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A - Les aides au retour volontaire

D’abord conçues comme des dispositifs temporaires destinés à une population donnée, les aides au retour volontaire (ARV) sont entièrement gérées par l’Ofii, depuis l’instruction des dossiers de demande jusqu’au paiement. La procédure comprend un relevé des empreintes digitales du bénéficiaire afin de vérifier qu’il n’a pas déjà bénéficié de ce dispositif.

1 - Le nombre de bénéficiaires évolue en fonction des conditions d’octroi des aides

Le nombre d’ARV a atteint son point le plus élevé en 2012, essentiellement du fait des 10 659 ressortissants roumains et bulgares qui représentaient à eux seuls 60 % des retours volontaires cette année-là. Le fléchissement intervenu en 2019 est notamment lié à l’arrêt, en octobre 2018, des « maraudes » des agents de l’Ofii allant au contact des migrants dans les environs de Calais et à l’absence de relais en Afghanistan pour gérer les projets de réinsertion, alors que ces publics étaient souvent intéressés par le dispositif.

Tableau n° 26 : nombre de bénéficiaires 2010-2018

Adultes Enfants Total

2010 11 246 2 808 14 054

2011 13 000 2 840 15 840

2012 14 364 3 209 17 573

2013 5 926 1 460 7 386

2014 4 525 1 343 5 868

2015 3 785 973 4 758

2016 4 774

2017 7 114

2018 10 676

2019 8 772

NB. Ce tableau reprend les agrégats et la présentation de l’Ofii. Toutefois, le poids des aides attribuées à des membres de la communauté Rom, de nationalité roumaine ou bulgare, au cours des années 2010 à 2012, fausse quelque peu l’appréciation de la série.

Source : statistiques Ofii 2010-2018

Le contrat d’objectif et de performance conclu entre l’Etat et l’Ofii pour la période 2017-2020 affiche une cible de 6 000 départs aidés en 2017, qui doit progresser jusqu’à 7 500 en fin de période, avec une proportion des demandeurs d’asile déboutés fixée à 35 % en 2017 et 40 % en 2020.

L’Ofii a dépassé la cible quantitative dès 2017, mais la proportion de demandeurs d’asile déboutés reste, quant à elle, en-deçà et ne semble pas progresser depuis 2016 (30,1 % en 2017 et 26 % en 2018).

La progression du nombre de départs repose davantage sur les retours à destination des pays de l’UE et dispensés de visa (60 % de la progression de 2016 à 2018) alors que l’instruction du 10 juin 2015 et plus explicitement encore celle du 18 juin 2018 désignent les ressortissants de pays à visa comme le public prioritaire. De surcroît, les ressortissants albanais et moldaves représentent à eux seuls 61 % de la progression des aides au retour entre 2016 et 2017 puis 55 % de celle de 2017 à 2018, alors qu’il s’agit de deux pays dispensés de visa, classés comme sûrs au regard de la demande d’asile.

Les fluctuations du nombre des bénéficiaires sont en grande partie liées aux conditions d’octroi des aides.

Celles-ci ayant été significativement durcies en janvier 2013 (avec une division par quatre des montants alloués aux ressortissants de pays tiers et une réduction à un montant symbolique pour les ressortissants européens), une diminution marquée du nombre de départs a été constatée de 2012 à 2015, si bien qu’à partir du cette année-là, les montants ont été revus à la hausse en réactivant le mécanisme de la majoration exceptionnelle qui avait été utilisé au début de la décennie. En 2017, le nombre de retours volontaires repart fortement à la hausse, en raison au moins partiellement de la majoration exceptionnelle (portée de 350 à 1 200 € puis 1 850 € en septembre 2019, avant de redescendre à nouveau à 1 200 € le 1er janvier 2020).

Tableau n° 27 : montant de l’allocation forfaitaire en 2019 (« pécule ») *

En Euros Pays

tiers

Pays dispensé de visa et Kosovo

UE et EEE

Adulte 650 300

Non éligibles

Enfant 650 300

Majoration exceptionnelle 1 850 non

*À ce montant s’ajoutent 150 € si la personne dispose d’un passeport.

Source : arrêtés du 27 avril 2018 et du 6 septembre 2019

2 - Une montée en puissance encouragée par une lecture pragmatique des textes

Dans plusieurs cas, les difficultés rencontrées pour accroître le nombre de départs aidés procèdent des hésitations entre une approche de principe restrictive et une approche pragmatique, résolues au bénéfice de la seconde.

La première tient à l’existence ou non d’une obligation de quitter le territoire (OQTF).

L’article L. 512-5 du Ceseda dispose que le bénéfice d’une aide au retour est conditionné au fait de faire l’objet d’une OQTF, ce qui signifie en pratique qu’une personne en situation régulière mais dont le titre de séjour approche de son terme ne peut pas postuler : la philosophie de l’aide au retour n’est pas « préventive » mais alternative au retour forcé.

Cette règle fait l’objet d’une application pragmatique. Tant la circulaire du ministre de l’intérieur aux préfets du 20 novembre 2017 que l’instruction du directeur général de l’Ofii en date du 18 juin 2018 relative aux ARV invitent ainsi les directions territoriales de l’Ofii à signaler en préfecture les dossiers des personnes ayant demandé à bénéficier d’une ARV afin qu’ils se voient délivrer une OQTF, ce qui constitue une sorte d’inversion de la condition posée par l’article L. 512-5. Malgré cette adaptation pragmatique, la proportion de bénéficiaires d’ARV sous OQTF préalable est non seulement minoritaire (13 % au premier semestre 2018), mais encore en diminution depuis 2015 (37 %).

Il serait plus transparent et plus conforme à la réalité des choses de préciser clairement dans les textes applicables que les ARV peuvent bénéficier aux personnes sous OQTF et aux personnes dont le titre de séjour est proche d’arriver à expiration.

La deuxième difficulté touche à l’éligibilité des personnes placées en centre de rétention.

Jusqu’à 2019, celles-ci ne pouvaient théoriquement pas bénéficier d’une aide au retour en application de l’article L. 512-5 du Ceseda alors en vigueur. Cependant, dans les faits, elles étaient informées qu’elles pourraient en bénéficier si elles étaient libérées suite à une décision de justice. La loi du 10 septembre 2018 a fait plus qu’entériner cette pratique puisqu’elle a supprimé la restriction vis-à-vis des personnes en rétention.

D’un point de vue opérationnel, depuis le 1er janvier 2019, l’Ofii fait la promotion du dispositif dans les centres de rétention administrative où il est présent par l’intermédiaire de ses quelque 40 médiatrices et médiateurs.

Durant l’année 2019, seules 119 personnes en ont bénéficié.

Il conviendra cependant, là encore, d’arbitrer entre restriction et pragmatisme. Ainsi, le bénéfice de la majoration exceptionnelle autorisée par les arrêtés relatifs aux ARV est exclu pour les personnes en rétention, entraînant le risque que les personnes intéressées attendent d’être sorties de Cra pour bénéficier d’une aide plus élevée.

La troisième difficulté tient à la condition de durée de présence sur le territoire.

Les arrêtés successifs fixant le barème des aides au retour exigent tous une durée minimale de séjour de six mois, cette condition ayant pour objet de prévenir un usage opportuniste. Toutefois, depuis 2015, les circulaires d’application se montrent plus souples en indiquant notamment que cette condition peut n’être pas opposée aux déboutés ayant fait l’objet d’une procédure accélérée ainsi qu’aux personnes sous procédure Dublin, s’ils renoncent à leur demande d’asile dans le pays par lequel ils sont entrés dans l’Union.

Ces possibilités ont été utilisées au cours des dernières années, comme en témoignent l’évolution marquée à la baisse de la durée moyenne du séjour des bénéficiaires d’aides au retour (947 jours en 2015, 491 jours au premier semestre 2018) et le fait qu’un quart de ceux-ci, en 2017 et 2018, avaient en réalité passé moins de six mois (185 jours) sur le territoire.

B - Les aides à la réinsertion : un dispositif sur mesure