• Aucun résultat trouvé

EIV : Un modèle “pédagogique”

DEFINIR LA NOTION DE MOTIVATION ?

2.4 EIV : Un modèle “pédagogique”

Après un survol de ses origines méthodologiques, voici donc le modèle explicatif qui nous servira de guide dans le redoutable dédale des théories motivationnelles. Il n’est, rappelons-le, ni le plus précis, ni le plus fiable, ni le plus riche, ni le plus actuel des outils disponibles pour décrire la notion de motivation, mais il a l’avantage d’être un bon compromis pédagogique, à la fois accessible, relativement exhaustif et pertinent.

Ce modèle est issu de la psychologie du travail, domaine d’activité où il a été construit, validé et le plus fréquemment utilisé1. Il est attribué à V.H. Vroom (1964).

Son nom correspond aux initiales des trois dimensions qui le composent, et qui sont censées constituer les trois déterminants majeurs du comportement motivé:

• l’Expectation, relation perçue entre l'intensité de l'effort déployé et la performance escomptée (exprimée en termes de probabilités, cette dimension traduit l’idée que se fait une personne de ses propres ca-pacités à accomplir une action — c'est-à-dire ses capacités perçues);

• l’Instrumentalité, relation perçue entre la grandeur d’une perfor-mance et un résultat subséquent (exprimée en termes de probabilités, cette dimension traduit l’utilité que prête une personne à des actions potentielles — c'est-à-dire leur utilité ou leur efficacité perçues);

• la Valence, valeur affective positive ou négative qu’attribue par anticipation une personne à la représentation mentale qu’elle se fait de certains buts/résultats.

1 Voir pour un état récent: Akiki (1994). Notons que les études menées en contexte scolaire lui préfèrent généralement les outils explicatifs issus de la motivation à réussir de J. Atkinson, des théories attributionnelles de B. Weiner, ou des théories de l’apprentissage social et de l’efficacité personnelle de A. Bandura ou J. Rotter.

Pour une action donnée, le niveau de chaque dimension est mesuré par des échelles quantitatives, et le produit des trois scores obtenus est censé prédire la force de la motivation d’un individu pour accomplir l’action concernée. A l’image de nombreux autres modèles qui ont validé cette formule (Hull, Lewin, Atkinson, Heider), la motivation est donc prédite ici au moyen d’un modèle mathématique réunissant ses différents termes dans une relation multiplicative. Cette relation multiplicative indique que la motivation sera optimale lorsque les scores des trois dimensions seront équilibrés, et qu’il suffira qu’un seul terme du produit soit nul pour que le produit le devienne aussi. En d’autres termes, chacune de ces trois dimensions forme une condition

nécessaire/non-suffisante de la motivation. Elémentaire !

Prenons un exemple:

Un individu persuadé de n’être pas assez “doué pour la musique” aura de façon durable de faibles capacités perçues en ce domaine, c'est-à-dire un faible score dans la dimension expectation de sa motivation. Il pensera probablement: “- Même en fournissant beaucoup d’efforts, j’ai peu de chances (ou moins de chances que les autres) de parvenir à un bon niveau puisqu’il me manque quelques «facilités naturelles».” Peu importe alors la force que prennent chez lui les deux autres dimensions. Il peut toujours adorer la musique

(forte valence) et être persuadé qu’il a choisi la meilleure voie pour s’en rapprocher (instrumentalité), si cet individu n’est pas certain que ses efforts seront payants, il n’aura aucune raison de les accomplir. Il aura les mêmes symptômes qu’un individu peu intéressé par la musique: son manque d’efforts effectifs sera également un manque de motivation. Le même principe est valable pour chaque dimension, et l’on comprend bien ainsi pourquoi la motivation n’est plus synonyme d’intérêt explicite.

A lui seul, le modèle EIV ne peut cependant pas dépasser l’intérêt strictement “pédagogique” d’un bon compromis simplicité/pertinence. Il est un outil de compréhension plus que d’explication. La définition théorique et opératoire de ses dimensions comme des interactions qui les unissent est insuffisante et datée: on doit l’enrichir, au moins, des connaissances développées depuis 1964.

Ces trois dimensions offrent des points de vue unifiés de la motivation, des angles d’approche complémentaires que nous allons à présent approfondir successivement, en tentant d’y relier des spécificités avérées de l’apprentissage musical, des outils explicatifs plus récents ou plus spécialisés, et des stratégies d’intervention.

Homme libre toujours tu chériras la mer! La mer est ton miroir; tu contemples ton âme Dans le déroulement infini de sa lame,

Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer. Tu te plais à plonger au sein de ton image; Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton cœur Se distrait quelquefois de sa propre rumeur Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

XIV L’Homme et la mer La musique souvent me prend comme une mer!

LXIX La musique

Charles BAUDELAIRE Les fleurs du mal.

Les musées sont odieux aux artistes. Ils n’y entrent que pour souffrir, espionner, dérober des secrets militaires. S’ils jouissent, c’est par l’atrocité de leur mépris. (...)

On ose écrire des histoires des lettres ou de l’art sans souffler mot de ces choses-là, sans approfondir. L’art est aussi mauvais que l’amour. L’art et l’amour sont criminels en puissance — ou ne sont pas. Tout ce qui vient des dieux met des enfers dans l’homme.

Ici, l’esprit abruti par les chefs-d’œuvre aime à exister, s’élève et s’évalue. Tout ce que les hommes ont fait, font et feront, lui sonne comme ce bruit local et circonscrit du fourmillement ailé de trente insectes. Le corps hausse imperceptiblement les épaules. Ce haussement lui même, qui condamne les humains, est assez mal reçu. Il est impossible à la justice qui est en moi de ne pas voir la nécessité de mon sentiment. (...)

Allons, loisir, fraîcheur, esprit, cesse de vaincre!”

Paul VALERY Tel quel