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Le tétanos

Dans le document Faculté de Pharmacie (Page 121-127)

1. Contexte et revue de la littérature

1.1 Le tétanos

1.1.1 La maladie

Le tétanos est une maladie fatale due à une bactérie universellement présente dans le sol : Clostridium tetani. C’est un bacille Gram positif sporulé, anaérobie strict. Cette bactérie produit une substance appelée toxine, qui se fixe sur les centres nerveux et provoque de violentes contractures musculaires pouvant entrainer la mort par blocage des muscles respiratoires111. Cette infection a lieu lorsque des spores de la bactérie pénètrent dans la peau par une blessure. Ensuite, sous une pression d’oxygène réduite, ces spores vont libérer le bacille tétanique dans le tissu nécrosé112. C’est lors de la croissance de la bactérie que des toxines sont produites. La toxine gagne le système nerveux central, son site d’action, grâce à un système de transport rétrograde (dans le sens contraire de celui de l'influx nerveux) le long des nerfs, alors que la bactérie reste au niveau du site d’entrée. C’est le tétanos ascendant. Ensuite, la toxine se fixe sur des récepteurs gangliosidiques des terminaisons nerveuses. N’étant plus affectée par les anticorps antitoxines, elle s’accumule dans le système nerveux et bloque la libération de neurotransmetteurs dans les synapses. Dans cette forme, la période d’incubation dépend de la distance séparant le site d’entrée du système nerveux central. Il existe une autre voie d’accès au système nerveux central, la voie hématogène, c’est le tétanos généralisé descendant113.

Le tétanos est une maladie plus particulièrement fréquente chez les nouveau-nés dans les pays en voie de développement. Le nouveau-né contracte la maladie lors de l’accouchement lorsqu’il n’est pas réalisé dans de bonnes conditions d’hygiène, en particulier si le cordon ombilical est coupé avec du matériel souillé112,114.

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1.1.2 La toxine tétanique

La toxine tétanique (TeTx), aussi appelée tétanospasmine, est une protéine de 150 kDa. TeTx et les sept neurotoxines botuliques (BoNT A à G) constituent la famille des neurotoxines clostridiales métalloprotéases. Ces toxines, contenant environ 1300 acides aminés, sont clivées par une protéase en deux chaines actives, une lourde (H, 100 kDa) et une légère (L, 50 kDa) reliées par un pont disulfure. La chaine H est responsable de la liaison de la toxine à des récepteurs neuronaux (région carboxy terminale) et de l’entrée de la chaine L dans le cytoplasme (région amino terminale). La chaine L des neurotoxines clostridiales est une endopeptidase à zinc s’attaquant à des protéines spécifiques dont le clivage entraine un blocage de l’exocytose de neurotransmetteurs dans la synapse. La chaine L contient le motif de liaison du zinc caractéristique des endopeptidases à zinc : His-Glu-Xaa-Xaa-His. L’ion zinc est tétra-coordonné, ce qui est essentiel pour son activité catalytique. Il est coordonné par les deux résidus d’histidine du motif, par une molécule d’eau liée au glutamate et par un ou deux résidus supplémentaires. Les neurotoxines clostridiales contiennent un atome de zinc sauf la BoNT/C qui en contient deux115,116.

La TeTx et quatre sérotypes de BoNT (B, D, F et G) ont pour cible la synaptobrévine ou VAMP (vesicle associated membrane protein). La VAMP est une protéine faisant partie de la famille des R-SNARE (SNAP Receptors) (ou v-SNARE car associée à la membrane vésiculaire contrairement aux t-SNARE ou Q-SNARE associées à la membrane cible (target)), elle se retrouve au niveau des synapses neuronales. Les R-SNARE possèdent une arginine tandis que les Q-SNARE possèdent une glutamine au centre de leur motif SNARE. La VAMP est impliquée dans la fusion des vésicules de sécrétion des neurotransmetteurs avec la membrane des neurones au niveau de la synapse117–121. Le clivage de cette protéine par les toxines clostridiales empêche la sécrétion des neurotransmetteurs inhibiteurs, l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) et la glycine, entraînant une contracture musculaire due à l’élévation de la libération d’acétylcholine, alors que les BoNT inhibent l’exocytose de l’acétylcholine provoquant une paralysie flasque. La durée de blocage dépend de la rémanence des neurotoxines dans les neurones, de la vitesse à laquelle les protéines clivées sont remplacées et la mise en place temporaire de nouvelles terminaisons nerveuses120.

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1.1.3 La vaccination

La TeTx est considérée comme antigène par le système immunitaire et provoque la synthèse d’anticorps appelés antitoxines tétaniques (anti-tetani). La TeTx doit être transportée du site de synthèse jusqu’aux cellules cibles par le sang. Les antitoxines peuvent neutraliser la toxine tant qu’elle n’a pas rejoint sa cible. L’immunisation active par vaccination est donc tout à fait efficace112–114,123. L’immunisation active contre le tétanos implique la stimulation du système immunitaire d’un individu par l’administration de l’anatoxine tétanique. Les anatoxines, obtenues par un procédé mis au point par Gaston Ramon, à l'Institut Pasteur en 1923, sont des protéines sécrétées par les bactéries, purifiées et traitées chimiquement pour leur faire perdre leur toxicité124. L’anatoxine conserve certains épitopes de la toxine. Elle induit la production d’anticorps spécifiques de ces épitopes114

. Le vaccin fournit une protection débutant relativement lentement et prenant deux à trois semaines pour s’installer.

La protection est durable, mais un rappel de vaccination est nécessaire pour éviter qu’elle ne s’atténue125

. La vaccination reste le meilleur moyen de prévenir la maladie (Figure 40). De plus, la vaccination de la mère permet de protéger son bébé lors de l’accouchement113,114,126. Pour produire le vaccin, des souches toxinogènes de Clostridium tetani sont mises en croissance dans un milieu liquide favorisant la production de toxines. La toxine est récoltée par filtration et détoxifiée par le formaldéhyde pour donner l’anatoxine. Après plusieurs étapes de purification, elle est stérilisée. L’anatoxine est adsorbée sur des sels d’aluminium ou de calcium pour accroître son immunogénicité. Le vaccin est administré par injection intramusculaire. Après une seule injection, la protection est incomplète, l’immunité est atteinte chez la majorité des personnes après une deuxième injection, une troisième dose garantit une protection chez presque 100 % des vaccinés. Un intervalle de 4 semaines entre deux doses est indispensable123.

L’administration du vaccin fait partie du schéma vaccinal recommandé par le Conseil Supérieur de la Santé et suivi par la Fédération Wallonie Bruxelles. Actuellement, une injection est réalisée à 2, 3 et 4 mois en cocktail avec la diphtérie, la coqueluche (DTPa), ensuite à 15 mois et à 6 ans. Puis tous les 10 ans un rappel doit être administré (tétanos et diphtérie associés)125. Comme Clostridium tetani survit dans l’environnement indéfiniment sous forme de spores, il est impossible de l’éradiquer. La maladie sera toujours possible, un haut degré d’immunisation restera indispensable même si le nombre de cas de tétanos diminue jusqu’à tendre vers zéro.

50 Le taux d’anticorps assurant une immunité totale contre le tétanos n’est pas connu. Il n’existe pas un taux de protection absolue. Une protection est assurée quand la quantité d’anticorps est suffisante pour neutraliser la quantité de toxine produite par la bactérie114. Cependant, l’organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un taux minimum de 0,01 UI/mL mesuré par neutralisation de toxine, méthode de référence. Mais ce taux d’anticorps considéré comme suffisant, est basé sur des études animales, les données expérimentales concernant les humains sont extrêmement limitées et insuffisantes. Quelques cas de tétanos avec un taux d’anticorps supérieur à 0,01 UI/mL ont été décrits dans la littérature114

.

Dans les pays industrialisés, la quasi-totalité des nouveau-nés sont vaccinés contre le tétanos. Cependant, les rappels ne sont pas toujours effectués tous les dix ans. Cet oubli entraine une diminution de l’immunisation et ce, d’autant plus chez les personnes âgées. Il existe peu de corrélation entre les dires du patient et le statut immunitaire, c’est-à-dire que certaines personnes pensent ne pas être en ordre de vaccin et ont un bon taux d’anticorps et d’autres prétendent être en ordre et ne sont pas protégées127. Au vu de cette situation, les services d’urgences, ont pris l’habitude d’administrer un rappel de manière systématique aux victimes d’un accident potentiellement contaminant. Malheureusement, il a été constaté que cette pratique n’est pas sans risque quand le patient est déjà immunisé. En effet, des administrations répétées d’anatoxine tétanique entraineraient une hyperimmunisation pouvant conduire à des réactions allergiques, principalement locales, entre autres de type Arthus dues aux dépôts de complexes anticorps/anatoxine donnant lieu à des réactions inflammatoires128,129. Des complications neurologiques ont également été décrites comme des polyneuropathies130–132. En raison de ces risques, le niveau sérique d’anticorps anti-tetani devrait être évalué avant toute injection d’anatoxine tétanique.

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