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Chapitre V: Flux particulaire et taux d'accumulation à l'échelle actuelle, en relation avec le

B- Quantification des flux, dans la colonne d'eau et dans l'archive sédimentaire

Un flux est une quantité par unité de surface et par unité de temps. La quantité de sédiment piégée dans les mouillages est utilisée pour calculer un flux en divisant la masse piégée par la surface d’ouverture du piège et par son temps d’ouverture. De la même manière, les dépôts prélevés par carottage peuvent être exprimés en un taux d’accumulation en masse (TAM) en multipliant la masse sèche déposée par le taux d’accumulation linéaire. Le TAM est un flux et celui-ci peut être comparé aux flux particulaire mesuré. Ces deux valeurs représentent néanmoins des réalités très différentes. Le flux particulaire représente le sédiment qui transite dans le système turbiditique à un instant donné tandis que le TAM représente le sédiment déposé et préservé sur le long terme. Les TAM doivent donc être interprétés avec précaution dans la mesure ou l'archive sédimentaire intègre l'ensemble des processus qui ont affecté le sédiment, depuis son dépôt jusqu'à son enfouissement, en passant par d'éventuelles phases d'altération post-dépôt ou d'érosion. De plus, dans le cas de notre étude, les estimations du TAM dépendent étroitement du pas d'échantillonnage des mesures radioactives. Dans les fourchettes indiquées, la valeur maximale peut être surestimée (voir chapitre III, paragraphe C.6).

1. Le taux d'accumulation en masse (TAM) dans l'archive sédimentaire

Le TAM sur 2 années peut être estimé à partir des carottes sédimentaires sur la terrasse C2. Les carottes MTB-VA-02 et MTB-VA-28 ont été prélevées le 26/09/2005 et le 22/08/2007 respectivement. Le sommet de la séquence S2 dans MTB-VA-02 représente l'interface eau/sédiment au début de la période de mesure. Dans la carotte MTB-VA-28, le sommet de cette séquence se trouve à 2 cm de profondeur. La gamma-densité moyenne de surface sur ce site étant de 1,61 g.cm-3, le flux sédimentaire calculé est donc de 27,5 g.m-2.j-1.

Dans les mouillages, le flux particulaire est mesuré par des pièges à particules situés à 20 m et à 400 m au-dessus du fond. Le flux particulaire moyen à 20 m au dessus du fond sur les 2 années d’enregistrement diminue de façon exponentielle avec l’éloignement de l’embouchure du fleuve (Figure V-9a). Il diminue de moitié environ tous les 9 kilomètres (Figure V-9b). Cette diminution avec la distance à l'embouchure montre la prédominance des apports du fleuve.

Figure V-9: Flux journalier moyen (g.m-2.j-1) pendant 2 ans, mesuré entre septembre 2005 et octobre 2007 par les pièges à particules. La carte (a) présente la répartition des flux dans le système, et le graphique (b) permet de mettre en évidence une décroissance exponentielle des

flux moyens en fonction de la distance à l'embouchure du fleuve.

La détection de courants de turbidité par la mesure des courants sur les mouillages amont VV et VA permet de calculer la quantité de sédiment apportée par ces événements. Les mesures de vitesse montrent que chaque événement dure quelques heures. Cependant les flux particulaires enregistrés après le passage d'un écoulement peuvent rester élevés entre 9 et 27 jours au maximum (i-e 1 à 3 godets) (Fig. IV-6). Ce flux résiduel persistant est interprété comme de la décantation du nuage turbide laissé par le courant lors de son passage. Le flux moyen journalier calculé pour chaque événement tient compte de ce flux résiduel et correspond au poids de sédiment divisé par le nombre maximal de jours pendant lesquels le flux reste élevé.

B- Quantification des flux, dans la colonne d'eau et dans l'archive sédimentaire Date Type d'événement gravitaire nombre de godets nombre de jours max masse

totale (g) Flux particulaire (g.m-2.j-1) 03/12/2005 courant hyperpycnal VV : 1 VA : 1 VV : 9 VA : 9 VV : 54,9 VA : 3,5 VV : 122 VA : 7,8 16/09/2006 bouffée turbide VV : 1 VV : 9 VV : 13,8 VV : 31 25/09/2006 courant hyperpycnal VV : 3 VA : 2 VV : 27 VA : 18 VV : 537,6 VA : 61 VV : 398 VA : 68 07/12/2006 courant hyperpycnal VV : 1 VA : ? VV : 9 VA : ? VV : 31,6 VA : ? VV : 70 VA : ? 09/12/2006 courant hyperpycnal VV : 2 VA : ? VV : 18 VA : ? VV : 300,5 VA : ? VV : 334 VA : ? 24/03/2007 bouffée turbide VA : 2 VA : 18 VA : 42,2 VA : 47 11/05/2007 courant hyperpycnal VV : 1 VA : 1 VV : 9 VA : 9 VV : 44 VA : 4,7 VV : 98 VA : 11

Bilan pendant les événements VV : 81

VA : 54

VV : 982,4 VA : 11,5

VV : 243 VA : 41,3

Bilan en dehors des événements VV : 601

VA : 567

VV : 191,5 VA : 19,9

VV : 6,4 VA : 0,7 Moyenne sur la période de mesure VV : 682

VA : 621

VV : 1174 VA : 131.3

VV : 34 VA : 4,2

Tableau V-3: Tableau récapitulatif des courants de turbidité et des flux qu'ils génèrent aux stations VV et VA. Le flux particulaire moyen de l'ensemble des courants de turbidité est à

mettre en comparaison avec le flux moyen annuel en dehors de ces courants. Les points d'interrogation indiquent que la donnée n'existe pas (le mouillage n'était pas à l'eau à ce

moment là).

Le tableau V-3, qui détaille le flux moyen journalier généré par chacun des courants de turbidité (voir chapitre IV) et le flux moyen entre ces événements, permet de mettre en évidence que le flux particulaire total résulte surtout du passage des courants de turbidité. Ainsi, les courants de turbidité ont apporté 83% des particules déposées en 2 ans dans le piège de la station VV et 85% dans la station VA alors qu'ils ne représentent que 11% du temps.

3. Comparaison des flux sédimentaires avec des modèles de sédimentation hémipélagique

Les flux particulaires moyens actuels décroissent de manière exponentielle avec la distance à l'embouchure (Figure V-9). La contribution du fleuve semble donc jouer un rôle important dans les flux sédimentaires actuels mesurés dans le système. Pour estimer l'importance de l'apport du fleuve dans la sédimentation du système, les flux particulaires mesurés dans les pièges à particules ont été comparés au flux de sédimentation estimé par Mulder et al. (1997b) à partir d'un modèle de sédimentation unidirectionnel (Syvitski et Lewis, 1992; Syvitski et al., 1998) et d'un modèle de sédimentation hémipélagique à partir d'un panache semi-circulaire (Mulder, 1997b):

- Pour le modèle de sédimentation hémipélagique, dans lequel le taux de sédimentation décroît en fonction du carré de la distance à l'embouchure, les hypothèses de sédimentation à

10 km posées sont de 1 et 0,1 mm.an-1 (respectivement les courbe (a) et (b) sur la Figure V-10).

- Le modèle unidirectionnel tient quant à lui compte de nombreuses hypothèses sur des paramètres parfois non quantifiables sans mesures directes. Parmi ces paramètres, on pourra faire varier entre autres l'apport solide total annuel (noté "asta" sur la Figure V-10), la hauteur d'eau du fleuve (H0), le taux d'extraction du premier ordre par classe granulométrique donnée, exprimée en temps-1 et dont la valeur moyenne utilisée est de λ = 6,8 j-1 (courbes (c), (d), (e) et (f) sur la Figure V-10).

Les modèles présentent des incertitudes mais les différents résultats qu'ils fournissent donnent une fourchette du flux de particules en provenance du fleuve en fonction de la distance à l'embouchure (Mulder et al., 1997b). En d'autres termes, ils représentent la quantité de sédiment terrigène qui devrait se déposer par décantation à partir d'un panache turbide, en l'absence de courants de turbidité et de courants de fonds.

Figure V-10: Flux sédimentaire journalier moyen en fonction de la distance à l'embouchure. Les courbes (a) et (b) sont le résultat du modèle de sédimentation hémipélagique dans lequel le taux de sédimentation (Z) décroît en fonction du carré de la distance à l'embouchure. Les

courbes (c), (d), (e) et (f) sont les résultats du modèle de (Syvitski et Lewis, 1992) avec λ = 6,8 j-1 et dans lequel on fait varier la hauteur d'eau du fleuve (H0) et l'apport solide total annuel (asta), modifié d'après (Mulder et al., 1997b) et (Mulder et al., 1998). Les points noirs

présentent les flux sédimentaires journaliers moyens, mesurés pendant 2 ans aux stations de mouillages. Les points gris présentent le flux sédimentaire journalier moyen mesuré pendant le passage de l'ensemble des courants de turbidité dans les stations de mouillages VV et VA. Les points blancs présentent le flux sédimentaire journalier moyen en dehors de ces courants. Le flux moyen journalier mesuré (points noirs, Figure V-10) pendant les deux ans est dans la fourchette du flux estimé à partir des modèles en VV. Aux autres stations, en aval, le flux moyen mesuré est largement supérieur. Cela traduit un apport de particules par d'autres mécanismes que de la simple décantation du panache du fleuve.

En VV et VA, la présence de courants de turbidité explique la quantité de sédiment apporté. Si l'on reporte le flux particulaire mesuré en dehors des courants de turbidité (points blancs)

B- Quantification des flux, dans la colonne d'eau et dans l'archive sédimentaire

sur la Figure V-10, on voit que le flux particulaire mesuré est conforme aux estimations du flux hémipélagique. Par contre, le flux particulaire pendant les courants de turbidité (points gris) est largement supérieur aux estimations les plus optimistes des modèles. Cela signifie que sur les stations VV et VA, le flux sédimentaire moyen résulte des apports hémipélagiques de sédiments en provenance du fleuve et du transport de sédiments par les courants de turbidité.

En VB, VC et VD, l'apport du fleuve est théoriquement nul (Figure V-10). En principe, les flux sédimentaires enregistrés par les pièges ne peuvent donc pas résulter de la décantation du panache de surface du fleuve. L'influence du panache ne peut cependant pas être totalement écartée dans la mesure où le flux particulaire moyen diminue avec la distance à l'embouchure. Aucun courant de turbidité n'a été enregistré sur ces sites pendant la période de mesure. Le flux moyen mesuré ne peut donc pas résulter d'un apport de sédiment par ces courants. D'après l'étude de la composition des particules, on sait que sur ces stations, le sédiment est en moyenne composé de 56% de particules biogènes (maximum 80%). Le flux particulaire mesuré ne peut donc pas non plus résulter uniquement d'un flux pélagique. Le graphique IV-7 met en évidence une forte corrélation entre vitesse de courant et flux particulaire. Or, aux stations, les augmentations de vitesse de courant ont été reliées à l'augmentation de l'activité du Courant Nord, on en déduit donc que les flux particulaires mesurés pendant deux ans aux stations du large résultent en majorité des remises en suspension causées par les courants de fond, combinées à du flux pélagique.

Pour résumer, les flux sédimentaires mesurés dans le système sont la résultante de processus hémipélagiques, comprenant la décantation de particules biogènes sur l'ensemble du système et de particules terrigènes en provenance du fleuve pour les zones proches de l'embouchure du fleuve (stations VV et VA), mais aussi de processus turbiditiques, et des processus de remises en suspension par les courants de fond. Grâce aux stations ayant enregistré le passage de courants de turbidité, on sait que, sur la période de 2 ans, l'apport de sédiment par les processus gravitaires représente plus de 80% du flux particulaire moyen. Ainsi, dans le chenal de la Vallée Supérieure par exemple, le flux particulaire moyen lié au passage des courants de turbidité est de 41,3 g.m-2.j-1, contre 0,7 g.m-2.j-1entre ces événements. Sur la terrasse C2, le TAM est de 27,5 g.m-2.j-1.