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3.5.1 Objet et Méthode

La dernière partie de l’analyse économique se focalise sur le suivi de l’évolution des coûts de chauf-fage d’un ensemble d’immeubles qui s’est raccordé au CADSIG lors de l’extension du réseau sur la commune de Meyrin en 2010.

L’ensemble de bâtiments étudié, alimenté en chauffage à partir d’une chaufferie centrale, se compose de 3 barres d’immeubles destinées à l’habitat résidentiel locatif −18 allées en tout pour une SRE de 23’148 m2 −, et d’un bâtiment occupé par des petits commerces avec une SRE de 2’992 m2 (fi-gure 3.19). Cet ensemble, dont le propriétaire est une fondation publique, compte 272 logements pour 597 habitants. Le chauffage des locaux est effectué par des radiateurs et aucun compteur d’énergie ne permet le décompte énergétique individuel pour chaque immeuble. Si ces immeubles n’ont pas subi de rénovation énergétique lourde, certaines améliorations ont tout de même été effectuées en 2003, notamment en ce qui concerne les vitrages et la toiture (Hirt et Flumet, 2008).

Comme la majorité des ensembles résidentiels de la cité de Meyrin, ces immeubles, construits en 1969, étaient auparavant chauffés au mazout par deux chaudières datant de 1987 d’une puissance de 1’453 kW chacune, soit une puissance totale de 2’906 kW. Le rendement moyen mesuré des chaudières était de 83 %. Avant le raccordement au CADSIG, une expertise commandée par les SIG a permis de montrer que cette puissance était trop importante par rapport aux besoins thermiques réels (Hirt et Flumet, 2008), ce qui explique que la puissance actuellement souscrite sur le réseau thermique ait été ramenée à 1’500 kW.

FIGURE3.19 – Photo aérienne de l’ensemble d’immeubles analysé. Source : www.bing.com

Dans l’étude comparative qui suit, le coût de la chaleur à la charge des clients intègre les achats d’énergie (mazout ou chaleur sur le CAD), les frais d’entretien et l’amortissement des

investisse-ments réalisés par les propriétaire dans le système de production de chaleur. En réalité, la chaudière de 1987 était déjà complètement amortie avant le raccordement au réseau. Toutefois, puisqu’il aurait fallu investir pour un renouvellement de chaudière s’il n’y avait pas eu de raccordement, l’investisse-ment qui aurait dû être consenti a été intégré dans le coût de la chaleur produite à partir du mazout.

Selon l’expertise (Hirt et Flumet, 2008), le montant de ce renouvellement aurait été de 186’000 CHF.

Le coût annualisé pour amortir cet investissement a été déterminé sur une durée de vie de 20 ans avec un taux de 3%. A noter que les investissements pour le raccordement au réseau ont été réalisés par les SIG.

Pour comparer les coûts globaux de la chaleur avant et après connexion, les éléments suivants ont été compilés via la régie qui gère cet ensemble d’immeubles :

• Avant raccordement

Facturation mazout sur 3 saisons de chauffe complètes (2007-08, 2008-09, 2009-10) Frais d’entretien

• Après raccordement

Facturation réseau (chaleur+prime de puissance) sur 3 saisons de chauffe complètes (2011-12, 2012-13, 2013-14)

Frais d’entretien

3.5.2 Résultats

Les dépenses annuelles pour l’approvisionnement en chaleur sont présentées sur la figure 3.20 (TVA comprise). Ces dépenses se situent entre 330’000 et 465’000 CHF/an. Les coûts totaux ont été particulièrement importants pour les saisons 2012-13 et 2013-14 par rapport aux saisons 2007-08 et 2009-10. Cette hausse s’explique en partie par une augmentation de la consommation de chaleur (figure 3.21). Si la forte consommation sur la saison 2012-13 peut s’expliquer par une saison plutôt froide (2’753 DJ), celle de 2013-14 est difficile à justifier par les conditions météorologiques. On constate également que la structure des coûts est différente depuis le raccordement : les coûts fixes (entretien et amortissements de la chaudière avant raccordement, entretien et prime de puissance après raccordement) sont désormais plus importants.

0

2007-2008 2008-2009 2009-2010 2011-2012 2012-2013 2013-2014

Coût annuel global de la chaleur [CHF/an]

Achat de mazout Achat de chaleur

Frais d'entretien Frais d'entretien

Amortissement chaudière Prime de puissance

FIGURE3.20 – Dépenses annuelles pour l’approvisionnement en chauffage avant et après raccordement au CAD

2000

2007-2008 2008-2009 2009-2010 2011-2012 2012-2013 2013-2014

Nbre de degs-jours (18/12°C)

Consommation dnergie finale [MWh/an]

Pertes chaudière Chaleur soutirée sur le CAD

Production de chaleur de la chaudière DJ

FIGURE3.21 – Consommation d’énergie annuelle pour le chauffage et nombre de degrés-jours, avant et après raccor-dement. Energie mazout calculée via le PCI avec décomposition entre pertes et production de chaleur (rendement de 83%)

En appliquant la correction climatique sur la partie chauffage selon la méthode proposée par l’of-fice cantonal l’énergie (OCEN, 2013) et en rapportant cette consommation corrigée à la surface de

référence énergétique, on constate qu’il y a manifestement une augmentation de la demande de chaleur qui n’est pas liée aux conditions météorologiques et qui pourrait s’expliquer par une moins bonne gestion et régulation du chauffage dans les bâtiments (figure 3.22). Cette augmentation de la demande peut également être visualisée en comparant les signatures énergétiques en valeurs mensuelles des saisons 2011-12 et 2013-14 (figure 3.23).

140 151 164

133 129 118

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180

2007-2008 2008-2009 2009-2010 2011-2012 2012-2013 2013-2014 Consommation spécifique de chaleur utile [kWh/m2∙an]

Production de chaleur de la chaudière Chaleur soutirée sur le CAD

FIGURE 3.22 – Consommation spécifique de chaleur utile pour le chauffage après correction climatique. Chaleur utile mazout calculée via le PCI en déduisant les pertes de production (rendement de 83%)

0 10 20 30 40

-5 0 5 10 15 20 25

Puissance thermique scifique en moyenne mensuelle [W/m2]

Température externe moyenne mensuelle [°C]

2013-2014 2011-2012

FIGURE3.23 – Signature énergétique en puissance moyenne mensuelle

La comparaison du coût de la chaleur en cts/kWh permet de s’affranchir en partie de l’influence de la consommation, même si celle-ci influence quand même les frais fixes exprimés en cts/kWh puisque ceux-ci sont alors répartis sur une quantité d’énergie différente (figure 3.24). On remarque alors l’effet du prix du mazout, qui explique notamment le coût relativement élevé de la chaleur pendant la saison 2008-09. Depuis le raccordement au réseau, le coût total de l’approvisionnement de la chaleur se situe entre 11 et 12 cts/kWh. Les coûts du kWh sur le réseau ou avec une chaudière mazout sont très proches. A noter que la prime de puissance exprimée en cts/kWh est relativement faible pour cette SST, car le nombre d’heures de fonctionnement à la puissance souscrite est important (2’375h,

2’684h et 2’580h pour les saisons 2011-12, 2012-13 et 2013-14 respectivement), ce qui n’est pas le cas pour toutes les SST.

2.7 2.4 2.5

0.4 0.4 0.4

0.2 0.1 0.1

0.5 0.5 0.5

8.3 9.1 8.9

9.8

11.7

10.1

0 2 4 6 8 10 12 14

2007-2008 2008-2009 2009-2010 2011-2012 2012-2013 2013-2014

Coût global de la chaleur [cts/kWh]

Achat de mazout Achat de chaleur

Frais d'entretien Frais d'entretien

Amortissement chaudière Prime de puissance

FIGURE3.24 – Coût du kWh chaleur utile pour les consommateurs finaux. Chaleur utile mazout calculée avec le PCI et un rendement de chaudière de 83%.

En guise de conclusion, on peut dire que le coût de la chaleur sur CADSIG est proche du coût de la chaleur produite à partir d’une chaudière individuelle au mazout et que le réseau est compétitif.

L’évolution future des prix du mazout n’aura pas une influence très importante sur la compétitivité du réseau par rapport à une chaudière au mazout étant donné que la chaleur vendue sur le réseau est indexée sur l’indice des prix du mazout. L’augmentation relativement importante des coûts sur les saisons 2012-13 et 2013-14 peut s’expliquer par une augmentation des consommations liées à la fois aux conditions météorologiques (pour 2012-13) et probablement à une dégradation de la qualité de la gestion du chauffage dans le bâtiment.

Si les coûts globaux sont relativement proches, il se pose quand même la question du report des coûts de chauffage sur les locataires. Avant raccordement, ceux-ci ne payaient, dans leurs charges de chauffage, que la part variable liée à l’achat de mazout. Les coûts fixes (amortissements de la chaudière et frais d’entretien) étaient compris dans le loyer. Avec le raccordement au réseau, les coûts fixes (prime de puissance) sont désormais intégrés dans les charges des locataires. Si elle n’est pas compensée par une baisse de loyer équivalente à l’amortissement et l’entretien de l’an-cienne chaudière, cette hausse des charges liée à l’intégration des coûts fixes dans les tarifs de la chaleur pourrait paraître injuste pour les locataires. Cette problématique ne concerne pas unique-ment ce cas mais se retrouve dans divers projets basés sur le contracting énergétique avec un tiers investisseur. Ce point a d’ailleurs été soulevé dans l’enquête réalisée auprès des propriétaires et régies (cf. chapitre 4).

3.6 Conclusions

L’analyse économique a montré que l’investissement dans la connexion des deux réseaux (environ 20 MCHF) sera probablement rapidement rentabilisé (une dizaine d’années), avec un coût de revient global du kilowattheure fossile substitué se situant aux alentours des 2 cts/kWh. Les bénéfices que permet la connexion, qui dépendent principalement de la quantité de chaleur fatale transférée et du prix du gaz, profiteront majoritairement aux producteurs et aux distributeurs d’énergie. Une partie sera tout de même redistribuée aux clients du réseau CADSIG via une diminution de la taxe CO2. En parallèle à la connexion, une modification du prix de cession de la chaleur fatale à l’UVTD (+2 cts/kWh) a entraîné une hausse du prix de la chaleur sur le réseau CADIOM (+3.3 cts/kWh).

Cette hausse n’est toutefois pas directement liée à la connexion, mais à la volonté politique de limi-ter les pertes d’exploitation de l’UVTD. Toutefois, elle permet désormais de favoriser la production de chaleur par rapport à la production d’électricité à l’UVTD. Du côté des consommateurs, cette augmentation pourrait favoriser l’utilisation rationnelle de l’énergie dans les bâtiments alimentés par CADIOM, qui payaient un prix de la chaleur (environ 7 cts/kWh) inférieur aux prix du marché. En contrepartie, elle peut poser des problèmes d’acceptation pour les consommateurs.

Désormais, les prix de vente de la chaleur complets (part fixe + variable) sur les deux réseaux sont relativement similaires : 10.4 cts/kWh sur CADIOM et 11.6 cts/kWh sur CADSIG si le mazout est à 80 CHF/100l. La principale différence entre les systèmes de tarification réside dans le fait que l’un est indexé sur le prix des énergies fossiles (CADSIG) alors que l’autre non (CADIOM). Cette indexation sur le prix du mazout pourrait s’avérer problématique pour les clients ou les distributeurs de chaleur selon le taux de pénétration de la chaleur fatale/renouvelable, l’évolution des prix des énergies fossiles et l’évolution des ventes de chaleur. D’autre part, la décomposition des prix facturés entre part fixe et part variable n’est pas représentative de la composition des coûts réels (coûts fixes réels proportionnellement plus importants), particulièrement en ce qui concerne le réseau CADIOM.

Une analyse avant et après raccordement sur l’évolution des coûts de chauffage réels d’une barre d’immeubles qui s’est raccordée au CADSIG à Meyrin a permis de montrer que ce réseau est com-pétitif par rapport à des systèmes de chauffage "traditionnels" pour autant que l’ensemble des coûts soient comptabilisés (amortissement de la chaudière et frais d’entretien). L’un des problèmes qui peut ressortir est lié au report de la prime de puissance (part fixe) dans les charges des locataires.

Celles-ci ne comportaient auparavant que les coûts variables liés à l’achat de combustibles fossiles, les investissements dans le système de production étant assumés par le propriétaire et reportés via les loyers.

Pour l’évolution future des réseaux, les enjeux sont multiples et concernent notamment l’intégration de nouvelles ressources énergétiques ainsi que, plus globalement, les discussions relatives à une tarification plus unifiée sur les réseaux, sur un principe qui pourrait ressembler à celui de l’électricité.

Ce dernier point pourrait permettre de favoriser le financement et le développement des réseaux thermiques via une mutualisation plus importante des coûts de la chaleur renouvelable.

CHAPITRE 4

Enquête sur la perception des réseaux thermiques

4.1 Introduction

4.1.1 But et périmètre

Le point de vue des propriétaires d’immeubles ou de leurs représentants concernant les avantages et/ou inconvénients (techniques, économiques, environnementaux) des réseaux de chauffage à dis-tance est relativement méconnu. Partant de ce constat, une enquête par questionnaire a été réalisée dans le but de mieux cerner leurs perceptions.

Le périmètre de cette enquête a été défini comme étant les communes de Meyrin et Onex (parte-naires du projet), concerne les propriétaires ou leurs représentants (principalement les régies) d’im-meubles locatifs, PPE ou administratifs (exclusion des villas – petits consommateurs) connectés ou non sur les réseaux CADSIG ou CADIOM.

4.1.2 Elaboration du questionnaire

Ce travail a été effectué en collaboration avec deux collègues de l’UNIGE, messieurs P. Naef et C.

Lambert, chercheurs au groupe "écologie humaine" de l’institut des sciences de l’environnement de l’université de Genève et spécialistes des enquêtes par questionnaires.

L’étude a été effectuée durant les mois de février et mars 2014. En tout, le questionnaire comportait 32 questions regroupées en quatre parties :

• Profil des répondants (section 4.1.3)

• Caractéristiques générales du parc d’immeubles représenté (section 4.1.4)

• Appréciation de l’énergie et du chauffage à distance (section 4.2.1)

• Appréciation des réseaux thermiques CADIOM et CADSIG (section 4.2.2)

Tous les questionnaires ont été analysés de manière anonyme ; ils ont été auto-administrés grâce au logiciel LimeSurvey et traités sous SPSS (Statistical Package for the Social Science) et Excel. Les contacts proviennent de listes reçues des communes de Meyrin et d’Onex. Au total, 243 question-naires ont été envoyés. Le nombre de questionquestion-naires correctement remplis et retournés a été de 45, ce qui donne un taux de réponse de 20% (chiffre relativement standard lors de ce type d’enquête).

En outre, 15 personnes ont répondus négativement (pas de temps ou pas d’intérêt). Pour chaque question, le nombre de personnes ayant répondu est indiqué (N).

Le questionnaire complet ainsi que toutes les réponses figurent en annexe (cf. annexe G, p.227).

4.1.3 Profil des répondants

Les personnes ayant répondus aux questionnaires représentent principalement des régies (44%) ou des propriétaires d’immeubles (38%). Elles sont majoritairement dans la direction ou la gestion immo-bilière et leurs formations sont relativement variées (figure 4.1). On peut ainsi constater que la plupart des répondants occupent des domaines à responsabilité, impliquant sans doute une connaissance fine de la problématique étudiée. Il ne s’agit toutefois pas de spécialistes de l’énergie.

Propriétaire

FIGURE4.1 – Profil des répondants. N=45

4.1.4 Caractéristiques des immeubles représentés

La majorité des répondants (35) représentent un parc d’immeublesa sur l’une ou l’autre des deux communes d’étude (figure 4.2). Parmi ceux-ci, on retrouve principalement des immeubles locatifs (figure 4.3). La plupart des répondants (36) ont au moins un immeuble raccordé sur CADIOM ou CADSIG.

0 10 20 30 40

Un immeuble Parc d'immeubles

Nbre de réponses

0 5 10 15 20 25

0 1 à 5 6 à 10 >10

Nbre de réponses

Nbre d'immeubles sur un CAD

FIGURE4.2 – Nombre de répondants représentant un parc d’immeubles (a) et nombre d’immeubles raccordés à un réseau thermique (b). N=45

0 5 10 15 20 25

1-5 6-10 11-15 >15

Nbre de réponses

Nbre d'immeubles

Admin Onex PPE Onex Locatif Onex Admin Meyrin PPE Meyrin Locatif Meyrin

FIGURE4.3 – Typologie des immeubles représentés par communes. N=35

a. Un immeuble est définie comme une allée