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Classification des systèmes fluviatiles 1.3

1.3.4 Les systèmes méandriformes

De nombreuses études se sont attachées à la compréhension des systèmes méandriformes, et à la caractérisation des dépôts associés à ces systèmes. Une littérature abondante apportent une compréhension importante sur les aspects géomorphologiques et sur la dynamique de ces systèmes. Les dépôts liés aux systèmes méandriformes montrent des architectures très complexes impliquant un régime hydrologique particulier lié à la morphologie du système et aux interactions entre plusieurs modes de transport.

Caractéristiques morphologiques

Les systèmes méandriformes sont par définition des systèmes à chenaux unitaires sinueux à très sinueux (Figure 16a et b), ayant pour caractéristique de migrer latéralement dans le temps. Ces chenaux se mettent en place sur des pentes faibles inférieures à 2% (Rosgen, 1994).

Les chenaux sinueux peuvent être encaissés (Figure 16a), ou non, et dans ce cas, le chenal migre librement dans la plaine d’inondation, formant une ceinture de méandres, à l’intérieur de laquelle les méandres se recoupent (Figure 16b). Ces systèmes sont caractérisés par des structures aux géométries particulières résultant de la migration latérale du chenal actif au cours du temps. Ces structures particulières en forme de croissant correspondent à la surface supérieure des différents épisodes de migration du chenal (scroll bar), ou d’accrétion latérale des dépôts, formant une barre de méandre, ou point bar (Figure 16b).

D’autres éléments morphologiques caractéristiques des systèmes méandriformes sont remarquables, et sont liés au caractère migratoire du système. Lors de la migration du système, le chenal actif surcreuse sa partie concave, formant une boucle où le chenal actif finit par éroder sa propre berge dans la partie la plus concave, traçant ainsi un nouveau chenal actif isolant l’ancien bras actif, qui devient alors un lac de méandre abandonné.

Aussi, pendant les crues, le cours d’eau déborde et envahit tout ou partie de ses propres méandres, créant ainsi des chenaux secondaires localisés dans les petites dépressions créées par l’accrétion latérale des dépôts, appelées chenal de chute. Localement, des dépôts de débordement levées et lobes de crevasse peuvent se mettre en place pendant les périodes de crues, latéralement au chenal actif, et préférentiellement dans la partie la plus concave de la boucle, là où les écoulements sont les plus rapides, favorisant la rupture des berges.

Processus de transports

Les systèmes méandriformes sont caractérisés par un mode de transport mixte de la charge sédimentaire, avec, selon le contexte géomorphologique (rivière méandriforme de piedmont, de plaine côtière…), une proportion de la charge en suspension et de la charge dissoute par rapport à la charge de fond plus ou moins importante. Les rivières s’écoulant sur une plaine d’inondation ou une plaine côtière transportent par suspension une charge sédimentaire généralement fine que l’on qualifie d’argilo-sableuse. Dans ce type de rivière, les particules en suspension et les particules en solution dominent les particules charriées sur le fond (pouvant atteindre jusqu’à 95% de la charge totale, Knighton, 1998).

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Figure 16 : a ) Photo de la rivière San Juan (Utah, Etats Unis) montrant des méandres encaissés ; b) Vue satellite (Google image) de la rivière Parana (Argentine), montrant les différents éléments architecturaux d’un système méandriforme.

La morphologie et l’évolution du lit des rivières méandriformes dépendent de la proportion de particules en suspension, qui a un effet direct sur la turbulence du courant. Une forte concentration des particules en suspension a pour effet de diminuer la turbulence, et par conséquent entraine une augmentation de la viscosité du courant (Knighton, 1998).

Dans le chenal, la charge de fond, constituée de particules grossières (sables, dont la taille des particules est comprise entre 64µm et 2mm), se déplace à une vitesse inférieure à la vitesse d’écoulement. Le transport des particules se fait par saltation, glissement ou roulement. Le reste de la charge est maintenu en suspension, et les particules s’écoulent à des vitesses plus proches de celle des courants qui les transportent. Le transport des particules grossières peut se faire en suspension lorsque l’écoulement est turbulent. Le taux de transport de la charge de fond dépend de la capacité de transport de l’écoulement, et selon le régime d’écoulement (régime inférieur, régime transitoire, et régime supérieur), la configuration des structures sédimentaires formées qui migrent sur le lit du chenal est variable (Figure 17), évoluant pour le régime inférieur de rides de courants vers des mégarides lorsque l’écoulement s’intensifie, puis à des lits plans-parallèles vers des antidunes pour le régime supérieur.

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Figure 17: Illustrations des différentes figures sédimentaires associées aux différents types de régimes d’écoulement (Lewis, 1984).

Par conséquent, charge de fond et charge en suspension ont un comportement différent en fonction de la vitesse des écoulements, et de la taille des particules transportées. Pour une vitesse d’écoulement faible, la charge en suspension est transportée jusqu’à un certain seuil, en deçà duquel les particules se déposent par décantation. La charge de fond n’est quant à elle pas transportée. Pour des vitesses d’écoulement élevées, le transport de la charge en suspension est actif, jusqu’à un certain seuil au-delà duquel l’écoulement est supercritique, et rentre en érosion. Les particules sédimentaires tendent à se déposer lorsque la vitesse de l’écoulement diminue, et sont remobilisées lorsque l’intensité du courant ré-augmente.

La forme incurvée des méandres provoque l’asymétrie observée dans le chenal avec une marge interne de faible pente et une marge externe de forte pente soumise à l’érosion, et modifie la trajectoire du courant, qui devient hélicoïdale (Leeder, 1996) en remontant la marge interne du méandre tout en décélérant, puis redescendant vers la marge externe en accélérant, favorisant l’érosion (Figure 18). Cette forme de l’écoulement a pour conséquence une organisation spécifique des structures formant les barres de méandres, avec des structures sédimentaires et une organisation granulométrique unique, détaillé dans le paragraphe qui suit.

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Dépôts et architecture :

Dans un système méandriforme (et dans les systèmes fluviatiles en général), l’érosion et le dépôt se font généralement pendant les périodes de crue. L’érosion a lieu au maximum d’intensité de la crue, lorsque l’écoulement augmente atteint le régime supérieur, et continue de s’intensifier. Le dépôt des particules a lieu lorsque l’intensité du courant diminue et atteint le régime d’écoulement inférieur.

La coupe sédimentaire « type » dans une barre de méandre est caractérisée par une globale grano-décroissance, et une évolution verticale des structures sédimentaires associées à la globale décroissance de l’intensité de l’écoulement. La base du chenal est caractérisée par une surface érosive qui témoigne du régime d’écoulement supérieur, qui est surmonté par une succession verticale de faciès allant de sables grossiers à lits plans parallèles ou à des mégarides passant progressivement à des sables fins à très fins à rides, puis à des argiles silteuses marquant l’abandon du matériel en suspension dans le chenal (Miall, 1996).

Les rivières méandriformes sont caractérisées par la migration des boucles de méandre au sein de la ceinture de méandre, induisant une morphologie particulière et des dépôts de corps sédimentaires par accrétion latérale (cf. « Caractéristiques morphologique » ci-dessus), de forme lenticulaires et sigmoïdales et granoclassées, formant un « point bar », ou barre de méandre (Figure 19a). Ces structures forment des ensembles obliques successifs marquant la migration de la barre et la direction de migration du méandre, qui correspond à la normale du courant (Allen, 1963) (Figure 196b). Chacune des unités (ou « sets ») obliques sont elles-mêmes granoclassées, avec une base érosive surmontée de matériel grossier à micro-conglomératique à mégarides et lits plans-parallèles correspondant aux dépôts de fond de chenal, au-dessus desquels sont déposés progressivement des sables à stratification entrecroisée à oblique, passant verticalement à des sables plus fins à rides de courant, dont la direction pointe Figure 18: Ecoulement hélicoïdal au sein d’un méandre, responsable du caractère asymétrique du chenal, des variations verticales et horizontales des structures sédimentaires et de la granulométrie le long des barres d’accrétion latérales (Leeder & Stewart, 1996).

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généralement vers l’extérieur du chenal, en remontant le « set » oblique. Chaque « set » formé traduit un épisode de migration du méandre dont la succession latérale forme une barre de méandre plus ou moins étendue, à fond relativement plat délimité par une surface érosive. La complexité des barres de méandre réside également dans la présence d’hétérogénéités tels que les chenaux de chute, qui se mettent en place dans les dépressions créées par la migration du « point bar » en période de crue, et les lacs de méandre abandonnés, se formant lorsque le chenal recoupe son propre lit lorsque la sinuosité devient trop importante, modifiant ainsi son tracé et laissant « à l’abandon » son ancienne portion active (Figure 19a). Ces phénomènes engendrent des hétérogénéités argileuses de taille importante recoupant les barres de méandre. Des hétérogénéités de taille moins importante peuvent aussi être présentes le long des « sets » d’accrétion latérale, avec le développement de drapages argileux plus ou moins bien préservés le long de ces sets, par décantation à la suite de crues importantes.

Dépôts de plaine d’inondation

Les crues importantes provoquent parfois une rupture brutale des berges de la rivière. La rupture des levées du chenal entraine une partie de l’écoulement vers la plaine d’inondation adjacente au chenal, et le matériel sédimentaire se dépose alors sous forme d’un lobe de crevasse (Figure 19a).

Ces lobes de crevasse forment des objets lenticulaires s’amincissant vers la plaine d’inondation, et sont constitués de matériels sableux relativement grossier, à stratifications entrecroisées et à rides grimpantes, organisés en séquence verticales grano-croissantes, et s’affinant avec la perte progressive d’énergie en s’éloignant du chenal.

Figure 19: a : Bloc diagramme illustrant une portion d'un système méandriforme (modifié d'après Miall, 1996). b: Détail d’une coupe au travers d’une barre de méandre, montrant la géométrie et la distribution des faciès sédimentaires (Held, 2011, modifié d’après Allen, 1985)

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1.3.5 Les systèmes anastomosés