• Aucun résultat trouvé

L’analyse a montré que les tâches contextualisées et finalisées aident les élèves à conférer du sens à leurs apprentissages, à condition qu’elles soient capables d’aborder les savoirs en tant que tels. C’est dans leur JDA que j’ai pu observer que les quatre élèves avaient effectivement identifié les savoirs en jeu dans la situation authentique qui nous préoc- cupait (correspondre avec Julia). Par exemple, Laure a écrit : « Je sais des choses utiles pour la lettre de Julia, comme les chiffres et la nationalité […] ». Mais il serait trop hâtif d’affirmer pour autant que ces nouveaux savoirs peuvent être réinvestis par ailleurs. Prenons l’exemple de Camille (élève faible), qui, lors de notre entretien, a affirmé : « il faut passer à autre chose aussi, apprendre des nouveaux trucs […] » et qui considère que le cours ne doit « pas se baser uniquement sur la lettre de Julia ». À la lecture de ces propos, je crains que les connaissances développées par Camille restent cadenassées à la situation vécue en partenariat avec notre corres- pondante américaine. En poursuivant mon analyse, j’ai observé que cette difficulté à se détacher de la situation initiale peut être renforcée par le manque d’utilité perçue de la maitrise d’une langue étran- gère. Si Camille ne donne pas de sens à la situa- tion de départ, c’est peut-être aussi parce qu’elle ne s’imagine pas parler cette langue en dehors de l’école : « Connaitre l’anglais, c’est savoir le parler à l’école », a-t-elle écrit.

5.2. Les principes

de l’enseignement explicite

Les résultats du questionnaire soumis en fin d’année montrent que l’enseignement explicite a particuliè- rement plu à l’ensemble de la classe.

La reformulation de la notion de compétence dans un langage adapté au public (« tête, mains, cœur ») a aidé l’élève dyslexique (Odile) à croire en ses capa- cités de développer des compétences langagières. En effet, je pense que c’est la conscience de ses lacunes et de ses capacités qui l’a aidée à mener une réflexion sur les démarches et les processus qui sont efficaces pour elle. L’élève a trouvé une porte d’entrée qui lui permet de développer des compé- tences, via « les mains et le cœur ». Dans son ques- tionnaire, Odile a écrit : « Je n’ai peut-être pas la tête, mais j’ai les mains et le cœur ». Néanmoins, elle ne néglige pas «  la tête  » pour autant. Lors de notre entretien, Odile a expliqué que les réflexions collec- tives sur des « trucs et astuces » et autres moyens mnémotechniques l’aident à pallier ses difficultés d’apprentissage des savoirs savants, notamment au niveau de la mémorisation et de l’orthographe. L’explicitation des objectifs d’apprentissage sous la forme d’une carte mentale dont chaque branche désigne un type de ressource particulier aide l’ex- cellente élève (Aline) à se situer par rapport aux apprentissages réalisés et à réaliser. Elle lui donne également une vue d’ensemble sur les ressources à mobiliser en situation, ce qui offre à ses productions une richesse et une variété lexicales et grammati- cales.

Les synthèses théoriques et stratégiques aident l’élève faible (Camille) en lui présentant les contenus de façon systématique (par exemple, via un tableau de traduction ou de conjugaison) et en lui indiquant la marche à suivre en situation complexe.

Pour les quatre types d’élèves analysés, ces synthèses doivent néanmoins s’accompagner d’ex- plications supplémentaires pour permettre une compréhension en profondeur des contenus d’ap- prentissage :

– les exemples variés et notés au tableau aident l’excellente élève (Aline), qui prend note de ces suppléments d’informations pour affiner sa compréhension ;

– les explications prodiguées par l’enseignante permettent à l’élève faible (Camille), dont les préoccupations s’apparentent à une approche

communicative de la langue étrangère, d’ac- céder sans détour à une connaissance accrue ; – les explications formulées par les pairs, en des

termes qui lui sont familiers, accroissent la compréhension de l’élève présentant un trouble de l’apprentissage (Odile) ;

– les explications de l’enseignante combinées aux reformulations par les pairs aident la bonne élève (Laure) – que l’analyse m’a amenée à qualifier de « peu sûre d’elle » –, à compléter sa compréhension des contenus.

5.3. Le journal des apprentissages

Lister les apprentissages réalisés aide l’excellente élève (Aline) à se situer dans son apprentissage. Elle utilise le Candid Writing de la même façon qu’elle utilise la carte mentale.

La relecture des rédactions antérieures permet à Laure, la bonne élève peu sûre d’elle, de préparer ses évaluations en fonction des difficultés qu’elle a ressenties par le passé. En relisant ses réflexions, commentées par l’enseignante, elle cherche à s’as- surer de ne plus commettre les mêmes erreurs. L’écrit dialogué centré sur les apprentissages permet à Laure de vérifier sa compréhension en reformulant et en exemplifiant les apprentissages qu’elle a réalisés et/ou les stratégies d’apprentis- sage qu’elle a mises en place. L’écrit dialogué entre elle et l’enseignante lui permet également d’identi- fier les obstacles qu’elle rencontre.

Il s’avère que l’énonciation des difficultés éprou- vées permet à l’élève peu sûre d’elle (Laure), l’élève faible (Camille), et à l’élève dyslexique (Odile) de bénéficier d’une remédiation individualisée au sein du journal. Lorsque ces trois dernières en ont fait la demande dans leur Candid Writing, des explications et/ou des exercices supplémentaires leur ont été fournis, ce qui leur a permis d’accroitre leur compré- hension.

L’écrit dialogué centré sur les émotions permet à Laure et à Odile de bénéficier de marques de soutien et d’encouragements de la part de l’ensei- gnante.

L’oral réflexif implique la négociation des contenus partagés par les diaristes et permet à Camille, l’élève faible, qui ne conçoit pas l’utilité de recourir au JDA, d’exercer tout de même une certaine réflexion sur les objets et démarches d’apprentissage abordés par ses camarades.

6. Conclusion

Ce travail de recherche propose un dispositif d’en- seignement inspiré de pratiques issues de différents courants et méthodes. En considérant la pluralité de l’activité cognitive de l’Homme, il vise le déve- loppement conjoint du savoir-agir, des pratiques d’intelligibilité et de l’agir communicationnel des apprenants. Au sein du canevas pédagogique élaboré, ces pratiques se concrétisent sous la forme de la confrontation à des tâches complexes, d’un enseignement de type explicite et de la pratique réflexive au moyen du JDA.

La recherche a permis de mettre en lumière que la combinaison de pratiques variées au sein d’une même classe permet de différencier sans stigma- tiser. Ainsi, les principes issus de l’enseignement explicite semblent aider les apprenantes sondées à progresser dans la maitrise de la langue cible, les unes se sentant soutenues par la clarté des supports de cours, d’autres affinant leur compréhension des objets et démarches d’apprentissage en les refor- mulant ou en profitant des explications de leurs pairs. L’aide apportée par l’écrit réflexif se traduit différemment selon l’utilité que l’élève lui recon- nait. Initialement instauré dans le but de favoriser une réflexion métacognitive, le JDA est également utilisé pour demander de l’aide ou pour trouver des encouragements et du réconfort auprès de l’ensei- gnante.

Malgré le bilan positif que j’établis au terme de ma recherche, je pense que des modifications appor- teraient une certaine plus-value au dispositif. Par exemple, il aurait été plus fécond d’éviter certains détours dans le JDA car j’ai appris que questionner sans cesse les élèves pour les inviter à la réflexion peut en décourager certains. Parfois, corriger et donner la bonne réponse sont des techniques effi- caces qui satisfont les besoins des élèves, notam- ment sur des points de grammaire précis.

Au terme de ce travail de recherche et d’analyse, je pense pouvoir affirmer qu’enseigner au moyen d’outils variés, mais de manière intégrée, permet de différencier les apprentissages sans stigmatiser et, par conséquent, d’accomplir les missions premières des enseignants ; parmi celles-ci, le développement des compétences et la promotion de la confiance en soi chez chacun des élèves qui nous est confié.

7. Bibliographie

Bautier, É. & Goigoux, R. (2004). Difficultés d’appren- tissage, processus de secondarisation et pratiques enseignantes : Une hypothèse relationnelle. Revue Française de Pédagogie, 148(1), 89-100.

Bernstein, B. (1975). Class and pedagogies: Visible and invisible. Educational Studies, 1(1), 23-41. doi:10.1080/0305569750010105

Crahay, M. (2005). Dangers, incertitudes et incom- plétude de la logique de la compétence en éduca- tion. Cahier du Service de Pédagogie expérimentale. Liège : Université de Liège, 21-22, 5-40.

Crinon, J. (2008). Journal des apprentissages, réflexi- vité et difficulté scolaire. Repères, 38, 137-149. En ligne : http://reperes.revues.org/402.

Gauthier, C., Bissonnette, S. & Richard, M. (2007). L’enseignement explicite. En ligne : http:// www.formapex.com/telechargementpublic/ gauthier2007c.pdf

Simons, G. (2003). Canevas didactique basé sur le concept de situation-problème. PowerPoint utilisé dans le cadre du cours de Didactique des langues et littératures modernes. Liège : Université de Liège. Faculté de Philosophie et Lettres. Service de didac- tique des langues et littératures modernes.

Simons, G., Delbrassine, D., Pagnoul, P. & Van Hoof, F. (2011). Compte rendu de l’atelier « Langues étran- gères  ». Puzzle  : Les actes de l’université d’été 2011, 30, 38-43. Liège : CIFEN. En ligne : http://www. ulg.ac.be/upload/docs/application/pdf/2013-09/ puzzle_lletin30_nov11.pdf

8. Notes

1 L’APC favorise l’action sociale, et non la seule

communication. Autrement dit, dans la perspec- tive actionnelle, l’élève n’agit plus « sur », mais bien « avec » l’étranger, dans la langue cible et sur le long terme.

2 Julia était ma sœur d’accueil lors de mon séjour à

New-York, organisé par le Rotary en 2003-2004.

3 En fonction de la situation, l’objet d’apprentis-

sage était enseigné à nouveau à l’élève en question ou à la classe entière.

Publications récentes des membres