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Les systèmes fluviatiles modernes et facteurs de contrôle 1.1

1.1.2 Principe de fonctionnement d’un système fluviatile et facteurs de contrôle

1.1.2.3 Facteurs de contrôle indirects

A l’échelle de la dizaine de milliers d’années (cycles de 10000 à 40000 ans), l’alternance d’épisodes chauds et froid notamment mesurés durant le quaternaire serait à l’origine de changements importants du comportement des rivières (Huisink, 2000 ; Vandenberghe, 2003), par la modification du couvert végétal, influençant également la stabilité des sols et le ruissèlement. Les travaux de Huisink (2000) dans la vallée de la Vecht en Hollade, ont permis de mettre en évidence la succession des styles fluviatiles de cette vallée au cours des derniers 40000ans (Figure 4).

Les travaux de Huisink sur l’évolution de la Vecht au cours des derniers 40000 ans ont mis en évidence un comportement fluviatile lié aux variations des températures à haute fréquence, et non aux variations de niveau marin (chute puis remontée régulière sur cette période) et à la tectonique (considérée comme stable sur la même période). Huisink montre que le fleuve a tendance à inciser au début des périodes de refroidissement, ainsi qu’au début des périodes de réchauffement, et est en aggradation pendant les périodes de stabilité froides et chaudes.

Il met en avant que ces changements de styles fluviatiles s’opèrent lorsque des « seuils » sont atteints. Ces seuils sont mal définis et mal contraints, mais il apparait que la couverture végétale est un facteur prépondérant qui dépend directement de la température, et qui influence fortement certains paramètres comme la capacité d’absorption des sols, le ruissèlement et la capacité à fournir des sédiments (érodabilité).

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Outre l’importance de la végétation, Huisink décrit la décharge fluviatile comme étant un autre facteur déterminant à l’origine des variations de styles fluviatiles :

- en régime nival, les crues sont contrôlées par la fonte des neiges, et vont être accentuées par la présence de permafrost, favorisant le ruissèlement ;

- les crues d’été sont caractérisées par une décharge sédimentaire plus importance du fait de l’absence de permafrost, qui va contrôler la capacité des sols à absorber l’eau et le taux d’évapotranspiration.

Tous ces facteurs de contrôle indirects ont une grande influence sur la magnitude des crues, et par conséquent sur le style fluviatile en réponse à ces variations hautes fréquences.

Figure 4:: Compilation des changements de style fluviatiles dans la vallée de la Vecht (Hollande) depuis 40000 ans (Huisink, 2000).

Evolution de la plaine d’inondation

Les dépôts de plaine d’inondation enregistrent également les variations climatiques. La nature des sols provient des processus pédogénétiques qui sont directement contrôlés par le climat. La maturation des sols dépend des transformations chimiques qui s’y produisent, conditionnées par la nature du substrat d’une part (alluvions, abondance des minéraux carbonatés…), par les

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taux de précipitation, par la température, et par la saisonnalité (Retallack, 1990 ; Phillips, 2014 ; Alesandrovskyi, 2007 ; Bockeim et al., 2014).

Les précipitations restent toutefois le principal facteur de contrôle sur la formation des sols, participant au lessivage et à la dissolution des minéraux présents dans le substrat, influant sur la géochimie globale des sols. La cinétique des réactions est cependant dépendante de la température, qui va accélérer ou ralentir les transformations minéralogiques au sein des sols.

La charge sédimentaire

Schumm (1977, 1981) montre l’importance des variations climatiques sur l’érosion des bassins versants, conduisant à une modification de la charge sédimentaire dans les cours d’eau et des processus responsables des modelés des chenaux. Bridge (2003) quant à lui s’oppose à cette théorie du contrôle climatique comme étant l’unique facteur contrôlant la charge des cours d’eau pouvant façonner leur morphologie. Il met en avant que les fluctuations climatiques entrainent essentiellement une variation de la taille des grains, et ce à différentes échelles de temps. Il observe que les variations saisonnières des décharges se traduisent par des variations granulométriques au sein de la charge sédimentaire des cours d’eau, et que les changements de styles fluviatiles aux transitions glaciaires/interglaciaires sont la conséquence d’une augmentation de la fréquence et de l’amplitude des crues, accompagnées aussi par une augmentation de la charge et de la taille du matériel charrié dès l’initiation de la déglaciation. Par conséquent, les chenaux transportent un matériel plus grossier sur des profils de pente élevés impliquant des ceintures de chenaux élargies, et des chenaux préférentiellement interconnectés. En période interglaciaire, les réseaux fluviatiles se réajustent avec la réduction de l’intensité des décharges de crue, de la charge sédimentaire, et de la granulométrie. La taille des chenaux et leur fréquence d’avulsion diminue, et aidés par le renouvellement de la végétation, les corps chenalisés ont tendance à se déconnecter.

D’importants travaux montrent cependant que les principaux paramètres climatiques tels que les températures et les précipitations moyennes ont un effet mineur sur les processus d’érosion et de dépôts dans les rivières (Church, 1983 ; Woo, 1986 ; Vandenvergh, 2003 ; Macklin et al., 2010). D’après ces auteurs, la fréquence et l’intensité des facteurs de contrôles internes tels que les crues, ou la fonte des neiges en milieu froid (Mac Cann et al., 1971), sont les principaux facteurs à l’origine des processus fluviatiles.

Rôle des crues

D’après Macklin et al. (2014), un changement dans la fréquence et l’intensité des crues est aussi un facteur primordial qui détermine la réponse des systèmes fluviatiles aux changements climatiques. Cela implique un changement des régimes de précipitation et de ruissèlement, entrainant une variation abrupte de la charge sédimentaire de ces systèmes (Figure 5). Les systèmes alluviaux peuvent ainsi localement enregistrer l’histoire climatique, et répondre à ces changements en ajustant le taux de sédiments transportés, le caractère morphologique des cours d’eau (sinuosité, dimensions…).

Les crues perturbent les systèmes par leur intensité et leurs durées très courtes, qui ne permettent pas d’ajustement immédiat du système. L’effet des crues est déterminé par le rapport entre la force du phénomène et sa résistance au changement. Cet effet est dépendant de la récurrence des crues, de leur intensité, de la morphologie du système (degré de confinement), du contexte climatique (aridité).

- Plus une rivière est confinée, plus l’effet de la crue sera important, avec une intensité du courant décuplée, permettant de déplacer et de mettre en suspension des particules très

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grossières vers l’aval du système, déplaçant un volume de sédiment très important, et modifiant de façon significative la morphologie et le comportement du cours d’eau.

- Dans un contexte aride, l’effet des crues est également très important, car peu fréquentes, ces crues exceptionnelles ont un pouvoir érosif très important du fait de la faible résistance des marges des chenaux (levées) aux forts courants, en l’absence de végétation permettant de stabiliser le sédiment en favorisant la formation de sols assurant sa cohésion.

Temps de réponse du système au forçage climatique

Il a été montré par Schumm (1977) et Bull (1991), que les systèmes fluviatiles ont besoin de temps pour s’adapter aux changements des paramètres climatiques. Ils mettent en évidence que la durée des oscillations climatiques doit être assez longue pour que le système fluviatile réagisse aux facteurs forçant, et que la durée de la réponse du système est proportionnelle à sa taille. En effet, les systèmes de petite taille se réajustent plus rapidement que les systèmes de grandes tailles, comme le montrent les résultats des modèles numériques conduits par Bogaart et al. (2003).

Le temps de réponse au forçage climatique dépend aussi de l’échelle de temps qui est considérée. Le temps de réponse à des évènements intenses et ponctuels de type crues est impossible à évaluer car le système ne se réajuste pas immédiatement à des évènements ponctuels haute fréquence et haute intensité. Il convient de considérer sur le long terme l’évolution de la récurrence et de l’intensité des crues pour saisir l’effet de ces changements à long terme sur le système fluviatile, et sa faculté à s’équilibrer au cours du temps.

Ces réajustements ont pu être observés par exemple dans la période qui a suivi le dernier maximum glaciaire (-18ka), où le climat a connu une transition rapide entre des conditions glaciaires et des conditions post-glaciaires, influençant les caractéristiques des systèmes fluviatiles (extension des bassins versants, flux d’eau, charge sédimentaire, végétation). Malgré

Figure 5: Compilation des

changements de style

fluviatiles dans la vallée de la Vecht (Hollande) depuis 40000 ans (Huisink, 2000).

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les variations climatiques cycliques haute fréquence, ces systèmes se sont développés au maximum glaciaire dans des conditions d’aridité plus importantes qu’aujourd’hui, avec une couverture végétale très réduite, favorisant le développement des grands systèmes fluviatiles charriant et accumulant des sédiments très grossiers provenant de l’érosion par la glace. Lors de la fonte généralisée des calottes, la réapparition progressive de la couverture végétale à des hautes latitudes (entrainant la formation de sols), la retraite des glaces avec l’apparition de grands lacs proglaciaires piégeant une grande partie du matériel grossier libéré, et l’augmentation du régime de précipitations, a conduit une grande partie des systèmes à évoluer en systèmes très érosifs subissant des crues plus intenses et plus fréquentes jusqu’à l’Holocène (-9ka), ou une période de stabilité relative s’installe, caractérisée par une réduction généralisée de la décharge des rivières situées en zone tempérée Knox, 1995 ; Dury, 1977), modifiant ainsi le mode de transport des particules, et par conséquent le type de système fluviatile.