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A - L’allocation pour demandeurs d’asile (Ada) : un revenu de subsistance géré avec une rigueur

croissante

1 - La conception et le pilotage de l’Ada

Pour garantir à chaque demandeur d’asile « un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables dans tous les États membres », la directive 2013/33/UE ne prescrit pas explicitement la mise en place d’une allocation financière puisqu’elle autorise l’attribution de prestations en nature et laisse aux États-membres une large latitude pour ce qui concerne l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail. En transposant la directive en France, le Gouvernement et le législateur ont fait le choix de conserver le principe d’une allocation financière sans accès au travail, du moins avant six mois de présence, instituant, par la loi du 29 juillet 2015, l’allocation pour demandeur d’asile (Ada) à la place des anciennes allocations mensuelles de subsistance (AMS) et allocation temporaire d’attente (Ata).

Tableau n° 15 : barème journalier de l’ADA

ADA de base ADA+majoration Source : Textes règlementaires fixant les barèmes des allocations

Après un parcours chaotique marqué par deux annulations contentieuses, le décret n° 2018-426 du 31 mai 2018 a fixé le montant de la majoration destiné aux personnes ne pouvant être hébergées à 7,40 € par jour. Les éléments ayant conduit à la détermination de ce montant tiennent davantage à un souci d’équité au regard des montants mensuels des aides personnelles au logement de droit commun (APL) et à une préoccupation budgétaire qu’à un calcul fondé sur le prix d’une location sur le marché privé.

La dépense liée à l’Ada, prise en charge par l’État via l’Ofii, a connu une forte croissance sur les trois derniers exercices et a exigé chaque année un abondement des crédits initialement programmés en loi de finances.

Cette croissance est liée à celle du nombre de bénéficiaires davantage qu’à celle des montants moyens attribués, qui apparaissent relativement stables depuis 2018, autour de 385 € mensuels par foyer et 270 € par personne.

Tableau n° 16 : budgétisation et dépense de l’État au titre de l’Ada

En M€ 2015 2016 2017 2018 2019

LFI 148,76 220,00 317,70 335,83

Dépense État 81,00 346,15 526,19 434,10 511,70 Source : DGEF et comptes financiers de l’Ofii

La progression de la dépense liée à l’Ada était anticipée dans son principe dès 2015. C’est l’une des raisons pour lesquelles, dès l’origine, les choix de gestion de l’Ada ont été inspirés par la recherche d’économies.

Lorsque la règlementation laisse au service instructeur la responsabilité d’ouvrir ou non les droits à l’Ada, c’est l’option la plus rigoureuse qui est appliquée. Par exemple, l’article L. 744-8 du Ceseda dispose que le bénéfice des CMA peut être refusé dans les cas de réexamen de la demande d’asile : dès le début de la mise en œuvre de l’Ada, la solution arrêtée a été le refus des CMA, bien que l’Ofii ait alerté le ministère sur la fragilité juridique de décisions de rejet fondées sur des critères que le Ceseda ne mentionne pas. Il en est allé de même avec le non-enregistrement des demandeurs d’asile présentant des empreintes digitales altérées, phénomène signalé dès le début de l’année 2016 par l’Ofii.

L’Ofii et la DGEF ont élaboré plusieurs plans qui ont continûment sécurisé les conditions d’attribution, de liquidation et surtout de contrôle de l’Ada. Le différentiel entre la dynamique de la demande d’asile et celle de la dépense liée à l’Ada est mis en avant par l’Ofii pour attester l’efficacité de ces différents plans de contrôle et d’économie : en 2017 et en 2018, le nombre de ménages et de personnes bénéficiaires de l’Ada a crû moins vite que le nombre de demandes d’asile.

Pour 2019, trois nouvelles mesures restrictives se sont ajoutées à la panoplie déjà déployée : la coupure des CMA dès la lecture de la décision en audience de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ; l’interruption des CMA sans attendre le dénouement des échanges contradictoires ; l’impact de la création des pôles régionaux Dublin (PRD) et notamment le signalement automatique à l’Ofii via le SI Asile des personnes en fuite par les préfectures. Ces mesures doivent contribuer à un objectif d’économies pour 2019 de 25,9 M€.

En bout de chaîne, le montant des indus détectés apparaît modeste rapporté au nombre de dossiers (avec seulement 1,88 % des dossiers) et à la dépense totale (avec une hypothèse haute de 6 à 7 M€). Environ 82 % des indus détectés procèdent de retards dans la notification à l’Ofii des décisions de l’Ofpra ou de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), c’est-à-dire que l’existence d’une décision est découverte par l’Ofii après le délai tampon qui prévoit que le versement de l’Ada prend fin « au terme du mois au cours duquel » intervient la décision définitive ou l’expiration du délai de recours.

Quelle que soit la qualité des démarches et des outils de contrôle déployés par l’Ofii et alors que la gestion de l’Ada apparaît déjà comme très rigoureuse, ces montants sont loin de correspondre à celui de l’impasse déjà identifiée et chiffrée pour 2019, puisque la dépense finale s’est élevée à 511,7 M€, soit 176 M€ de plus que le montant inscrit en loi de finances initiale. La sous-budgétisation de l’ADA, déjà signalée par la Cour à plusieurs reprises, pose un enjeu de sincérité vis-à-vis des prévisions en matière d’asile.

2 - La gestion opérationnelle de l’Ada

Pour ce qui concerne les paiements aux bénéficiaires, l’article D. 744-41 du Ceseda n’autorise en principe que deux modalités : le virement sur compte bancaire ou la mise à disposition d’une carte de retrait.

Une expérimentation menée en Guyane au premier semestre 2019, et destinée à réduire les flux d’argent liquide entre le département et Haïti, a consisté à remplacer la carte de retrait par une carte de paiement valable sur l’ensemble du territoire excluant retraits d’argent ou paiements en ligne. Cette solution a été généralisée sur l’ensemble du territoire à compter du 5 novembre 2019 : eu égard au caractère contraignant que représente ce mode d’attribution pour les bénéficiaires, sa généralisation devra rapidement faire l’objet d’une évaluation de ses avantages et inconvénients.

La suspension et la suppression des droits sont de la responsabilité de l’Ofii en tant que gestionnaire, mais ces décisions procèdent d’événements extérieurs à l’établissement dont il doit être informé. Si les gestionnaires des lieux d’hébergement notifient rapidement les abandons de domicile et si les préfectures renseignent dans le système d’information partagé la liste des demandeurs d’asile « en fuite » relevant de la procédure Dublin, la situation est plus complexe s’agissant de l’Ofpra et de la CNDA.

En effet, si l’article D. 744-42 du Ceseda dispose que l’Ofpra communique « sans délai » à l’Ofii ses décisions, cette obligation n’est pas encore satisfaite, en dépit de nets progrès accomplis depuis 2015. La synchronisation des informations déterminant les droits des demandeurs d’asile ne concerne aujourd’hui encore qu’environ 93 % des dossiers. Par ailleurs, la synchronisation des informations ne signifie pas que celles-ci sont renseignées en temps réel par l’Ofpra et la CNDA, ni qu’elles sont totalement fiables, l’organisation des greffes et des secrétariats conduisant en général à intégrer les décisions « par blocs », et non en continu, dans les systèmes d’information.

B - Des capacités d’hébergement en augmentation