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1.5.1 Facteurs de contrôle allocycliques

L’enregistrement sédimentaire et la préservation des dépôts sont la conséquence d’interactions entre le taux de création ou de destruction d’accommodation, et le taux de sédimentation. Les différents facteurs de contrôle sur l’enregistrement sédimentaire continental (décrits dans la section 1.1.2) sont considérés comme des facteurs de contrôle allocycliques, et se réfèrent aux forces qui influencent l’érosion et la sédimentation des dépôts continentaux, ainsi que la morphologie des systèmes fluviatiles. Il existe 4 facteurs de contrôle allocycliques, qui sont le climat, la subsidence du bassin, l’eustatisme et les caractéristiques des zones sources (Figure 25). L’aggradation fluviatile et/ou l’incision fluviatile est influencée par des facteurs de contrôle « proximaux » ou « distaux » (Catuneanu, 2007). Les facteurs de contrôle distaux (ou

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proche de la ligne de rivage) concernent principalement l’eustatisme et la subsidence, alors que les facteurs de contrôle proximaux (ou proche de la source) se réfèrent principalement au climat et aux caractéristiques de la source (morphologie et nature des zones source).

Figure 25: Facteurs de contrôle allocycliques sur la dynamique et les caractéristiques des systèmes fluviatiles (Catuneanu, 2007).

La complexité des interactions entre les différents facteurs de contrôle sur l’érosion et la sédimentation en domaine continental impose de raisonner en termes de variations du niveau de base, et plus particulièrement en termes d’accommodation.

L’accommodation est l’espace vertical disponible permettant aux sédiments de s’accumuler, et la sédimentation correspond au remplissage de l’espace d’accommodation. Lorsque l’accommodation est positive, l’aggradation fluviatile prédomine, et lorsqu’elle est négative, l’érosion et l’incision ont lieu. La pente du système fluviatile, ou la surface d’équilibre entre érosion et dépôt (Cross, 1991), est principalement influencée par le climat et les caractéristiques des zones sources, qui contrôlent la charge sédimentaire ainsi que la capacité de transport du système fluviatile.

Cependant, la tectonique peut avoir une influence majeure sur le profil d’équilibre des systèmes fluviatiles. Un basculement du bassin peut engendrer une pente plus importante qui aura pour effet d’augmenter la vitesse des écoulements et la capacité de transport des cours d’eau. Cela a pour conséquence de favoriser l’érosion dans la partie supérieure du système et ainsi augmenter la charge sédimentaire vers la partie inférieure du système. La sédimentation est par conséquent plus importante dans la partie inférieure du système, et se propage progressivement vers la partie supérieure, rétablissant ainsi le profil d’équilibre initial.

Alternativement, une baisse du niveau marin relatif a pour conséquence une baisse du niveau de base, et l’érosion est plus importante dans la partie inférieure du système fluviatile (au niveau du rivage), et se propage progressivement en amont du système (Heijst & Postma, 2001). Le réajustement du profil d’équilibre dépend en grande partie de l’ampleur de la baisse du niveau marin relatif, et la vitesse de migration du point entre érosion et sédimentation (knickpoint) dépend de l’érodabilité du substratum. Les systèmes fluviatiles de petite taille peuvent atteindre

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plus rapidement leur profil d’équilibre et enregistrer les perturbations allocycliques, tandis que les systèmes fluviatiles plus importants tamponnent plus efficacement les petites perturbations, mais enregistrent les variations plus importantes sur des périodes de temps plus longues.

Le « knickpoint » migre donc soit en amont, soit en aval, en fonction des facteurs de contrôle allocycliques qui modifient le profil d’équilibre des systèmes fluviatiles. Les facteurs de contrôle qui agissent en aval du système (variations eustatiques et subsidence) induisent une migration du knickpoint vers l’amont, alors que les facteurs de contrôle agissant dans la partie amont du système provoquent une migration du knickpoint vers l’aval du système. Ce point se propage toujours en s’écartant de la perturbation, avec un effet qui se dissipe progressivement. La migration de ce point a une implication très importante et contrôle l’aggradation et/ou l’incision du système fluviatile.

1.5.2 Incision fluviatile

Dans la plupart des modèles de stratigraphie séquentielle, l'abaissement du niveau de base est toujours lié à l'incision fluviale et à la formation de vallées incisées. L'incision dépend en grande partie de la distance au rivage et de la longueur et de l'ampleur de la chute du niveau de base. De plus, si le changement de base survient simultanément avec les changements des facteurs de contrôle agissant sur la zone source (comme les changements climatiques), ils peuvent altérer le profil d’équilibre jusqu'à un point où une chute du niveau de base coïncide avec l'aggradation fluviatile. L'interaction entre les variations eustatiques et le climat a été suggérée dans plusieurs études (Catuneanu, 2007 ; Leeder et al., 1998 ; Schlager, 1993). La probabilité que cette interaction devienne importante dépend de la distance au rapport au rivage.

Le concept de migration du knickpoint a des implications importantes dans la création de vallées incisées. Les vallées incisées sont considérées comme des pièges à hydrocarbures avec de bons potentiels réservoirs, formant des pièges stratigraphiques remplis de sables. Comprendre leur formation est donc d'une importance primordiale pour l'étude du potentiel à hydrocarbures des successions fluviatiles.

Le lien entre la formation des vallées incisées et la chute du niveau marin relatif n’est pas trivial. Les vallées incisées n'apparaissent que lorsque la pente marine est plus raide que celle du profil d’équilibre fluviatile lors de la chute du niveau marin relatif. Quand il n'y a pas, ou presque pas, de pente à la rupture de la plate-forme, l'incision sera minime et les rivières ne deviendront pas confinées à une seule vallée (Posamentier, 2001). L'effet de la migration de knickpoint et la réponse du système fluviatile est représenté sur la figure 26.

En plus de contrôler l'aggradation et l'incision, les quatre principaux facteurs de contrôle allocycliques ont également un impact sur les trois principaux paramètres de la morphologie fluviale : la sinuosité, le degré de confinement des chenaux et le nombre de chenaux. Ainsi, même si l'incision fluviatile peut ne pas développer de vallées qui confinent l'écoulement, l'étude de la morphologie fluviale permet d’appliquer plus aisément les principes de la stratigraphie séquentielle en domaine continental. En général, les trois paramètres sont regroupés en deux styles fluviaux principaux ; systèmes sinueux ou tressés, mais entre les deux il existe beaucoup de morphologies intermédiaires et de combinaisons possibles (Catuneanu, 2007; Miall, 2000; Posamentier, 2001; Schumm, 1993; Shanley et McCabe, 1993).

Dans les bassins où l’activité tectonique est minime et la subsidence progressive, il est fort probable que le niveau de la mer eustatique et / ou le climat aient contrôlé les dépôts fluviatiles. Les styles fluviatiles sont préférentiellement dominés par des facteurs de contrôles proches du rivage ou de la zone source (Figure 26).

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Figure 26: Les systèmes fluviatiles incisés et non-incisés (by-pass) se forment au cours de la chute du niveau de base et à l'emplacement du knickpoint (K). A – la ligne de rivage du haut niveau marin relatif n'a que légèrement progressé sur une plate-forme peu profonde et la chute subséquente du niveau de base exonde une plate-forme dont la pente est moins raide que celle du profil d'équilibre fluviatile ; un chenal en by-pass se développe. B - le niveau de base chute sous la rupture de pente de la plate-forme et une vallée incisée se forme sur le littoral ; le knickpoint (K) se déplace vers l'amont. C - le niveau de base est encore plus bas et le knickpoint a traversé toute la plaine alluviale ; une vallée incisée (connectée) se développe. Modifié d’après Posamentier (2001).

1.5.3 La stratigraphie séquentielle en domaine continental

Un modèle de stratigraphie séquentielle simplifié est illustré Figure 27 (Catuneanu, 2007). Ici, la relation spatiale et temporelle entre les systèmes fluviatiles en tresses et les systèmes fluviatiles méandriformes est illustrée pour un seul cycle de troisième ordre, sensu Vail et al., 1977. Les systèmes en tresses se développent à proximité de la zone source où la pente est généralement plus raide, les particules sédimentaires transportées plus grossières, la charge sédimentaire dans les chenaux est importante, et l’accommodation faible. Vers la plaine côtière, à mesure que la pente fluviale devient plus faible, les systèmes méandriformes se développent. Les cours d’eau transportent moins de sédiments, avec une charge sédimentaire faible, et sont généralement caractérisés par des chenaux uniques. Au fur et à mesure que leur sinuosité augmente, les contraintes exercées sur les berges augmentent, et la probabilité de rupture des berges

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augmente, favorisant l’accumulation de dépôts de débordement de lobes de crevasse. Ces systèmes méandriformes aboutissent dans la partie inférieure du système en alimentant les deltas ou estuaires.

En outre, en raison de la montée du niveau de base et de la décroissance des pentes fluviales, chaque cycle a une tendance à la grano-décroissance. Mais, en raison de l'interaction entre les apports sédimentaires et le taux de création d’accommodation à proximité de la ligne de rivage, l'ensemble du système prograde ou rétrograde au cours des trois étapes de l'élévation et de baisse du niveau de base (LST – Lowstand System tract, ou cortège de bas niveau ; TST – Transgressive System Tract, ou cortège transgressif ; HST – Highstand System Tract, ou cortège de haut niveau).

Au début du cortège de bas niveau (LST), la pente de la plaine alluviale et de la plaine côtière est ramenée en aval au niveau de la ligne de rivage du bas niveau et est donc plus raide que la normale. Le système fluviatile dominant correspond à des rivières tressées fortement amalgamées témoignant d’un régime de faible accommodation. Les vallées incisées qui se forment pendant le cortège de bas niveau peuvent confiner la majorité du débit du bassin versant, avec des capacités de transport élevées, et contenir des particules sédimentaires grossières qui se déposent lorsque le gradient de pente fluviatile se rééquilibre en s’élevant. Au fur et à mesure que le niveau de base augmente, l’espace disponible est rapidement rempli, ayant pour conséquence un adoucissement de la pente fluviatile. Le débit des cours d’eau diminue et la charge en suspension augmente au détriment de la charge de fond, et se dépose préférentiellement dans la plaine d’inondation. Les systèmes méandriformes se développent et s'étendent à la fois sur la plaine deltaïque alimentant le front de delta, et en amont, au-dessus des systèmes en tresses déposés au début du cortège de bas niveau.

Pendant le cortège transgressif (TST), le taux d'augmentation du niveau de base devient si élevé que le littoral transgresse et l'ensemble du système se déplace vers l’amont. Pendant le cortège transgressif, les systèmes méandriformes sont submergés et remplacés par des estuaires ou des lagunes en fonction de la présence ou non de vallées incisées, et la prédominance de l'action des marées et des vagues. La mise en place des estuaires ou des lagons peut être assez rapide (Kerr et al., 1999) et le passage abrupt de systèmes en tresses aux systèmes méandriformes coïncide avec la surface de régression maximale (MRS) qui marque le début du TST (Figure 27).

Figure 27: Réponse du style fluviatile à l'élévation du niveau de base. Chaque cortège contient une succession grano-décroissante causée par l'aggradation côtière continue et l'affaissement du profil fluvial (Catuneanu, 2007). Liste des abréviations:

FSST : Falling Stage System Tract (cortège de chute du niveau de base) ; BSFR : Basal Surface of Forced Regression (surface basale de régression forcée); HST : Highstand Systel Tract (Système de haut niveau); MFS : Maximium Flooding Surface (Surface d'inondation maximale); TST : Transgressive System Tract (cortège transgressif); MRS surface de régression maximale), LST : Lowstand Systel Tract (Cortège de bas niveau) ; CC : Correlative Conformity (surface de conformité corrélative).

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La surface d'inondation maximale (MFS) coïncide avec la rétrogradation maximale des faciès vers l’amont et est caractérisée par une énergie de dépôt la plus faible. Les dépôts de plaines d’inondation de méandres très sinueux sont dominants à ce stade du cycle.

Au début du cortège de haut niveau (HST), par définition, le système recommence à prograder Les systèmes méandriformes dominent une grande partie de la plaine côtière à mesure que le gradient de pente fluviatile diminue. Cela persiste tout au long du HST et, de façon générale, les systèmes méandriformes se propagent à la fois vers l’aval et vers l’amont, de la même façon que pendant le LST. Cependant, une différence importante est que les vallées incisées influencent les styles d'écoulement et la morphologie des cours d’eau pendant le LST, alors que pendant le HST, la majeure partie de cette morphologie héritée est remplie, permettant aux cours d’eau de circuler plus librement et d’acquérir un style d'écoulement non contraint par un quelconque confinement. Vers la fin du HST, le taux de création d’accommodation diminue à nouveau et les systèmes fluviatiles en tresses remplacent progressivement les systèmes méandriformes.

Le HST est suivi par une chute rapide du niveau de base (Falling Stage System Tract - FSST) et le potentiel de préservation des dépôts du HST est faible.

1.5.4 Architecture stratigraphique des systèmes fluviatiles

La combinaison entre les morphologies de la plaine alluviale héritées de la chute drastique du niveau de base pendant le FSST (systèmes fluviatiles incisés d’une part, et systèmes fluviatiles en « by-pass » d’autre part, Figure 27), et la réponse de ces systèmes à l’augmentation du niveau de base (Figure 27), permet de mettre en évidence des architectures stratigraphiques distinctes, dont les caractéristiques sont illustrées de façon schématique en Figure 28 (Shanley & McCabe, 1993). Ces modèles conceptuels d’évolution de l’architecture des systèmes fluviatiles au cours d’un cycle stratigraphique (chute, puis remontée du niveau de base), pour un système confiné et pour un système déconfiné, servent de guide pour l’interprétation des données de subsurface, pour les corrélations stratigraphiques entre puits, et pour l’interprétation de données de sismique.

Les deux architectures proposées Figure 28 peuvent se produire spatialement dans un même bassin, et peuvent également se produire dans le temps. L'identification de l'un ou l'autre des systèmes aide non seulement à comprendre l'histoire paléogéographique, mais a aussi des implications pour l'exploration des hydrocarbures. Par exemple, le confinement de l'écoulement dans une vallée incisée a de grandes implications pour l'amalgamation des chenaux et favorise la mise en place de réservoirs favorables avec une fermeture stratigraphique potentielle formée par les marges de la vallée incisée, tandis que les chenaux amalgamés développés en l’absence de vallées incisées peuvent produire des réservoirs plus continus sans fermetures stratigraphiques apparentes permettant de piéger les hydrocarbures, mais qui peuvent servir de drains préférentiels pour la migration des hydrocarbures.

Pendant les périodes de FSST et de LST, à la base de la séquence, la formation de paléosols au-dessus de la limite de séquence inférieure (SB) s'arrête dès que la création d’accommodation est suffisante pour permettre aux rivières de commencer à s'écouler en dehors du confinement de la vallée incisée. Comme le montre la Figure 28, la transgression des systèmes fluviatiles peut induire la mise en place de dépôts estuariens ou lagunaires, mais la transgression est le plus souvent associée à la mise en place de dépôts de débordements dans la plaine d’inondation, là où l’influence marine est limitée aux zones en aval du système. Les dépôts de plaines d’inondation ont généralement une extension limitée en raison de l’avulsion et de la migration de chenaux fluviatiles, favorisées par la diminution du gradient de pente, et l’accommodation importante. La surface d’inondation maximum (MFS) est souvent caractérisée par des dépôts de débordement silteux et argileux, au sein desquels on retrouve des chenaux fluviatiles méandriformes à estuariens isolés.

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Figure 28: Architecture stratigraphique d'une séquence sédimentaire fluviatile influencée par les fluctuations du niveau de base pour une vallée incisée (à gauche) et un système de chenaux déconfinés (à droite). Noter la différence entre les chenaux influencés par les marées (estuaires) dues à l'inondation marine de vallées incisées, en opposition aux dépôts lagunaires qui se mettent en place lorsque la plaine côtière du système est inondée. Abréviations : Surface maximale d'inondation (MFS). Modifié à partir de Shanley et McCabe (1994). Concernant les corrélations stratigraphiques, il est souvent difficile et peu fiable de corréler les séquences fluviatiles basées sur les MFS, contrairement au domaine marin où la MFS est souvent mieux développée que la limite de séquence (SB), par le fait que l'érosion subaérienne (et la formation de paléosols) ne s'étend pas au-dessous du niveau de la mer. Dans le domaine continental, le développement des surfaces d'érosion avec la présence de paléosols peut être très discontinu à cause des incisions, mais leur potentiel de préservation est beaucoup plus élevé en raison de l'augmentation de l’accommodation qui suit l’augmentation du niveau de base. Il est donc plus aisé de corréler les successions continentales en propageant les SB et de bâtir un cadre stratigraphique séquentiel contraint par l’identification et la corrélation des SB.

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Cas d’application : Architecture stratigraphique des séries