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Le régime d’asile européen commun (RAEC) s’est créé progressivement autour de trois piliers : la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection ; le rapprochement des législations par l’adoption de normes minimales et la mise en place d’une instance de soutien technique, l’Agence européenne de l’asile (EASO) pour renforcer et coordonner la coopération opérationnelle entre États membres.

L’expression « régime commun » est à cet égard trompeuse car il s’agit en fait d’un régime harmonisé et, en principe, fondé sur la coopération des institutions. Mais il n’existe pas de reconnaissance mutuelle des décisions d’asile, chaque État devant se prononcer sur les demandes recevables qu’il enregistre, quel que soit le sens des décisions éventuellement déjà rendues pour un même demandeur dans un autre pays.

1 - Des taux de reconnaissance du statut de « réfugié » différents au sein de l’UE

En 2017, le taux de protection en première instance était de 46 % en moyenne dans l’UE. La France présentait l’un des plus faibles (29 %) avec la République tchèque (12 %), alors qu’il était de 50 % en Allemagne.

L’octroi du statut de protection en première instance varie fortement selon la nationalité du demandeur. En 2017, en moyenne au sein de l’UE, le taux de reconnaissance était de 94 % pour les Syriens et de 92 % pour les Erythréens. Il était moins élevé pour les Irakiens (56 %) et les Afghans (46 %), et faible pour les Albanais (5 %), les Kosovars (9 %) et les Arméniens (10 %). En ce qui concerne les personnes originaires d’Afghanistan, on constate un écart croissant entre les taux d’admission observés en Allemagne et en France16. Ces taux, respectivement de 45,8 % et 59,9 % en 2014, atteignaient 22,6 % et 73,7 % en 2017.

Il n’existe pas d’étude scientifique ou administrative susceptible d’expliquer cet écart, souvent commenté alors que ses raisons ne sont pas connues. Une des raisons alléguées tiendrait à la plus ou moins grande sensibilité des autorités de décision vis-à-vis d’orientations gouvernementales. Techniquement, au regard de la convention de Genève, cela impliquerait que certains offices auraient adopté une approche plus flexible de la notion de zone de secours intérieure (« l’asile interne17 »), ce qui justifierait notamment dans ces pays un taux de rejet plus élevé des demandeurs d’asile afghans.

Bien que ces différences de pratique débouchent sur des enjeux très tangibles, avec une incitation implicite faite aux demandeurs de tenter leur chance dans plusieurs pays, l’institution d’une procédure de reconnaissance mutuelle automatique des décisions de rejet ou de protection au sein de l’Union européenne apparaît lointaine. Outre que, dans le cas de la France, sa tradition constitutionnelle s’y oppose (chaque demande recevable devant être examinée au fond), il n’existe en Europe aucun consensus pour réformer le régime de l’asile dans ce sens.

16 Les autorités allemandes considèrent que les demandeurs afghans peuvent trouver refuge dans d’autres régions en Afghanistan (principe dit de l’« asile interne »), ce que juridiquement la France n’applique pas suivant la jurisprudence du Conseil d’État.

17 Article L. 713-3 du Ceseda : « Peut être rejetée la demande d'asile d'une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine si cette personne n'a aucune raison de craindre d'y être persécutée ou d'y être exposée à une atteinte grave, si elle peut, légalement et en toute sécurité, se rendre vers cette partie du territoire et si l'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elle s'y établisse.

Il est tenu compte des conditions générales prévalant dans cette partie du territoire, de la situation personnelle du demandeur ainsi que de l'auteur de la persécution au

2 - L’embolie causée par la procédure « Dublin III » Le système dit de Dublin III fait peser sur les États de premier accueil la charge du premier enregistrement et de la gestion des demandes d’asile, bien que plusieurs de ces États situés aux frontières extérieures de l’Union (Grèce, Chypre, Malte) ne disposent pas des ressources administratives et des capacités d’accueil nécessaires. En ont résulté des phénomènes de « laissez-passer », qui ont nourri les mouvements secondaires intra-européens de demandeurs d’asile pourtant contraires aux principes directeurs du régime européen. Le règlement Dublin III encourage de fait ces stratégies dans la mesure où il autorise les demandeurs d’asile enregistrés dans le pays de premier accueil à déposer une demande dans un pays de deuxième accueil au terme d’un séjour de six mois (ou de 18 mois si la personne a été déclarée en fuite par les services préfectoraux), en l’absence de réadmission dans le pays de premier accueil à la demande du pays de deuxième accueil.

Les demandes relevant de la procédure Dublin, c’est-à-dire de la compétence d’un autre État-membre, ont atteint le nombre de 36 900 en 2019 (soit 24 % du total des demandes).

Or, en 2018, 12 % seulement des « transferts Dublin » ont pu être exécutés en direction des États membres compétents. Ce taux a toutefois progressé en 2019 après la création des onze pôles régionaux « Dublin » généralisés en 2018 après une phase expérimentale. Cette nouvelle organisation expliquerait l’augmentation du taux de transfert, passé à 16,3 % sur les cinq premiers mois de 2019, avec un objectif de 25 % en fin d’année.

La difficile harmonisation des dispositifs d’asile au sein de l’Union européenne

La Commission européenne a élaboré sept propositions législatives pour améliorer le régime européen, dont la négociation entre les États-membres apparaît aujourd’hui au point mort :

- réformer la procédure Dublin : mieux répartir les demandes d'asile entre États membres et garantir un traitement rapide des demandes. La proposition législative de la Commission permettrait de mieux déterminer l’État membre responsable ; de garantir un partage plus équitable des responsabilités entre États membres par le biais d’un mécanisme d'attribution correcteur ; de décourager les abus et empêcher les mouvements secondaires au sein de l'UE ;

- renforcer Eurodac : améliorer la base de données européenne des empreintes digitales des demandeurs d'asile ;

- établir une agence de l'Union européenne pour l'asile ;

- remplacer la directive sur la procédure d'asile par un règlement afin d’harmoniser les procédures et de réduire les différences de taux de reconnaissance entre États membres ;

- remplacer par un règlement la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d'asile, pour que les normes de protection et les droits des demandeurs d'asile soient identiques ;

- réformer la directive relative aux conditions d'accueil pour que les demandeurs d'asile bénéficient de normes d'accueil décentes et harmonisées ;

- créer un cadre permanent de l'UE pour la réinstallation.

B - La question des délais d’instruction