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Les systèmes complexes dynamiques

3. Epidémiologie, niveau de risque, et football de haut niveau

3.3 Les modèles de risque de blessure dans le football

3.3.2 La blessure est multifactorielle : l’approche holistique

3.3.2.2 Les systèmes complexes dynamiques

Sans le nommer, Meeuwisse (2007) propose un modèle reposant sur un système complexe dynamique. Un système complexe est un système basé sur les interactions des sous-unités le composant. Ces interactions sont à l’origine des comportements du système. Ces comportements vont eux-mêmes, en retour, influencer les sous-unités (Rickles et al., 2007). Si l’on reprend le modèle de Meeuwisse en utilisant cette définition, le mécanisme de la blessure est un système basé sur les interactions de facteurs de risque internes et externes qui provoquent la survenue ou non d’une blessure lors de l’exposition à un évènement potentiellement déclencheur. Cet évènement potentiellement déclencheur et la blessure ou l’absence de blessure qui en résultent, modifient eux-mêmes les facteurs de risque internes ou externes.

Un système complexe répond à plusieurs caractéristiques (Bittencourt et al., 2016) :

- dynamique et récursif : le système n’est pas figé et les comportements résultant du système influencent eux-mêmes le système,

- ouvert : interagit et est influencé par l’environnement,

- non-linéaire : l’augmentation d’un facteur n’augmente pas de façon linéaire le risque de blessure,

- incertain : la présence de facteurs dans le système ne permet pas de prédire la blessure,

Évè nement déclenc heur Facteurs de risque intrinsèques Âge Force Antécédent de blessure Athlète prédisposé

Exposition à des facteurs de risques extrinsèques Athlète susceptible Blessure Évène ments Pas de blessure Participation répétée Adaptations ?

S oi ns / r éc upé ra tio n

Pas de retour à la pratique

- auto-organisé : les interactions entre les facteurs résultent en un comportement propre au système, qui ne peut être prédit par chacun des facteurs pris séparément.

Les différents facteurs internes et externes constituent un réseau, dans lequel ils interagissent de manière inconnue, pour provoquer un comportement. Etant donnée la complexité des interactions entre les différents facteurs, Bittencourt et al. (2016), ont proposé un modèle (figure 18) dans lequel l’identification du niveau de risque ne se fait plus au niveau du réseau de facteurs, mais au niveau du comportement émergent de ce réseau. Le comportement, résultant du réseau de facteurs est alors considéré comme protecteur, ou à risque, et amène, lors de la survenue d’un évènement potentiellement déclencheur, à la blessure, ou à l’adaptation. Ce résultat modifie ensuite le réseau de facteurs (récursivité du système).

L’un des points intéressants du modèle et du schéma proposé par Bittencourt et al. (2016) réside dans la pondération des différents facteurs et des interactions entre les facteurs de risque dans le réseau de facteurs. Chaque facteur est pondéré selon son impact sur l’émergence du comportement, et les interactions entre les facteurs sont pondérées selon leur importance (figure 18).

Figure 18 : Modèle complexe et dynamique de la blessure, d’après Bittencourt et al. (2016).

D’un point de vue méthodologique, la mise en place d’un système complexe nécessite de s’appuyer, non plus sur des relations causales et directes (comme dans le modèle

Blessure ou adaptation

Comportements (protecteur ou à risque)

réductionniste), mais sur des niveaux de probabilité de survenue d’un évènement (Bittencourt et al., 2016). D’autres outils statistiques doivent alors être utilisés, tels que les réseaux de neurones (méthode d’analyse non linéaire), les arbres de régression (création d’un arbre de décisions basé sur les interactions non-linéaires dans le réseau de déterminants), les modèles basés sur l’agent (qui permettent d’identifier des relations complexes entre les différents facteurs du réseau de déterminants), ou les techniques d’apprentissage de la machine. Avec ces techniques, le résultat est analysé en fonction du comportement des différents facteurs, ce qui permet d’identifier le rôle et les interactions des facteurs et de créer un modèle de prédiction, qui sera ensuite auto-évalué, selon la différence entre le comportement prédit et le comportement réel, ce qui permet d’affiner le modèle (Bittencourt et al., 2016).

Ces modèles complexes et dynamiques sont prometteurs. En considérant la blessure, non plus comme le résultat d’une somme de facteurs de risque, mais comme le résultat de l’interaction de différents facteurs (internes et externes), d’un évènement, et des adaptations à cet évènement, ces modèles devraient permettre d’affiner la compréhension des mécanismes qui amènent à la blessure. Ces modèles considèrent l’athlète comme un ensemble, évoluant et interagissant dans un environnement, et non plus comme une somme de facteurs superposés les uns sur les autres. Cependant, bien que les auteurs préconisant l’utilisation de ce type de modèles soient très encourageants, aujourd’hui, à notre connaissance, aucune étude n’a utilisé ce modèle pour créer un modèle de prédiction ou de description du risque de blessure, et les évidences scientifiques concernant l’utilité de ces modèles dans le domaine de la prévention des blessures sont, pour le moment, inexistantes.

3.4 Résumé de la partie

van Mechelen et al. (1992) ont proposé un modèle de prévention des blessures. Ce modèle est basé sur 4 étapes. La première étape consiste à établir l’étendue du problème des blessures. Pour répondre à cette partie du modèle, il est nécessaire, au préalable, de définir la blessure. La FIFA, à partir d’un consensus d’experts, a permis d’harmoniser la définition de la blessure (Fuller et al., 2006) et fourni des recommandations à suivre pour mettre en place des études de surveillance et des études épidémiologiques dans le football. En se basant sur ces recommandations, l’UEFA a mis en place des études avec de larges échantillons de manière à mieux quantifier la survenue des blessures dans le football (Ekstrand et al., 2011a ; Ekstrand et al., 2013). Avec une incidence moyenne de 7,6 blessures pour 1000h de pratique (Ekstrand et al., 2013), le niveau de risque de blessure en football professionnel est élevé et considéré comme inacceptable, selon les seuils d’acceptabilité du risque au travail définis par la direction de la santé et du travail de Grande-Bretagne (Drawer et Fuller, 2002).

La deuxième étape de ce modèle consiste à établir l’étiologie et le mécanisme des blessures. Cette étape présente des objectifs multiples. Le premier objectif est d’identifier le type de blessure et le mécanisme de survenue des blessures subies par les athlètes. Les études épidémiologiques répondent à cet objectif. A partir de ces mécanismes, l’objectif est d’identifier les facteurs de risque potentiels et de les évaluer dans des études de cohorte. Plusieurs types d’études peuvent être mis en place pour évaluer l’association entre un facteur et l’incidence des blessures. Les études de cas témoins rétrospectives et les études de cohorte prospectives, considérées comme plus fiables que les études cas-témoin et dont l’utilisation est recommandée par le consensus d’experts de la FIFA (Fuller et al., 2006) permettent de mesurer le degré d’association entre un facteur et l’incidence des blessures. L’association entre un facteur et l’incidence des blessures ne signifie pas qu’il existe une relation causale entre ce facteur et le risque de blessure. Lorsqu’un facteur est associé à l’incidence des blessures, il faut ensuite, s’assurer que ce facteur soit modifiable pour mettre en place des stratégies préventives concernant ce facteur, et évaluer l’effet de ces stratégies préventives sur l’incidence des blessures à travers des études randomisées contrôlées. La figure 19 reprend donc le modèle proposé par van Mechelen (1992), en précisant pour chaque étape du modèle, les réponses et recommandations apportées par la littérature scientifique. La première étape de ce modèle, qui consiste à établir l’étendue du problème des blessures, nécessite la mise en place d’études de cohorte avec de larges échantillons, respectant les recommandations méthodologiques et la définition de la blessure définies par consensus et proposées par la FIFA (Fuller et al., 2006).

La deuxième étape du modèle, qui consiste à identifier les mécanismes et les causes des blessures, doit permettre d’identifier les stratégies préventives potentiellement efficaces. Lors de cette étape, la quantification du risque, et l’association entre un facteur et l’incidence des blessures doivent être établies. Pour cela, des études de cohorte avec une puissance statistique suffisante, et une méthode statistique adaptée à l’étude, doivent être mises en place. Un facteur associé à la blessure peut ensuite être intégré dans un modèle au sein duquel ses interactions avec les autres facteurs seront étudiées, de manière à mieux comprendre les mécanismes menant à la blessure. Les 3ème et 4ème étapes du modèle consistent à introduire les mesures préventives identifiées comme potentiellement efficaces à partir des facteurs et mécanismes identifiés dans la 2ème étape et à évaluer l’efficacité de ces mesures préventives. Pour cela, des études randomisées contrôlées peuvent être mises en place pour mesurer l’effet de la stratégie par rapport à un groupe contrôle. Il est également possible de mesurer, dans des cohortes de grande taille, l’impact de l’introduction d’une stratégie préventive, comme un changement de règle ou la mise en place de programmes de prévention, sur l’incidence des blessures.

Figure 19 : Les séquences de prévention de la blessure de van Mechelen (1992) et les recommandations concernant chaque étape de ce modèle.

1- Etablir l’étendue et l’ampleur du problème des

blessures dans le football

2- Identifier les mécanismes et les causes des blessures

3- Introduire des mesures préventives 4- Evaluer l’efficacité des

mesures préventives Le niveau de risque est

inacceptable (Drawer et Fuller, 2002 Etudes épidémiologiques, de

cohortes de grandes tailles (Ekstrand et al., 2004 ; 2011a

Waldén et al., 2005b) Définition de la blessure et recommandations méthodologiques (Fuller et al., 2006) Etude cas-témoin

Etude de cohorte méthode statistique Choix de la Modèle

(réductionniste / complexe)

Etudes randomisées contrôlées Etudes de suivi de cohorte