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La connexion, en 2012, des deux plus grands réseaux thermiques du canton de Genève constitue une étape importante dans le long processus de développement des réseaux thermiques CADSIG et CADIOM. Trois grandes périodes ont été distinguées (Lavallez, 2011) :

• 1960-1974 : premiers tronçons du réseau CADSIG

• 1986-2002 : projet CADIOM, visant à valoriser la chaleur issue de l’incinération des ordures ménagères (usine des Cheneviers)

• 2002-2015 : extensions et interconnexion des réseaux existants

1.3.1 1960-1974 : premiers tronçons du réseau CADSIG

C’est durant les années 60 que le premier tronçon du réseau CADSIG est construit par les Services Industriels de Genève. Ce premier projet de chauffage à distance résulte alors de la rencontre de deux opportunités :

• La recherche de débouchées pour le surplus de production de gaz de houille à l’usine à gaz de Châtelaine, exploitée par les SIG, à une époque où le gaz de houille n’est plus compétitif du fait de la concurrence avec d’autres énergies (essor de l’électricité, arrivée prochaine du gaz naturel en Suisse)

• La construction de la « cité-satellite » du Lignon dans un contexte de forte croissance démo-graphique et de crise du logement, qui est située proche de cette même usine et représente d’importants besoins de chaleur

C’est ainsi qu’on planifie d’utiliser le surplus de gaz de houille pour alimenter en chaleur la cité du Lignon ainsi que la cité des Libellules par un réseau d’eau surchauffée à haute pression (fi-gure 1.1, p.10). Ces plans initiaux ne seront finalement pas exactement respectés dans la mesure où la chaufferie centrale, dès sa mise en service, est alimentée par du mazout alors très bon marché.

Au début des années 70, la construction de la cité des Avanchets et le déplacement du palais des expositions vers l’aéroport offre une nouvelle opportunité d’agrandir le réseau pour les Services Industriels. Cette cité est raccordée en 1973, ainsi que le palais des expositions (Palexpo) et une petite partie seulement de l’aéroport, avec le soutien financier de l’Etat.

Dès 1974 et l’arrivée du réseau de gaz naturel dans le canton, des chaudières bi-combustibles pou-vant fonctionner soit au mazout soit au gaz naturel sont installées dans la chaufferie centrale. La capacité de production s’élève alors à 85 MW et les ventes de chaleur se situent aux alentours des 140 GWh/an (figure 1.2, p.12).

FIGURE1.1 – Photo de 1965, montrant l’usine à gaz de Châtelaine (au centre), la cité des Libellules (premier plan), et le chantier du Lignon (au fond à gauche). Source : Centre d’iconographie genevoise

1.3.2 1986-2002 : le projet CADIOM

Au milieu des années 80, après les deux grands chocs pétroliers (1974 et 1979) et dans un contexte marqué par la fin des « Trente Glorieuses » et l’émergence des questions environnementales, naît un autre projet de grande envergure initié par l’Etat : le projet CADIOM. L’idée est de récupérer la chaleur rejetée dans le Rhône par l’usine d’incinération des ordures ménagères aux Cheneviers, alors aux mains de l’Etat et qui nécessite des transformations pour être agrandie, et de la transporter via un réseau de chaleur pour alimenter la cité nouvelle d’Onex, dont le parc de chaudières au mazout doit en grande partie être assaini.

Des études de faisabilité sont alors confiées aux SIG, qui en réalisent trois entre 1987 et 1991. Dès leur premier rapport, le projet CADIOM envisage une connexion entre le réseau qui alimenterait Onex à partir de l’usine d’incinération et le réseau déjà existant du côté du Lignon. « L’idée développée par le projet CADIOM consiste donc à réaliser une liaison par conduites d’eau chaude entre l’UVTD et la chaufferie du Lignon-SIG, c’est-à-dire avec les réseaux de CAD existants et futurs » (SIG, 1987).

Toutefois, en 1995, le projet CADIOM est abandonné par les SIG qui invoquent principalement des raisons financières. Avec un coût du projet estimé à 75 MCHF, les SIG devraient demander une subvention publique à hauteur de 50 MCHF, les 25 MCHF restant pouvant être payés par les preneurs de chaleur sur 25 ans. Ce dernier montant est estimé en considérant un prix de vente de la chaleur qui n’engendre pas de hausse des coûts de chauffage pour des clients alors chauffés au mazout,

dont le prix est à un niveau très bas (République et canton de Genève, 1999). D’autres raisons sont évoquées par les SIG pour se retirer du projet :

• La perte de clients chauffés au gaz naturel à Lancy et Onex

• Une baisse de la production électrique de l’UVTD des Cheneviers

Suite à l’abandon du projet par les SIG, le service cantonal de l’énergie décide de le faire réétudier, mais cette fois-ci sans le raccordement avec le réseau CADSIG. Les coûts d’investissements sont alors estimés à 43 MCHF, montant jugé suffisamment raisonnable pour qu’en 1997, l’Etat soumette un appel d’offre à des entreprises privées. L’appel est remporté par le consortium « Vulcain », un groupement formé de deux bureaux d’ingénieurs, de la CGC et de Zschokke. Ce groupement réalise ensuite une étude de faisabilité qui doit permettre de toucher une subvention fédérale de 6.5 MCHF.

Alors qu’il ne reste plus qu’à faire voter l’octroi d’une concession, les SIG reviennent et proposent un contre-projet, invoquant le fait que les conditions ont changé du fait notamment de l’obligation de raccordement et surtout d’un nouveau Conseil d’Administration à la tête de l’entreprise publique.

Suite à d’intenses débats politiques pour savoir s’il faut laisser le projet en mains publiques ou pri-vées, un consensus est finalement trouvé entre les différents partis politiques, les SIG et le consor-tium, pour finalement aboutir à un partenariat public/privé, avec une part de 51% détenue par les SIG. Ce partenariat aboutit à la création de la nouvelle société CADIOM SA.

Un projet de loi pour l’octroi de la concession est voté puis adopté par le Grand Conseil en 1999, de laquelle découle une convention entre CADIOM SA et l’Etat qui détermine plusieurs modalités techniques et financières, dont les prix de vente de la chaleur, qui sont alors fixés relativement bas afin de pouvoir être compétitifs avec le prix du mazout et ainsi raccorder un maximum de clients sans les défavoriser. Ce prix inclut alors un centime reversé à l’UVTD des Cheneviers qui doit permettre de compenser la perte de production électrique à l’usine induite par le soutirage de vapeur vive.

Les travaux peuvent dès lors commencer dès 2001. La mise en service se fait 18 mois plus tard, durant l’été 2002, soit environ 20 ans après que l’idée ait été lancée. Le coût du projet final est de 31 MCHF. A la fin de l’année 2003, plus de 50 MW sont raccordés, pour une vente de chaleur d’environ 85 GWh/an (figure 1.2, p.12).

1.3.3 2002-2015 : extensions et interconnexion des réseaux existants

Au début des années 2000, deux réseaux thermiques de grande ampleur sont ainsi opérationnels sur le territoire genevois : CADSIG (gaz) et CADIOM (chaleur fatale). Ces deux réseaux se caractérisent par des modèles organisationnels différents : le premier est entièrement sous contrôle publique (SIG), le second est issu d’un partenariat public/privé au bénéfice d’une concession octroyée par l’Etat (figure 1.4, p.15). Ces réseaux alimentent alors principalement de grandes cités construites dans les

années 60-70 formant une partie de la couronne suburbaine de Genève : les cités de Lancy-Onex, la cité du Lignon, la cité des Libellules et la cité des Avanchets.

0 50 100 150 200 250

1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015

Chaleur fournie aux seaux [GWh/an]

CADSIG CADIOM

FIGURE1.2 – Evolution de la chaleur fournie aux réseaux. Source : Ducrest et Chopard (2006); SIG (2003, 2008, 2013b)

A partir de 2004, les SIG lance le projet de grande centrale de cogénération à cycle combiné qui doit permettre de produire de l’électricité à partir du gaz naturel et de valoriser la chaleur produite sur le réseau CADSIG. C’est en partie dans le contexte de ce projet qu’est planifié le raccordement de la cité de Meyrin, où les SIG peuvent profiter des travaux pour l’extension de la ligne de tram et où de nombreuses barres d’immeubles sont encore alimentées au mazout. L’extension est réalisée en 2010, mais le projet de centrale de cogénération, controversé et jugé insuffisamment rentable par rapport à d’autres opportunités d’approvisionnement électrique, sera finalement abandonné par le Conseil d’Etat et les SIG (République et canton de Genève, 2012a).

Au début des années 2010, de nombreuses extensions sont effectuées sur le réseau CADSIG, no-tamment le raccordement de la chaufferie Vieusseux (2012) qui alimente un réseau de quartier fournissant de la chaleur à la cité du même nom. Toujours en phase d’extension, les quartiers de Tourelles et Budé seront très prochainement raccordés.

Outre les projets d’extensions sur les réseaux thermiques existants, le projet de connexion des deux réseaux CADIOM et CADSIG refait surface à la fin des années 2000. L’idée est de récupérer davan-tage de chaleur à l’usine d’incinération des Cheneviers en mi-saison et en été lorsque la demande de chaleur est faible et qu’une grande quantité de chaleur fatale est rejetée dans le Rhône. Ce projet d’environ 20 MCHF est initié et financé par les SIG. La liaison entre les deux réseaux est finalement opérationnelle en 2012, 10 ans après la mise en service du réseau CADIOM et 25 ans après la première étude qui prévoyait cette liaison. Son aboutissement aura probablement été simplifié du fait que les SIG ont racheté des participations dans le capital action de l’ex-CGC-Dalkia, devenue CGC Energie, à hauteur de 40%.

La structure d’approvisionnement en chaleur du canton de Genève étant aujourd’hui encore très dé-centralisée et basée massivement sur l’utilisation des combustibles fossiles (cf. annexe A, p.209),

il est fort probable que, dans les années à venir, d’autres projets de développement liés aux ré-seaux étudiés (CADIOM et CADSIG) devraient se réaliser, qu’il s’agisse de l’intégration de nouvelles infrastructures de production ou d’extensions dans des zones à forte densité énergétique (typique-ment > 500 MWh/hectare/an). Ces extensions futures et le développe(typique-ment de nouveaux réseaux sont d’ailleurs reconnus aujourd’hui comme des éléments incontournables pour basculer vers un approvisionnement de chaleur moins dépendant des ressources fossiles. Ceux-ci sont désormais explicitement intégrés dans le plan directeur cantonal (PDCn), document de base et de coordination pour l’aménagement du territoire dans le canton de Genève. Par ailleurs, un plan directeur des éner-gies de réseaux est en cours d’élaboration et devrait permettre de faire émerger une vision intégrée de leurs développements sur le territoire.

1963: but de la construction de la cité du Lignon et premier tronçon CAD par SIG Alimentation avec des chaudières au mazout 2012: Construction puis mise en marche de la liaison CADIOM- CADSIG par SIG

Surproduction de gaz de houille à Châtelaine 1973: Extension Avanchets et Palexpo avec soutien de l’Etat, + idée de connecter l’aéroport 1974: Chaudières au gaz naturel à la place du mazout 1974: Choc pétrolier1979: Choc pétrolier

1987-1991: Etudes de faisabilité du projet CADIOM par SIG, avec l’ie d’une connexion avec CADSIG 2002: Mise en service de CADIOM 1997: Appel d’offre projet CADIOM lancé par l’Etat1997: Consortium «Vulcain» (CGC+Zschokke) 1998: Contre-projet proposé par SIG

1999: Entente pour un partenariat public-pri, via la société CADIOM SA (51% SIG44% CGC), avec un soutien de la condération

1966: Cheneviers I 110'000 t/an1978: Cheneviers II 220'000 t/an

Milieu années 80: Projet CADIOM initié par l’Etat Eté 2013: vision du contrat de cession de chaleur Cheneviers-CADIOM

Fin 2012: Participation de SIG dans le capital action de CGC

2000: Concession octroyée par le canton à la société CADIOM SA 2012: Abandon du projet de CCF-Lignon2004: Projet CCF- Lignon

1995: SIG se retire du projet 1993: Cheneviers III 350'000 t/an CGE 2001-2005CGE 2005-2009

2010: Extension de CADSIG à Meyrin 2008: Choc pétrolier2010: fermeture d’un four aux Cheneviers

FIGURE1.3 – Contexte et processus de développement des réseaux CADSIG et CADIOM

CONCESSIONNAIRE:

Gaznat SA (dont SIG est actionnaire), SIG

COLLECTIVITE PUBLIQUE Canton de Genève et communes

USAGERS

Prêts Remboursement Frais financiers

Concession octroyée à une société mixte (partenariat public/privé)

FIGURE1.4 – Modèles organisationnels sur les réseaux CADSIG et CADIOM