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Le système français de gestion des risques liés aux inondations

L’action publique face au risque social

2.3 Décisions publiques ou collectives ? L’exemple des inon dations

2.3.1 Le système français de gestion des risques liés aux inondations

La législation relative aux risques de catastrophe naturelle est la première, en France, à avoir été explicitement construite autour de notions de prévention et de partage d’un risque social.

Le Préambule de la Constitution de 1946 proclamait le principe de « solidarité de tous les

10. Il convient de noter ici que l’essentiel des risques sociaux décrits dans le chapitre précédent sont soumis à cette dernière forme d’incertitude.

Français devant les charges qui résultent des calamités nationales ». En expression de cette soli- darité, la loi du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles instaura la prise en charge par la collectivité des « dommages matériels directs ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel » (article 1)11. Elle introduisit par ailleurs la

notion de risque à travers les plans d’exposition aux risques : « L’État élabore et met en applica- tion des plans d’exposition aux risques naturels prévisibles, qui déterminent notamment les zones exposées et les techniques de prévention à y mettre en œuvre tant par les propriétaires que par les collectivités ou les établissements publics » (article 5).

Par la suite, le décret du 3 mai 1984 visa à renforcer la prévention en établissant des modalités précises de prise en compte des risques naturels12

. En demandant qu’une zone rouge soit déterminée partout où le risque était « particulièrement redoutable », elle chercha à obtenir que toutes les zones présentant des dangers directs pour la vie humaine soient systématiquement localisées. Le décret y imposa des mesures conservatoires en dehors de toute considération de coût et d’avantage. Dans la zone bleue, où le risque devait être significatif sans porter sur la vie humaine, les mesures de prévention devaient être économiquement proportionnées. Le décret fut par la suite remplacé par celui du 15 mars 1993 qui en reprit les grands principes13

.

La loi du 2 février 1995 tenta de poser les bases d’une politique plus ambitieuse de prévention des risques, comme contrepartie du mécanisme public d’indemnisation des dommages, en créant les plans de prévention des risques (PPR) et le fonds pour la prévention des risques naturels majeurs14

. Elle fut prolongée et approfondie par la loi du 30 juillet 2003, qui créa de nouvelles obligations d’in- formation sur le risque et réforma les PPR15

. La logique des lois de 1995 et de 2003 était de faire des PPR le fruit d’une élaboration commune entre l’État et les collectivités territoriales, sur la base d’une caractérisation de l’aléa local par les services du premier. Au travers de ces Plans, l’État espérait avoir un meilleur contrôle des efforts de prévention consentis par les communes et les particuliers. Lors de leur élaboration, son représentant définit les contraintes portant sur toute construction nouvelle, demande les aménagements nécessaires sur le bâti existant et impose des me- sures de protection ou de sauvegarde. Les dispositions du Plan sont annexées au Plan d’occupation des sols de la commune, peuvent être imposées à toute personne publique ou privée au terme d’un délai de cinq ans.

Enfin, l’Union européenne adopta en 2007 la directive 2007/60/CE, qui concernait les inonda-

11. Loi du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, Journal officiel du 14 juillet 1982, pp.2242-3

12. Décret n° 84-328 du 3 mai 1984 relatif à l’élaboration des plans d’exposition aux risques naturels prévisibles, Journal officiel du 6 mai 1984, p. 1338

13. Décret n° 93-351 du 15 mars 1993 relatif aux plans d’exposition aux risques naturels prévisibles, Journal officiel du 17 mars 1993, p. 4145

14. Loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, Journal officiel du 3 février 1995

15. Loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, Journal officiel du 31 juillet 2003

tions de tous types pouvant survenir dans les pays membres16. La directive instaura l’obligation

pour les États-membres de procéder à une évaluation préliminaire des risques d’inondation, d’en établir une cartographie, et d’engager des mesures corrélatives de gestion du risque. L’évaluation du risque devait être fondée sur des relevés historiques et sur l’étude des évolutions à long terme, « en particulier l’incidence des changements climatiques sur la survenance des inondations », et com- prendre au moins des cartes des districts hydrographiques, une description des inondations passées ayant eu un impact significatif, et éventuellement une évaluation des impacts potentiels d’inonda- tions futures permettant de prendre en compte les conditions dans lesquelles celles-ci surviendraient (occupations des sols, mesures de protection existantes, etc.). La gestion des risques devait mettre en évidence des objectifs de réduction de la probabilité de survenue d’une inondation et/ou de ses conséquences potentielles, ainsi qu’un ensemble de mesures de prévention, de protection ou de préparation permettant d’atteindre ces objectifs. La directive fut transposée dans le droit français par l’intermédiaire de la loi du 12 juillet 201017 et du décret du 2 mars 201118, qui renforcèrent

l’évolution vers une gestion des risques d’inondation par bassin.

Ces grandes étapes législatives furent accompagnées par la réalisation de dizaines de rapports d’expertise, d’enquête et de retour d’expérience et de l’élaboration de milliers de PPR dont la grande majorité était relative aux risques d’inondation. Il faudrait certes également évaluer les ressources engagées par l’État dans ce domaine mais, à première vue, il ne semble pas déraisonnable d’estimer qu’un effort important a été consenti afin de mieux prévenir les risques d’inondation.