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Préliminaires : risques et sûreté dans une centrale nu cléaire

L’analyse de la sûreté des centrales nucléaires

3.2 Préliminaires : risques et sûreté dans une centrale nu cléaire

3.2.1

Description sommaire d’une centrale de type REP

L’électricité produite par un réacteur nucléaire provient de la chaleur dégagée dans son cœur par la fission d’atomes d’uranium ou de plutonium. Le combustible (dioxide d’uranium UO2ou de

plutonium P uO2) est disposé dans le réacteur sous forme de pastilles formant des crayons, entourés

de gaines qui sont constituées d’un alliage de métaux résistant à la corrosion, tel que le zirconium. La fission est causée par la collision entre un neutron et un noyau d’uranium ou de plutonium. Il en résulte une libération d’énergie, l’émission de deux ou trois neutrons et la production de deux fractions de noyau. La maîtrise de ces trois produits de la fission constitue le fondement de la sûreté des centrales nucléaires.

3.2.1.1 Le refroidissement du cœur

La chaleur est extraite par un fluide primaire* qui circule dans le cœur et à l’intérieur d’un circuit fermé (voir le schéma de la figure 3.2.1). Il s’agit, dans le cas des réacteurs en fonctionnement en France, d’eau que l’on maintient sous pression afin qu’elle puisse atteindre une température de 285°, qui assure un rendement suffisant. Le circuit primaire est constitué de la cuve qui contient le combustible, d’un pressuriseur et d’une ou plusieurs boucles, équipées d’une pompe afin de faire circuler le fluide. Chaque boucle est reliée à un générateur de vapeur. Le fluide, dont la température approche 300° au contact des gaines, échange sa chaleur à l’intérieur de ces générateurs avec l’eau d’un circuit séparé. C’est cette eau secondaire qui, en se vaporisant, alimente une turbine et un alternateur, et produit l’électricité. Après son passage dans la turbine, la vapeur est condensée dans un échangeur à tubes horizontaux, que l’on place sous vide pour en améliorer le rendement thermodynamique. L’échangeur fonctionne lui-même grâce à un circuit de refroidissement tertiaire. À sa sortie de l’échangeur, l’eau du secondaire est reconduite vers les générateurs de vapeur. 3.2.1.2 Le contrôle de la réaction en chaîne

Les neutrons émis lors de la fission entretiennent la réaction en chaîne. Afin de réduire la fréquence des opérations de renouvellement, on dépose dans le cœur une quantité de combustible largement supérieure au seuil (dit masse critique) nécessaire à l’entretien d’un niveau constant de réaction. Les neutrons sont donc régulés de façon à ce qu’à puissance constante, un seul neutron émis par chaque noyau cassé aille à son tour frapper un nouveau noyau. Des barres de commande introduits dans le cœur du réacteur et le bore présent dans l’eau primaire permettent de capter ou de ralentir les neutrons surnuméraires.

Figure3.2.1 – Schéma d’une centrale nucléaire de type REP

Légende : (1) Bâtiment du réacteur ; (2) Tour réfrigeante ; (3) Cuve ; (4) Grappes de commande ; (5) Pres- suriseur ; (6) Générateur de vapeur ; (7) Cœur du réacteur ; (8) Turbine ; (9) Alternateur ; (10) Transfor- mateur ; (11) Condensateur ; (12) Vapeur ; (13) Fluide ; (14) Air ; (15) Air humide ; (16) Fleuve ou mer ; (17) Appoint ; (18) Circuit primaire ; (19) Circuit secondaire ; (20) Circuit tertiaire ; (21) Pompe.

3.2.1.3 Le confinement des produits radioactifs

Les fractions de noyau, que l’on appelle produits de fission, sont des éléments radioactifs artifi- ciels. Il s’agit d’atomes instables, possédant un nombre de protons et de neutrons très variable, et dont la durée de demi-vie peut aller de quelques secondes à des millions d’années. Les produits de fission, qui constituent l’essentiel des déchets nucléaires, doivent être constamment confinés pour empêcher la dispersion de radioactivité. Un premier niveau de confinement est assuré par le gai- nage du combustible ; d’autres sont prévus dans la conception de la centrale. Au fur et à mesure de l’usage du combustible, la masse de produits de fission radioactifs présente dans le cœur aug- mente, dégageant une chaleur qu’il faut continuer à évacuer même lorsque le réacteur est arrêté. Les éléments de combustible usés sont ensuite retirés du cœur et entreposés dans une piscine de désactivation, où l’on attend qu’ils perdent une partie de leur radioactivité.

La description sommaire à laquelle nous venons de procéder suffit à mettre en lumière les trois sources fondamentales de risque dans une centrale nucléaire de type REP : le refroidissement insuffisant du combustible, qui conduirait à la fusion du cœur du réacteur ; la perte de contrôle sur la réaction en chaîne, qui peut conduire à une augmentation exponentielle de la puissance et à un accident de criticité*, dont la cinétique dépasse les capacités de réaction de l’homme ; enfin une défaillance du confinement des produits radioactifs. En outre, l’ensemble des circuits d’eau et de vapeur d’une centrale se caractérise par des différences de température et de pression considérables, qui sont également source de dangers.

Les centrales nucléaires renferment des radionucléides dans leur enceinte et en relâchent réguliè- rement à l’extérieur (dans l’air, dans des cours d’eau ou dans la mer) dans des conditions normales

de fonctionnement dans des quantités infinitésimales. En cas d’accident, ces relâchements peuvent devenir incontrôlés et d’ampleur beaucoup plus importante. Les risques liés à l’activité des centrales nucléaires sont donc liés d’une part à l’exposition du personnel, de la population extérieure ou de l’environnement de la centrale aux radiations et aux rejets chimiques dans des conditions normales de fonctionnement, de l’autre à la survenue d’accidents.

3.2.2

La sûreté nucléaire et son rapport avec le risque

L’Agence Internationale de l’Énergie Atomique définit la sûreté comme :

« [l’]obtention de conditions d’exploitation correctes, [la] prévention des accidents ou [l’]atténuation de leurs conséquences, avec pour résultat la protection des travailleurs, du public et de l’environnement contre des risques radiologiques indus » (AIEA, 2007). En se référant à l’absence de risques radiologiques indus, cette définition implique d’une part que ces risques doivent être analysés de façon suffisamment précise et, de l’autre, qu’ils doivent être contrôlés et, le cas échéant, réduits. La sûreté a ainsi trait à la fois à l’évaluation et à la gestion des risques radiologiques.

Par ailleurs, telle que décrite ici, la notion repose sur un ensemble d’appréciations normatives concernant les conditions d’exploitation normales, le degré de prévention des accidents et celui d’at- ténuation de leurs conséquences et, en fin de course, l’ampleur des risques imposés aux travailleurs, à la population et à l’environnement. Ces appréciations ne sont pas librement établies par les ac- teurs en charge de la conception ou l’exploitation des centrales, comme le dit la même agence dans un document destiné à fournir des éléments de « bonne pratique » en la matière4

:

« Il faut procéder à une analyse de sûreté de la conception de la centrale en appliquant à la fois des méthodes déterministes et des méthodes probabilistes. À partir de cette analyse, il faut établir et confirmer la base de conception des constituants importants pour la sûreté. Il faut aussi démontrer que la centrale telle que conçue est capable de satisfaire à l’une quelconque des limites prescrites pour les rejets radioactifs et des limites acceptables concernant les doses potentielles de rayonnements pour chaque catégorie d’états de la centrale, et qu’une défense en profondeur a été assurée » (AIEA, 2005).

Il s’agit donc, pour les concepteurs et les exploitants, de mettre en œuvre une méthodologie d’en- semble, à partir de raisonnements pour partie déterministes et pour partie probabilistes, afin de montrer5 que des normes fixées par ailleurs sont respectées : des limites de rejets et d’exposition

aux rayonnements dans certains états donnés de la centrale, ainsi que les conditions constitutives

4. Il s’agit ici spécifiquement de sûreté de la conception des centrales. Des principes généraux s’appliquent de la même façon à l’exploitation, aux modifications, à l’arrêt et au démantèlement des installations.

5. L’Agence emploie le verbe démontrer, qui fait effectivement partie de la terminologie usuelle du secteur. Nous reviendrons sur ce choix sémantique en conclusion du chapitre suivant.

d’une défense en profondeur*. C’est à des autorités extérieures, en l’occurrence celles en charge de la réglementation de la sûreté, qu’il revient de s’assurer de la suffisance de ce dispositif pour protéger les travailleurs, le public et l’environnement contre des « risques indus » et d’envisager, si nécessaire, des actions correctrices.

Nous nous concentrerons dans la suite de ce chapitre sur la première de ces deux questions, celle des moyens mis en œuvre pour analyser les risques induits par les installations nucléaires et montrer que certaines exigences techniques sont satisfaites. Ce faisant, nous serons amenés à évoquer la façon dont ces exigences sont elles-mêmes déterminées. Cependant, nous remettrons pour l’essentiel la discussion de la seconde partie de la définition, celui du choix des critères de sûreté et de leur lien avec un niveau de protection de la société, au chapitre suivant.