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Chapitre II: Contexte géologique et environnemental du Var

B. Le système turbiditique du Var

1. Evolution depuis le Pléistocène Supérieur

La morphologie du système turbiditique du Var évolue depuis le Pliocène Supérieur (Savoye et al., 1993). Le système chenal-levée a progressivement migré vers l'Est jusqu'à sa position actuelle (Figure II-1). Les deux premiers systèmes identifiés se localisent dans la partie Ouest de la Ride Sédimentaire actuelle. Ils sont pratiquement superposés et se composent d'un chenal principal orienté N-S et d'un chenal secondaire orienté NW-SE (paléo-chenaux C2-3 sur la Figure II-1). Ces chenaux étaient bordés de levées hautes de 150 m maximum (Savoye et al., 1993). Les systèmes suivants sont composés d'un chenal unique qui migre progressivement vers le Nord-Est. L'orientation passe ainsi d'une composante NO-SE (C4 dans la Figure II-1) à O-E (C5-6). Dans son dernier stade avant l'actuel, le système chenal-levée noté C5-6 sert de base pour l'édification de la future chenal-levée hypertrophiée qu'est la Ride Sédimentaire du Var (Savoye et al., 1993).

B. Le système turbiditique du Var

Figure II-1: Carte des principaux paléo-chenaux du système turbiditique du Var, d'après Savoye et al, (1993); Migeon (2000).

2. Morphologie et fonctionnement récent

Le système turbiditique actuel a une superficie totale estimée à 16 320 km² par Migeon (2000).

Figure II-2: Le système turbiditique du Var. (a): Carte de localisation, (b): détail d'une partie du canyon et de la Vallée Supérieure.

D'amont en aval (Figure II-2 et II-3):

- Le plateau continental est quasi-inexistant ou très étroit au large de Nice (2-3 km). La pente continentale est très abrupte, avec des valeurs comprises entre 6° et 15° (Pautot, 1981; Cochonat et al., 1993). Elle est entaillée par des canyons et de nombreux thalwegs. Les

B. Le système turbiditique du Var

canyons les plus importants sont le canyon du Var et du Paillon. Ils confluent à environ 1650m de profondeur d'eau. La couche superficielle de sédiment se compose d'argile hémipélagique sur les éperons (Cochonat et al., 1993; Klaucke et al., 2000).

- Le Canyon du Var est directement connecté à l'embouchure du fleuve Var. Il présente une forme en U, avec une profondeur comprise entre 150 et 500 m et une largeur variable comprise entre 300 et 1250 m (Klaucke et al., 2000). La pente du fond du canyon diminue très rapidement de l'amont vers l'aval de 6 à 2° mais présente localement des pentes de l'ordre de 8,5° (Mulder et al., 1997b). Les flancs du canyon sont très érodés et affectés par des glissements. Le fond du canyon est plat et présente des accumulations de graviers et de galets formant un réseau en tresses jusqu'à l'isobathe 600 m (Mulder et al., 1997b). Progressivement, cette organisation en tresse s'atténue vers l'aval jusqu'à former des rides de galets (Piper et Savoye, 1993). Les galets sont partiellement recouverts de vase. Des terrasses sont observées dans le canyon (Klaucke et al., 2000). Jusqu'à l'isobathe des 1000 m, ces terrasses sont très irrégulières, puis elles deviennent bien marquées. Leur hauteur peut atteindre 50 m par rapport au fond du chenal. Leur surface, bien dessinée, est plane.

- La Vallée Supérieure commence à la confluence entre les canyons du Var et du Paillon, à 1650 m de profondeur d'eau. Elle suit une direction SE sur une longueur de 12 km, jusqu'à l'isobathe 2000 m. La pente diminue entre 1,9° et 1,7° d'amont en aval. La largeur du chenal est comprise entre 2,5 et 4,7 km. Le fond de la vallée montre de nombreuses rides de galets alternant avec des dépôts sableux ou silteux (Piper et Savoye, 1993). Les flancs de la vallée sont très érodés sur les soixante premiers mètres au-dessus du fond, puis les marques d'érosion disparaissent brutalement (Piper et Savoye, 1993), ce qui traduit le passage d'écoulements de forte énergie et peu épais. On observe également des terrasses dans la Vallée Supérieure (Rohais, 2002). Sur le flanc gauche de la vallée, une terrasse peu élevée (maximum 10 m) débute à 1800 m de profondeur et se termine en aval à 1900 m de profondeur 5 (Figure II-2b). Sur le flanc droit, une terrasse se développe de 1700 à 2000 m de profondeur (Figure II-2b). Elle présente un découpage en quatre sous-terrasses. La hauteur de cette terrasse est comprise entre 70 mètres en amont et 20 m en aval (Rohais, 2002).

- La Vallée Moyenne débute en pied de pente continentale et s'étend vers l'Est sur 50 km, jusqu'à un obstacle topographique constitué d'une ligne continue de diapirs de sel, appelé "Mur de Diapirs" (Savoye et al., 1993) (Figure II-2). La Vallée Moyenne s'ouvre largement (entre 6 et 20 km de large) et présente une pente moyenne inférieure à 0,3°. Le passage Vallée Supérieure à Moyenne est marqué par un brutal changement d'orientation, une rupture de pente et une forte ouverture du chenal. La morphologie de la vallée est complexe. Elle est constituée de trois chenaux secondaires séparés par une ride médiane (Piper et Savoye, 1993) (Figure II-3). Des rides de galets sont observées sur le fond du chenal, jusqu'à 2500 m de profondeur. En aval, d'importants dépôts sableux et silteux participent au remplissage de la vallée et peuvent recouvrir les rides de galets (Piper et Savoye, 1993). Les rides de galets restent cependant observables dans des dépressions creusées par des courants érosifs (Rohais, 2002).

La Vallée Moyenne est bordée au Nord par de petites levées discontinues ainsi que par une zone relativement plate située au pied de la pente continentale, au large de Menton et Monaco (Piper et Savoye, 1993). Au Sud, la vallée est bordée par une accumulation sédimentaire appelée Ride Sédimentaire du Var, qui constitue la levée droite hypertrophiée du système turbiditique. Le flanc interne de la ride est abrupt et le flanc externe, plus doux, s'étale en pente faible sur une trentaine de kilomètres (Migeon, 2000). La hauteur de la ride par rapport au fond du chenal décroît de l'Ouest (amont) en Est (aval), et passe d'une hauteur d'environ

350 m en amont à moins de 30 m en aval. Cela joue un rôle sur la granularité des dépôts, plutôt argilo-silteux en amont et silto-sableux en aval (Migeon, 2000).

- La Vallée Inférieure s'étend vers le Sud-Est sur une distance de 100 km, depuis le mur de diapirs jusqu'à la profondeur de 2600 m. Sa pente, toujours très faible diminue jusqu'à 0.06°. La vallée est bordée de petites levées discontinues de 10 à 40 m de haut (Piper et Savoye, 1993). Le fond de la vallée est constitué de dépôts sableux et très épais (Piper et Savoye, 1993).

- Le Lobe Distal s'étend au débouché de la Vallée Inférieure, au pied de la marge corse. Il est long de 80 km et large de 40 km. Il est constitué par l'empilement successif de plusieurs lobes et présente en surface d'épais dépôts sableux (Savoye et al., 1998; Bonnel, 2005).

Figure II-3: bathymétrie 3D du pied de la pente continentale niçoise drapée de l'image EM12 (Unterseh, 1999).

L’alimentation du système turbiditique du Var a fortement varié au cours du temps. On notera en particulier la forte baisse du régime des fleuves à la transition entre le dernier maximum glaciaire et l’Holocène, qui provoque un amoindrissement de la construction du delta du Var. Mais du fait de l’absence de plateau continental au débouché de ce fleuve, une activité gravitaire importante s’est maintenue dans le système turbiditique du Var au cours de

B. Le système turbiditique du Var

l'Holocène. L’étude des dépôts de la partie haute (ouest) de la ride du Var et de la base de la pente continentale a permis de décrire les courants ayant transité dans le système au cours de l’Holocène comme étant peu épais, plutôt sableux et possédant des vitesses relativement élevées (Piper et Savoye, 1993), contrairement à ceux actifs au Pléistocène supérieur, et décrits comme très épais, lents et essentiellement argileux (Piper et Savoye, 1993).

On recense plusieurs types de processus gravitaires actifs actuellement. Piper et Savoye (1993), Savoye et al. (1993), Mulder et al. (1998) ont classé en trois grandes catégories les différents types de processus hydrodynamiques actuels et leurs différentes origines, permettant le transport des sédiments depuis le plateau continental jusqu’à la plaine abyssale : (a)- Des courants de turbidité embrasés (ignitive turbidity currents ; Parker, 1982). Ces courants résultent de la transformation de grands glissements en masse affectant la pente continentale. On citera par exemple le cas de l’important glissement survenu au cours des travaux touchant à l’extension de l’aéroport de Nice, le 16 Octobre 1979. Les renseignements tirés de la rupture de deux câbles de télécommunication et des résultats de modélisations ont

permis d’estimer la vitesse et l’épaisseur de cet écoulement à 10-30 m.s-1 et 20-30 m

respectivement dans le canyon du Var, 5-10 m.s-1 et 100-250 m dans la Vallée Moyenne et

2-3 m.s-1 et < 70 m dans la Vallée Inférieure (Gennesseaux et al., 1971; Gennesseaux et al., 1980; Mulder et al., 1992; Piper et Savoye, 1993; Mulder et al., 1997a). Le dépôt résultant couvre une superficie estimée à 1 500 km².

(b)- Des courants de turbidité de taille réduite et de faible densité générés par des ruptures superficielles affectant les sédiments de haut de pente. Ces ruptures sont liées à la surcharge sédimentaire (Mulder et al., 1996b) et sont généralement enregistrées après les fortes crues du Var. La fréquence de retour de ces courants est de l’ordre de l’année (Mulder et al., 1998). (c)- Des courants hyperpycnaux générés au cours de fortes crues du Var. Ces courants peuvent persister pendant une période de temps plus longue (quelques jours) que les deux premiers types de courants (quelques heures). La fréquence de retour de ce type d’écoulement est estimée entre 2 et 200 ans (Mulder et al., 1998), un courant d’une durée de 24 heures pouvant avoir une fréquence de retour comprise entre 5 et 21 ans (Mulder et al., 2001a; Mulder et al., 2001b).

Les courants (b) et (c) ont une période de retour très courte et sont donc les principaux vecteurs des apports sédimentaires dans le système turbiditique (Mulder et al., 2001b). Cependant, seuls les courants (a) et (c) semblent être à l’origine de dépôts d’épaisseur suffisante pour être préservés à l’échelle des temps géologiques (Migeon et al., 2000).