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A - Le placement en rétention : une mesure de plus en plus utilisée

Un ressortissant d’un pays tiers susceptible de se soustraire à une obligation de quitter le territoire peut être placé en centre de rétention administrative (Cra), espace fermé géré par la police de l’air et des frontières et non par l’administration pénitentiaire, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention. Le délai maximal de rétention, d’abord fixé à 45 jours, a été porté à 90 jours par la loi du 10 septembre 2018.

En 2017, 43 391 personnes, en majorité des hommes, ont été placées en rétention, parmi lesquels 2 910 mineurs accompagnant leur famille. À lui seul, le centre de rétention de Mayotte a accueilli 39 % du total des retenus et 89 % des mineurs, dont le placement, en métropole, est exceptionnel.

1 - Un nombre de places et une durée de rétention en augmentation

Depuis plusieurs années, une des réponses des pouvoirs publics à l’immigration irrégulière a été la création de places de rétention. Ainsi, à partir de 2019, la DGEF a prévu de créer un nouveau Cra de 140 places à Lyon, d’étendre plusieurs centres existants (36 places à l’actuel centre de Lyon, 30 places à Lille-Lesquin, 25 places à Coquelles).

Le nombre de places dans les 25 Cra en activité, prévues majoritairement pour des hommes isolés, s’élève à 1 814 au 30 juin 2019.

Cependant 11,5 % restent inoccupées ou indisponibles à la suite de dégradations ou en raison de moyens de surveillance insuffisants.

Signe d’une intensification de la politique de placement, le taux d’occupation des Cra progresse nettement depuis deux ans puisqu’il est passé en métropole de 68 % en 2017 à 78,8 % en 2018 puis 86,7 % au premier semestre 2019.

La durée moyenne de rétention s’élève à 10,44 jours en 2017, avec de fortes différences selon les Cra. Elle est particulièrement brève outre-mer, notamment en Guyane et à Mayotte, avec dans ce dernier cas des durées fréquemment inférieures à la journée en raison de l’organisation particulière des éloignements, facilités par l’absence de laisser-passer consulaire entre la France et les Comores et par le caractère non suspensif du recours devant le juge des libertés.

Le fonctionnement des centres de rétention administrative Depuis 2011, les centres de rétention sont placés sous la seule surveillance de la police nationale.

Les Cra ont une vocation nationale même si le placement se fait de préférence dans le centre le plus proche de la préfecture demandeuse afin de faciliter la gestion des dossiers, limiter le recours aux escortes et réduire les déplacements imposés aux avocats. Depuis 2018, une cellule de coordination zonale entre la direction générale de la police nationale, la direction centrale de la police aux frontières et la préfecture de police de Paris permet d’optimiser la gestion des placements en Île-de-France.

Au 1er janvier 2019, 2 341 personnes physiques (dont 63 personnels administratifs assurant la gestion des greffes) y travaillent. Les effectifs ont progressé de 85,4 % entre 2009 et 2019.

Des agents de l’Ofii et des représentants d’associations sont également présents dans les Cra. Dans le cadre d’un marché national, ces derniers sont chargés de recevoir les personnes retenues qui le souhaitent, afin de leur expliquer leurs droits.

2 - Un placement plus ciblé depuis 2017

Les contraintes liées au nombre de places en Cra et le souci d’améliorer le taux d’exécution des éloignements ont contribué à l’« officialisation » d’une stratégie de placement, celui-ci étant loin d’être systématique pour toute personne dont le séjour irrégulier est détecté. En effet, si 40 % environ des personnes placées en Cra en 2018 ont été effectivement éloignées (la direction centrale de la police de l’air et des frontières se donnant pour objectif de maintenir le taux de 50 % atteint au cours du premier semestre 2019), en sens inverse, il n’y a que très peu d’éloignements qui ne sont pas précédés par un placement.

La circulaire du ministre de l’intérieur du 20 novembre 2017, prise à la suite des assassinats commis en octobre 2017 à Marseille26, rend prioritaire le placement des personnes dont l’éloignement a le plus de chance d’aboutir (sortants de prison, déboutés du droit d’asile et personnes troublant l’ordre public). C’est sur la base de ces instructions que les sortants de prison voient leur part augmenter dans le total des placements, jusqu’à 14,5 % sur les cinq premiers mois de 2019. Ces arrivées en plus grand nombre ont eu un impact sur le climat général des centres : les cas de violence entre retenus et envers les agents de la police ont augmenté. De ce fait, certains centres ont choisi de supprimer tout contact direct entre les retenus et les personnels de police (ouverture des portes à distance, etc.).

Dans une préfecture de région, une grille d’aide à la décision de placement en Cra, diffusée au début de l’année 2019, érige comme première priorité le placement des personnes dont l’identité est établie, anticipant ainsi sur la procédure d’éloignement.

Enfin, la loi du 10 septembre 2018 a revu le régime de l’assignation à résidence prononcée par les préfets, qui peut se substituer à un placement en rétention.

3 - Le coût de la rétention

Depuis plusieurs années, en vue notamment d’éclairer les nombreuses questions parlementaires sur le sujet, la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) s’efforce de mesurer le coût de la rétention. Pour 2018, elle estime que chaque journée de retenue en métropole a représenté en moyenne une dépense de 622 €, soit un coût moyen de la retenue de 6 284 €, en progression de 30 % en un an du fait d’un léger allongement de la durée moyenne de rétention et surtout en raison du renforcement des effectifs policiers (+16,3 % entre 2017 et 2018) lié à la création de nouvelles places.

26 Un ressortissant étranger en situation irrégulière interpelé pour vol à Lyon, non placé en Cra faute de place, avait poignardé mortellement deux jeunes femmes près de la gare Saint-Charles à Marseille.

4 - Une lente progression du nombre d’éloignements effectifs L’obligation de quitter le territoire français (OQTF) est la principale mesure d’éloignement prononcée à l’encontre de ressortissants de pays tiers27. Cette décision, prise par le préfet, contraint la personne à quitter le territoire dans un délai de 30 jours, au-delà duquel elle peut être placée en centre de rétention ou assignée à résidence.

En 2018, 132 978 décisions d’éloignement ont été prononcées, dont 103 852 OQTF, 27 651 réadmissions dans le cadre du régime européen, 1 232 interdictions du territoire français (ITF) et 243 expulsions. Environ 41 % des OQTF concernent des personnes entrées ou séjournant irrégulièrement sur le territoire, 26 % des déboutés du droit d’asile et 25 % des personnes n’ayant pas obtenu le renouvellement de leur titre de séjour.

Entre 2010 et 2018, alors que le nombre des OQTF et d’ITF a progressé de 157,8 %, celui des éloignements n’a augmenté que de 9,6 %.

Tableau n° 28 : taux d’exécution des OQTF et ITF entre 2010 et 2018

2010 2011 2012 2015 2016 2017 2018 OQTF / ITF 40 766 61 498 84 113 80 744 82 609 86 464 105 084 Éloignements

forcés 12 034 12 547 13 386 15 485 12 961 14 270 15 677 Taux d'exécution 29,5 % 20,4 % 15,9 % 19,2 % 15,7 % 16,5 % 14,9 % Sources : DGEF – DCPAF

En 2018, le nombre d’éloignements forcés exécutés s’est élevé à 15 677, en progression de +9,9 % par rapport à 2017. La plus forte progression concerne les réadmissions de ressortissants de pays tiers et parmi ceux-ci les réadmissions dites « Dublin » auprès de pays de l’Union européenne (626 en 2015 ; 1 276 en 2016 ; 2 495 en 2017 et 3 488 en 2018), mieux maîtrisées et pilotées depuis l’institution des pôles régionaux spécialisés (PRD). En 2019, ce chiffre a progressé de 20 % pour atteindre 18 906 éloignements forcés, mais le nombre d’OQTF-ITF prononcées cette même année n’est pas encore disponible.

27 Parmi les autres mesures, on peut citer l’expulsion, l’interdiction de retour sur le territoire français (IRTF), ces deux premières mesures étant prononcées par le préfet, l’interdiction du territoire français (ITF) prononcée par un juge pénal et la reconduite

B - Les limites de l’exécution forcée des décisions