessaires à la détection du virus (MAVS, STING…) (Stein et al., 2012) .

La réponse innée induite dépend également de la quantité de particules virales utilisées pour les expériences (Paladino et al., 2006). Or, la plupart des études utilisent de fortes doses virales afin de détecter une réponse cellulaire significative (jusqu’à 25 000 pp/c).

Finalement, des variations de réponse sont observables en fonction du type d’AdV utilisé pour l’étude. En effet, la nature de la réponse innée dépend du récepteur et du type cellulaire cible de l’infection (Russell, 2009). Les virus de l’espèce B, qui s’échappent de l’endosome tardif (Gastaldelli et al., 2008), contrairement au virus de l’espèce C, induisent une production de cytokines pro-inflammatoires plus importante (Teigler et al., 2014) ainsi qu’une activation plus soutenue de la voie cGAS-STING (Lam and Falck-Pedersen, 2014). Cette différence

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106 d’activation de la réponse immunitaire innée entre les différents types impacte l’efficacité d’activation de la réponse adaptative (Pahl et al., 2012)

Ainsi, en fonction des conditions expérimentales, les AdV n’induisent pas d’activation de la réponse IFN. Une étude dans des fibroblastes HEL infectés par des virus enveloppés (SeV et HCMV) ou avec moins de 500 pp/c d’AdV a comparé la réponse induite au cours de l’entrée des virus. Il a ainsi été montré que l’entrée des virus enveloppés induit un influx de calcium contrairement à l’entrée de l’AdV. Or, cet influx de calcium est nécessaire pour l’activation de STING et d’IRF3 lors d’infections avec de faibles quantités de ces virus enveloppés. L’influx de calcium joue donc le rôle de DAMP lors de l’infection. Par conséquent, l’AdV n’activerait pas cette réponse antivirale lors de l’infection (Hare et al., 2015).

Ce défaut d’activation de la réponse immunitaire par l’AdV a été confirmé dans une seconde étude ou des cellules THP-1 sont infectées à une MOI de 1200 pendant 2 jours. Dans ces conditions, l’infection par l’AdV n’induit pas l’activation de STING résultant dans un défaut de production d’IFN (Liu et al., 2017).

La réponse immunitaire, induite dans la cellule hôte lors de l’infection par l’AdV est donc complexe car d’une part, le virus présente des mécanismes efficaces de contournement de cette réponse et d’une autre part, parce que l’activation d’IFN varie en fonction des conditions expérimentales (modèle cellulaire, quantité de virus…).

De plus, il a récemment été mis en évidence, qu’en plus d’induire l’activation de l’immunité innée, l’entrée du virus dans la cellule active l’autophagie (Montespan et al., 2017).

VII- Autophagie ciblant l’AdV

Au cours de son cycle infectieux, l’AdV induit des ruptures de la membrane endosomale afin d’être libéré dans le cytosol et éviter sa dégradation par la voie endosomale (Figure 28). Au contraire, le mutant Ts1 de l’AdV de type 5, incapable d’induire ces ruptures de membrane, est dégradé par les lysosomes (Martinez et al., 2015). Cette étape clef dans le cycle infectieux est due à l’interaction de l’hélice amphipathique de la protéine VI avec la membrane endosomale qui entraîne sa courbure (Wiethoff et al., 2005). Cette protéine présente également un motif PPxY impliqué dans l’interaction entre la protéine VI et les domaines WW de l’E3 ubiquitine ligase cellulaire Nedd4.2 (Wodrich et al., 2010).

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Figure 28: Autophagie dirigée contre l’AdV

L’AdV est présent dans un endosome suite à son entrée dans la cellule. Il induit la rupture de la membrane endosomal grâce à sa protéine VI ce qui induit le recrutement de Gal8 et l’initiation de l’autophagie. La protéine VI du virus WT recrute Need4.2 et parvient à échapper à la dégradation par autophagie. Le virus utilise par la suite l’autophagie, notamment LC3 pour son transport le long des microtubules et libère son génome dans le noyau cellulaire.

Le mutant M1, ne recrute pas Nedd4.2 et par conséquent est dégradé par autophagie.

Le virus Ts1 ne parvient pas à induire de rupture de membrane endosomale et est dégradé par les lysosomes.

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108 Un virus muté sur ce motif (PPxY > PGAA), le mutant M1, est incapable d’interagir avec Nedd4.2, ce qui entraîne un défaut d’infectiosité. En effet, ce mutant est 20 fois moins infectieux que le virus WT (Wodrich et al., 2010). L’interaction entre la protéine VI et Nedd4.2 a donc un rôle fondamental dans l’infectiosité du virus. Récemment, notre laboratoire a montré que ce défaut d’infectiosité résulte de la dégradation du virus M1 par autophagie, indiquant ainsi un rôle de Nedd4.2 dans le contournement de cette dégradation par le virus sauvage (Montespan et al., 2017).

Les travaux sur l’AdV, et notamment ceux du laboratoire, ont montré que les ruptures de membrane induites par l’AdV sont des signaux de danger qui sont détectés par le recrutement des Gal3 (Maier et al., 2012) et Gal8 (Montespan et al., 2017). Les adaptateurs p62 et NDP52 sont aussi recrutés, et l’infection par les virus WT et M1 induit la lipidation de LC3. En revanche, le mutant Ts1 n’induit ni recrutement de Gal3, ni lipidation de LC3, suggérant un lien entre dommages membranaires et activation de l’autophagie au cours de l’infection par l’AdV.

Le virus WT parvient à s’échapper de l’endosome rompu, marqué par Gal3. Au contraire, le virus M1 reste associé avec Gal3 et des structures positives pour LC3. Des images de microscopie électronique montrent que ce mutant reste associé avec l’endosome rompu dans des structures à double membrane analogues aux autophagosomes.

En présence d’inhibiteurs de l’autophagie (3’MA [3-methyladenine], Chloroquine) ou en absence d’autophagie fonctionnelle (cellules déplétées pour ATG5), l’infectiosité du virus M1 est proche du virus WT, prouvant que son défaut d’infectiosité est dû à sa dégradation par autophagie.

La déplétion de Gal8, et non de Gal3 ni de Gal9, restaure également l’infectiosité du mutant M1, confirmant le rôle spécifique de Gal8 dans l’activation de l’autophagie. De façon intéressante, la déplétion des adaptateurs p62, NDP52 et OPTN ne restaure pas spécifiquement l’infectiosité de ce mutant. Ainsi, il est possible de supposer que, soit aucun adaptateur n’est nécessaire pour cette activation, soit des adaptateurs différents de ceux classiquement impliqués dans l’autophagie sélective sont recrutés au cours de l’infection par l’AdV.

Le virus WT, contrairement au M1, contourne cette dégradation par autophagie. Des études indiquent que le virus utilise l’autophagie pour favoriser sa propre réplication, mais les

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109 mécanismes ne sont pas connus (Rodriguez-Rocha et al., 2011 ; Zeng and Carlin, 2013). Notre laboratoire, a montré que le virus WT limite sa dégradation en modulant l’activité de Nedd4.2. Cette ligase semble impliquée dans la formation des autolysosomes lors de l’infection par l’AdV. En effet, la déplétion de Nedd4.2 diminue le nombre d’autolysosomes et empêche la fusion entre les autophagosomes et les lysosomes.

De plus, le virus détournerait Nedd4.2 pour favoriser son transport jusqu’au noyau, car en absence de cette ligase, l’accumulation du virus au MTOC est diminuée (Wodrich et al., 2010). Dans des cellules où l’expression d’ATG5 est réduite, le virus WT présente un défaut d’échappement endosomal, de transport et par conséquent de libération du génome viral dans le noyau. L’AdV semble donc utiliser l’autophagie pour promouvoir son cycle infectieux.

Récemment, il a été montré que les protéines Nedd4 possèdent un motif LIR, permettant leur interaction avec LC3 (Sun et al., 2017). LC3 est impliqué dans le transport des autophagosomes de façon dépendante de la dynéine et des microtubules, afin de favoriser leur interaction avec les lysosomes (Kimura et al., 2008). Or, l’AdV se déplace dans la cellule le long des microtubules en association avec LC3. Ainsi le recrutement de Nedd4.2 par le motif PPxY de la protéine VI pourrait favoriser l’interaction du virus avec LC3, et donc son transport. Le rôle de la lipidation de LC3 dans ce processus reste encore à être identifié.

De plus, en évitant sa dégradation par autophagie, le virus WT parvient à limiter sa présentation antigénique (Klein et al., 2016 ; Montespan et al., 2017).

L’autophagie, une fois contournée par l’AdV jouerait donc un rôle proviral. Le rôle de Nedd4.2 dans ce processus reste inconnu. Cependant, il est suggéré que la protéine VI grâce à son motif PPxY, en recrutant Nedd4.2, pourrait interférer avec le processus d’élongation de la membrane endosomale et ainsi prévenir la fermeture de l’autophagosome et donc sa dégradation (Montespan et al., 2017).

Le rôle des ubiquitine ligases Nedd4 dans le contrôle de l’autophagie sélective a déjà été mis en évidence dans différents contextes. Ainsi, Nedd4.2 a été impliqué dans l’inhibition de l’autophagie en induisant l’ubiquitination d’ULK1 (Nazio et al., 2016). De plus, Nedd4.1, qui appartient à la famille des Nedd4, régule l’activité de Beclin1 (Platta et al., 2012) et est utilisé par le virus de l’encéphalite Japonaise pour favoriser sa réplication (Xu et al., 2017). Certaines protéines impliquées dans l’autophagie telles qu’AMPK (Nakatsu et al., 2015) ou encore Tax1BP1 (Sudol et al., 1995) exposent un motif PPxY et pourraient donc interagir

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110 avec les WW domaines des Nedd4. L’AdV avec son motif PPxY pourrait donc interférer avec ces interactions, et contrôler la fonction de Nedd4.2.

Ainsi, moduler la fonction des protéines Nedd4, notamment via un motif PPxY, pourrait limiter l’activation de l’autophagie et permettre au virus d’utiliser l’autophagie à son propre avantage. Il est à noter que la présence d’un motif PPxY est retrouvée dans de nombreuses familles virales (Thèse Sisley Austin), l’utilisation de ce motif pourrait donc être une stratégie de contournement conservée pour différents virus.

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