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Les systèmes de tarification sur les réseaux de chaleur CADIOM et CADSIG sont intégrés dans les contrats qui lient les fournisseurs de chaleur (CADIOM SA et SIG respectivement) et les consom-mateurs de chaleur. Du fait de l’historique des projets, ceux-ci sont différents sur l’un et l’autre des réseaux. Sur les deux réseaux, les prix facturés sont composés d’une part fixe liée à la puis-sance souscrite (prime de puispuis-sance exprimée en CHF/kW) et d’une part variable proportionnelle à la consommation de chaleur (exprimée en cts/kWh).

Généralement, la part fixe doit permettre au fournisseur de chaleur de couvrir les amortissements, les frais financiers, l’exploitation et la maintenance de ses infrastructures, alors que la part variable couvre les coûts de l’énergie et les taxes associées. Toutefois, il arrive que le rapport entre part fixe et part variable dans les systèmes de tarification (prix facturés) soit différent de celui qui caractérise les coûts réels à charge de l’opérateur du réseau.

L’analyse de la structure des prix sur les deux réseaux présentée ci-dessous a été réalisée à partir d’exemplaires de contrats signés en 2011 et fournis par SIG et CADIOM SA.

3.2.1 Tarification sur le réseau CADIOM

Les modalités liées au système de tarification sur le réseau CADIOM ont été fixée dans une conven-tion conclue entre l’Etat de Genève et CADIOM SA, qui découle de l’applicaconven-tion de la loi cantonale octroyant une concession pour l’exploitation du réseau thermique alimenté par l’UVTD, adoptée en 1999 (République et canton de Genève, 1999). Cette convention fixe d’une part le contrat de ces-sion de chaleur entre l’UVTD et l’exploitant du réseau, d’autre part les contrats de vente de chaleur entre l’exploitant du réseau et les clients, d’une durée de 30 ans. Cette convention a été soumise et approuvée par le Grand Conseil, le Conseil d’Etat et une commission consultative constituée de re-présentants de l’Etat, de CADIOM SA, des communes concernées et des locataires et propriétaires.

La prime de puissance (part fixe) facturée aux clients du réseau CADIOM est calculée en fonction de la puissance souscrite et ne dépend pas de la consommation de chaleur. Elle représente, pour une sous-station de 1’500 kW, entre 1 et 1.4 cts/kWh selon le taux de charge (ici calculé pour un nombre d’heures équivalent à la puissance souscrite de 2’200h respectivement 1’500h).

Le prix de la chaleur (part variable) est indexé à 50% sur le prix de cession de la chaleur fatale aux Cheneviers et à 50% sur l’indice des prix genevois à la consommation. Avant juillet 2013, ce prix de cession de la chaleur aux Cheneviers était lui-même indexé sur le prix de vente de l’électri-cité produite par l’usine. Fixé au départ à 1 cts/kWh, le prix de cession de la chaleur se montait à 1.515 cts/kWh au début de l’année 2013. La part variable facturée sur le réseau aux consommateurs finaux en 2013 se montait ainsi à 5.9 cts/kWh. Au total, le prix du kWh pour les clients se chiffrait donc à 7.1 cts/kWh (tient compte d’une part fixe de 1.2 cts/kWh, soit le montant payé pour une SST

d’une puissance souscrite comprise entre 0 et 5’000 kW avec un taux de charge de 1’800 heures équivalent à la puissance souscrite). A l’époque du lancement du projet CADIOM (fin des années 90), ce prix était alors tout juste compétitif par rapport au mazout. Avec l’évolution des prix des énergies fossiles, cette chaleur est vite devenu très bon marché (figure 3.3, p.105).

En 2013, le contrat de cession de la chaleur fatale produite par l’UVTD a été modifié via un accord conclu entre l’Etat, CADIOM SA et les SIG (propriétaire et exploitant de l’UVTD depuis 2001). Cette modification, entrée en vigueur le 1er juillet 2013, fixe le prix de cession de la chaleur fatale produite par l’UVTD à 3.5 cts/kWh jusqu’en 2018 (hausse de 2 cts/kWh), et supprime l’indexation sur le prix de vente de l’électricité produite par l’UVTD. Par répercussion contractuelle liée au système d’indexation, le prix de la chaleur sur le réseau CADIOM est augmenté d’environ 3.3 cts/kWh.

Cette augmentation pour les clients finaux n’est pas instantanée (figure 3.1). En effet, les adaptations du prix de la chaleur vendue par CADIOM s’effectuent les 1ers janvier. Celui-ci s’indexe alors sur le prix de cession moyen de l’année écoulée. De ce fait, comme la modification du contrat est entrée en vigueur en juillet 2013, il y a donc une année de transition (2014) durant laquelle le prix de la chaleur sur CADIOM est indexé sur un prix de cession moyen se situant entre 1.515 et 3.5 cts/kWh. Un second décalage est induit du fait que les bouclements des comptes de chauffage sont généralement effectués sur une saison de chauffage (1er mai au 30 avril). Au final, du fait que les consommateurs payent généralement leurs charges réelles qu’en fin de saison de chauffage, ce n’est qu’au printemps 2016 qu’ils auront réellement payé une saison complète avec un prix moyen de la chaleur (part fixe + part variable) situé entre 10.2 et 10.6 cts/kWh selon le taux de charge.

Années civiles

Mois J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S O N D J F M A

Prix de cession Cheneviers

Part fixe CADIOM Avec Chiffres Monnard

Part variable CADIOM Prix CADIOM (fixe+variable) Saisons de chauffage

Coût moyen à charge des clients finaux sur la saison

Avec chiffre Monnard

Prix moyen sur la saison pour les clients finaux

h equiv

Prix de vente sur CADIOM [cts/kWh]

FIGURE3.1 – Répercussion de la hausse du prix de cession de la chaleur fatale sur le prix de la chaleur sur CADIOM et sur le prix moyen de saison pour les clients finaux (en cts/kWh)

Avant la modification du contrat de cession de chaleur, les pertes d’exploitation−surcoût pour l’ex-ploitant du réseau CADIOM lié à un manque de fourniture de chaleur de la part de l’UVTD−étaient compensées par l’usine jusqu’à hauteur de 500 kCHF/an. Suite à la modification du contrat, ces pertes ne seront compensées par l’usine que pour la part annuelle supérieure à 500 kCHF/an. Dès 2018, la part annuelle supérieure à 750 kCHF/an sera directement intégrée dans le prix de cession de la chaleur et donc répercutée sur les clients finals.

3.2.2 Tarification sur le réseau CADSIG

Les contrats de vente de chaleur qui lient les SIG et les consommateurs finaux sur CADSIG portent sur des durées de 25 et 20 ans pour les anciens et les nouveaux contrats respectivement. La prime de puissance est calculée selon la puissance souscrite et représente, pour une sous-station de 1’500 kW, entre 2.7 et 3.9 cts/kWh selon le taux de charge (ici calculé pour un nombre d’heures équivalent à la puissance souscrite de 2’200h respectivement 1’500h).

Alors que dans les anciens contrats la part variable était indexée sur le prix du gaz, dans les nou-veaux elle est désormais indexée sur l’indice des prix du mazout avec un décalage de 6 moisa. Elle contient également la taxe CO2. Avant la connexion, la taxe CO2 facturée aux clients, exprimée en cts/kWh chaleur, était équivalente à la taxe imposée sur le gaz. La partie de la taxe liée aux pertes de production et de transport (environ 17% du montant total de la taxe) était prise en charge par les SIG. Avec l’intégration de la chaleur fatale dans le réseau, la taxe CO2 devrait être ajustée selon le mix du réseau (SIG, communications personnelles). Avec 70% de gaz dans le réseau et dans la mesure où les SIG continuent à prendre en charge la part de la taxe liée aux pertes, le prix de la taxe par kWh chaleur pour les clients devrait se monter à 0.76 cts/kWh (avec un prix de la tonne de CO2

à 60 CHF). Si le réseau était alimenter à 100% par du gaz, le prix serait de 1.08 cts/kWh. Au final, la part variable sur le réseau CADSIG avec un mix réseau constitué de 70% de gaz se chiffre à 6.5, 8.4 ou 10.2 cts/kWh selon que l’indice des prix du mazout soit de 60, 80 ou 100 CHF/100l.

Selon le prix du mazout et le taux de charge, le prix total de la chaleur pour les nouveaux contrats (part fixe + part variable) pour une SST de 1’500 kW sur le réseau CADSIG peut se chiffrer entre 9.1 (mazout à 60 CHF/100l et taux de charge de 2’200h) et 14.2 cts/kWh (mazout à 100 CHF/100l et taux de charge de 1’500h).

3.2.3 Comparaison des prix de vente sur CADIOM et CADSIG

Les prix de vente de la chaleur complets sur les réseaux CADSIG et CADIOM sont comparés sur la figure 3.2. Il est intéressant de remarquer que la part fixe sur CADIOM est nettement plus basse que sur CADSIG, alors même que CADIOM est presque uniquement alimenter par la récupération de chaleur fatale. On voit également que, du fait de l’augmentation du prix de la chaleur sur CADIOM, les prix sur les deux réseaux sont désormais relativement proches. Le prix total de la chaleur sur le réseau CADSIG pourrait même être inférieur à celui pratiqué sur CADIOM selon l’évolution du prix du mazout. En 2013, ce dernier se situait entre 75 et 85 CHF/100l (déduction faite de la TVA et de la taxe CO2). Il dépassait les 100 CHF/100l durant l’été 2008 et était juste en dessous des 60 CHF/100l durant le premier semestre 2015 (OFS, 2015).

a. Prix moyens mensuels pour 100l de mazout, déduction faite de la TVA et de la taxe CO2, catégorie >20’000l de l’indice suisse des prix à la consommation (OFS, 2015)

3.3 3.3 3.3 6.5

8.4 10.2

1.2 9.2

0 2 4 6 8 10 12 14

CADSIG (mazout à 60 CHF/100l)

CADSIG (mazout à 80 CHF/100l)

CADSIG (mazout à 100 CHF/100l)

CADIOM

Prix total de la chaleur [cts/kWh]

Part variable CADSIG Part variable CADIOM Part fixe CADSIG Part fixe CADIOM

FIGURE3.2 – Comparaison des prix de vente de la chaleur sur les réseaux CADSIG et CADIOM, pour une puissance souscrite de 1’500 kW et une consommation de 2’700 MWh/an (taux de charge de 1’800h). Hors TVA

L’évolution des tarifs dans le temps est présentée dans la figure 3.3, où les prix de la chaleur sur les réseaux thermiques CADIOM et CADSIGa peuvent être comparés au prix de la chaleur fournie par des chaudières individuelles au gaz ou au mazout, pour des durées d’utilisation standards (source : SIG). Cette comparaison est approfondie sur un exemple dans la section 3.5, p.124.

a. Le prix sur le réseau CADSIG correspond ici à la formule des anciens contrats, où l’indexation est effectuée sur le prix du gaz

P ri x d e l a c h a le u r e t d u f ro id E v o lu ti o n d e s p ri x d e c h a le u r à G e n è v e d e p u is 1 9 9 9 P ri x d e l a c h a le u r e n f o n ct io n d e s a q u a li té P ri x d u f ro id e n c t/ k W h ( e n f o n ct io n d e l a d u ré e d 'u ti li sa ti o n e n h e u re s/ a n )

Comparaison du prix des énergies thermiques dans le canton de Genève (en ct/kWh) mazout CADSIG Gaz CADIOM

enct/kWh Les prix du mazout et du gaz sont calcus avec : un rendement de 88%, 1.0 ct/kWh de charges d'exploitation 0.6 ct/kWh d'investissements NOUVELLE OFFRE CADSIG (25% Déchets Cheneviers+ 75% Gaz) (12.5% NER)

ct/kWh 1015

20

25 100% Géothermie40% NER Solaire Thermique+ Gaz

30% NER Solaire Thermique+ Gaz

QU

RENOVATION + NEUF 30% Eau Chaude Sanitaire Solaire Thermique+ Gaz (12% NER)

21 18 16.0 14.0

23 21

26 24

RENOVATION ++ 12 10 MazoutGaz naturel12 10

19 13 70% NER PAC + 30% Gaz (GeniLac NaturaDuo Chaleur)

24 22

26 24 Prix en cours de finalisation, à la hausse 100% PAC (GeniLac Natura Chaleur) 0.00

5.00

FIGURE3.3 – Comparaison des prix des énergies thermiques dans le canton de Genève en cts/kWh. Source : SIG

3.2.4 Points de discussion

Répartition entre part fixe et part variable

Que ce soit sur le réseau CADSIG et encore plus sur le réseau CADIOM, la part variable facturée aux consommateurs est plus importante que les coûts variables réels. A contrario, la part fixe est plus faible. Cet écart s’est notamment justifié pour des raisons commerciales liées aux lancements des projets (SIG, communications personnelles). Le fait que le rapport part fixe/part variable dans les systèmes de tarification ne représente pas la nature des coûts réels est souvent observé, y compris dans d’autres pays tels que la Suède (NEP, 2009). Une des raisons est liée au fait que les consommateurs tiennent à ce que leurs factures énergétiques soit le plus possible proportionnelles à leurs consommations, et qu’ils puissent ainsi être en mesure d’influencer leurs charges par leurs comportements. Dans ce sens, cette composition des prix permet d’inciter aux économies d’énergies.

Cependant, une différence trop importante entre la part variable facturée et les coûts variables réels peut néanmoins avoir plusieurs conséquences parmi lesquelles :

• Des résultats comptables qui dépendent fortement de l’évolution des conditions météorolo-giques d’une année à l’autre, ce qui a notamment été problématique pour les petits réseaux d’Aire-la-Ville (Kernen, 2015) ou de Cartigny (Haroutunianet al., 2013). A ce titre, la tendance au réchauffement du climat peut avoir son importance.

• Des économies d’énergie plus importantes que ce qui serait économiquement optimal pourrait être réalisées. Bien sûr, on peut penser que les économies d’énergie sont toujours souhai-tables. Cependant, certains investissements peuvent s’avérer plus efficaces d’un point de vue environnemental et macro-économique s’ils sont réalisés dans des bâtiments chauffés à 100%

par les énergies fossiles ou dans d’autres secteurs énergétiques.

• D’autres systèmes de production de chaleur pourraient être utilisés (PAC, solaire) dans des bâtiments raccordés au réseau pour réduire le soutirage de chaleur sur le réseau, ce qui peut conduire à un surinvestissement dans les systèmes de production de chaleur renouve-lable/fatale (cf. chapitre 5).

Des recommandations sont émises pour que la composition des prix facturés reflète la composition des coûts réels (Via Seva, 2009). Plusieurs études recommandent quant à elles de se baser sur les coûts marginaux, qui permettent de prendre en compte les coûts de production de l’alternative de production la plus chère (NEP, 2009; Sjödin et Henning, 2004). Comme les coûts marginaux varient durant l’année selon le mix de la production marginale (cf. section 2.7.6, p.79), certaines compagnies adoptent ainsi des prix différenciés pour l’été et l’hiver, avec un prix de la chaleur plus important en hiver lorsque la production marginale est produite par des chaudières fossiles, et moins important en été lorsque le réseau est essentiellement alimenté par des sources de chaleur bon marché.

Cette variation du prix de la chaleur selon l’évolution des coûts de production durant l’année (prix été/hiver) permettrait ainsi d’améliorer la compétitivité du réseau, notamment vis-à-vis de consom-mateurs qui, si le prix était identique toute l’année, pourraient être tentés d’installer leurs propres systèmes de production de chaleur de ruban, ne consommant sur le réseau que de la chaleur de pointe "sous-tarifée" (Frederiksen et Werner, 2013). En contre partie, ce type de modèle de tarifica-tion a le désavantage d’ajouter de la complexité.

Vers une tarification unifiée ?

Du fait de leur interconnexion, il est désormais judicieux de considérer les deux réseaux thermiques comme un seul grand réseau. Les enjeux énergétiques sur les deux réseaux sont en effet désor-mais étroitement liés. Par exemple, même si physiquement la part de la chaleur fossile dans le mix du réseau CADIOM est de 7%, des rénovations énergétiques sur des bâtiments raccordés à ce ré-seau permettront des économies de gaz conséquentes sur le réré-seau CADSIG. Dans cette optique, la question de savoir s’il ne serait pas plus logique d’unifier les tarifications sur l’ensemble du réseau peut se poser. Une telle mesure pourrait permettre d’adopter un système de tarification qui repré-sente davantage les coûts réels pour l’ensemble du réseau, permettant de donner un signal-prix qui reflète mieux les enjeux énergétiques liés au fonctionnement du réseau entier.

Plus globalement, l’idée d’une tarification plus unifiée pour l’ensemble des réseaux thermiques (par exemple à une échelle cantonale) pourrait être une façon de mutualiser davantage les coûts du renouvelable. D’autre part, une labellisation de la chaleur pourrait favoriser l’intégration de la cha-leur renouvelable dans les réseaux, un peu comme sur le modèle de l’électricité (courant renou-velable certifié). Une telle idée se heurte toutefois à la complexité des systèmes organisationnels (figure 1.4, p.15) caractérisés par la multiplicité et l’hétérogénéité des acteurs, ainsi que des cadres contractuels généralement figés sur de longues durées.