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DEFINIR LA NOTION DE MOTIVATION ?

2.1 Théories des contenus et théories des processus

2.1.3 Une synthèse improbable

-Réductionnisme! Faux problèmes (pourvu qu’il y ait de la variance, ça vous suffit)! Aucune validité écologique! Retournez avec vos rats, dans votre labo, vos histoires ne valent rien, ne servent à rien et n’intéressent personne (et après tout c’est tant mieux!). grinçaient les uns.

-Métaphysique! Concepts fumeux, impossibles à contrôler, à mesurer et à reproduire (d’ailleurs vous n’avez aucun support empirique!). Vos histoires, c’est du vent, de la philosophie, pas de la science (et maintenant sortez de mon laboratoire!). rétorquaient les autres...

Voilà quelles furent souvent les bases de la collaboration entre les théoriciens des contenus et des processus. Comme bien des constructions humaines, la psychologie de la motivation s’est bâtie grâce à des conflits qui, très normalement, tendent avec le temps et le progrès des connaissances à se réduire ou à se déplacer. Il semble désormais admis que ces deux approches peuvent coopérer1

1 C’est le cas par exemple de la théorie de la motivation à la réussite (achievement motivation) de Atkinson — théorie cognitive la plus souvent citée dans les recherches sur la motivation en situation d’apprentissage — qui tout en utilisant de façon centrale un concept mental complexe (le Need Achievement ou besoin d’accomplissement, issu des travaux de Murray 1938) développe la formalisation mathématique du

et l’on tend aujourd’hui à les synthétiser dans une perspective cognitive intégrant des dimensions affectives et sociales du comportement.

Toutefois, pour situer les théories de la motivation, cette articulation “synchronique”, fondée sur des différences d’outils d’observation, semble moins importante que l’articulation “diachronique” qui marque l’évolution historique de l’ensemble de la psychologie. Il semble, en effet, qu’à une approche où la motivation est définie dans sa nature et de façon globale (autour d’un simple postulat d’homéostasie1, d’une notion d’énergie psychique interne à réduire, canalisée dans les rails d’une conduite prévisible mais irréfléchie, et largement déterminée par des besoins le plus souvent généraux, inconscients ou incontrôlables2),

comportement motivé la plus précise parmi les théories existantes (voir: Atkinson et Raynor 1974).

1 L’homéostasie (de homéo- le même et stasie la position) est un concept de physiologie, lequel définit “une caractéristique générale des organismes, consistant en la tendance à maintenir constantes les conditions de la vie, à les rétablir quand elles se trouvent modifiées.” (Vocabulaire de

psychologie) Ce postulat a largement influencé les premiers paradigmes

explicatifs de la motivation, logiquement dérivés d’une recherche scientifique où dominait alors la biologie et l’anthropologie.

2 Le comportement motivé est dans, cette perspective, entièrement déterminé par des besoins ou pulsions généralement inconscientes et incoercibles qui l’expliquent et le justifient en l’absence de tout processus décisionnel conscient et volontaire. C’est le cas de deux théories contemporaines sur d’autres points largement opposées: la théorie psychanalytique de Freud ou de la première théorie des pulsions de Hull. Cela ne fait que confirmer l’importance de l’influence de l’époque sur les

semble succéder, depuis les années soixante, une approche où l’on renonce à trouver un substrat général à la motivation, et où l’on s’intéresse davantage aux médiateurs cognitifs observables du comportement motivé. Tandis que se développe l’importance accordée à la personnalité, aux types de raisonnement implicite, aux formes de perception de la réalité ou de soi-même, aux choix et aux modèles de l’individu, les outils explicatifs rendant compte de la motivation se font de plus en plus nombreux, et ils relativisent aussi par leur simple existence l’acception de ce concept de motivation: ils imposent de définir cette notion par référence à leurs cadres et non plus autour de quelque substrat général censé la représenter.

Selon Vallerand et Thill (1993, p. 17):

“La motivation représente un construit hypothétique et non une entité matérielle en tant que telle. Ce qui existe, c’est la manifestation comportementale de ce construit, manifestation observable à partir de laquelle on infère l’état de motivation de la personne. Il faut donc retenir que cette formulation du construit hypothétique n’est jamais qu’approximative, ce qui

paradigmes employés et l’influence du paradigme sur la définition même de la chose, ou, en d’autres termes, la fragilité et la relativité totale du signifiant en matière de recherche scientifique.

fait ressortir, une fois de plus, la complexité de l’analyse de la motivation.”

La difficulté tient alors, rappelons-le, au fait que parmi ces nombreux systèmes explicatifs, certains sont incompatibles ou contradictoires (ce qui rend une synthèse improbable, tant pour leur présentation que pour leur utilisation), d’autres ne sont convaincants que pour des aspects limités du comportement ou pour des applications précises, et qu’enfin, il est impossible de les ordonner dans un ordre hiérarchique de plus ou moins “bonne qualité” (Weiner 1980, p. 444). Or, dans la mesure où les outils explicatifs qui ont déjà été utilisés ou qui nous semblent appropriés pour rendre compte des problèmes de motivation dans l’apprentissage de la musique sont eux-mêmes issus de théories hétérogènes, nous ne pouvons, pour les situer, pour les comprendre et pour fonder nos choix, éviter un survol des théories existantes.

Pour tenter de préserver à la fois l’unité et la clarté de cette présentation nous l’organiserons autour d’un modèle explicatif global apparenté aux théories des processus: le modèle EIV de V. H. Vroom (Vroom 1964) révisé par Lawler (Lawler 1973). Bien que ce modèle n’apporte, comme nous le verrons plus bas, ni un paradigme nouveau, ni des outils explicatifs très précis et facilement opérationnalisables, il

semble, tant par sa pertinence générale et ses qualités “pédagogiques”, que par sa grande flexibilité (ce qui permet de lui intégrer des outils explicatifs spécifiques biens validés), permettre d’offrir à un public non-spécialiste, une meilleure compréhension que ne le pourrait un modèle explicatif précis mais trop partiel, dont les inférences lancées sur le fonctionnement global de la motivation, seraient certainement moins fiables.