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Synthèse. Implications négatives de l’économie informelle

CONCLUSION CHAPITRE 1

SECTION 2. THEORIES NORMATIVES DE L’ECONOMIE INFORMELLE

2.2.7. Synthèse. Implications négatives de l’économie informelle

Dans cette sous-section nous avons présenté les approches théoriques qui sous-tendent la vision pessimiste de la relation entre économie dite informelle et développement. Les adeptes de cette vision considèrent l’économie dite informelle comme source de perte de croissance et de développement économique. Ces approches mettent en lumière l’impact négatif de l’économie dite informelle sur le processus de développement dans les pays en développement.

Pour les tenants de la théorie dualiste, l’économie dite informelle souffre d’insuffisance en capital humain et financier pour améliorer sa productivité, et elle est incapable d’innover et d’offrir des biens et services de qualité. Ainsi Lewis (2004) et Djankov et al. (2002) signalent que l’économie dite informelle nuit à la productivité de l’ensemble de l’économie. Dans ce sens une étude de l’OCDE (2009) a montré que l’efficience des entreprises informelles est en moyenne 30% plus faible que celles des entreprises formelles. Quant aux partisans des théories légalistes, ils montrent que l’économie dite informelle, par ses effets de congestion sur les services et biens publics, contribue non seulement à réduire les recettes fiscales mais aussi à la détérioration de la qualité de ces services, freinant ainsi la croissance potentielle de la productivité. En revanche, une contraction de l’économie dite informelle se traduit par une

195 progression des recettes fiscales, laquelle favorise une augmentation des dépenses publiques, dans les infrastructures et les services par exemple, ce qui contribue à l’expansion de la production et entraîne ainsi une hausse du taux de croissance économique globale.

De leur côté, les tenants de la théorie structuraliste mettent en avant les effets négatifs de l’économie dite informelle sur la productivité et la croissance. Selon eux, en dépit du fait qu’elle assure une certaine reproduction de main d’œuvre bon marché et fournit des biens bon marché par le système de sous-traitance pour les entreprises capitalistes, à long terme elle peut provoquer une concurrence accrue dans certains secteurs du marché, limiter les marges de profits et affecter les possibilités d’accumulation des capitaux nécessaires à la croissance économique du pays. Pour les tenants de cette thèse, l’économie dite informelle n’est ni une voie endogène de développement, ni un gain de croissance économique, mais elle est tout simplement un indicateur de la crise du capitalisme périphérique.

D’autres analyses ont montré que les entreprises informelles qui ne s’acquittent pas de leurs obligations fiscales et sociales exercent une concurrence déloyale sur les entreprises formelles et gagnent des parts de marchés au détriment des concurrents formels. De plus, l’expansion de l’économie dite informelle, sous l’effet de cette concurrence déloyale, prive les gouvernements de ressources fiscales, réduit la taille des budgets de l’Etat, ce qui limite la capacité du gouvernement en place à étendre les régimes de protection sociale et à développer les services publics essentiels à la croissance économique (BIT, 2013 ; 2002). Dans le même sens, l’analyse de la littérature des différents pays en développement a montré que l’économie dite informelle offre des niveaux de rémunération très faibles et a des potentiels de croissance très limités par rapport à l’économie informelle (Calvés et Schoumoker, 2004). Elle peut emprisonner les individus et les entreprises dans une spirale de faible productivité et de pauvreté. Les travailleurs dans l’économie dite informelle ne sont pas enregistrés auprès des structures officielles du pays ; ils ne sont soumis à aucune réglementation et ne sont pas protégés par la législation du travail et de la protection sociale. Ils ne jouissent d’aucun droit syndical qui leur permettrait de revendiquer leurs droits fondamentaux.

En ce qui concerne la mondialisation, les tenants de cette approche remarquent que l’économie dite informelle peut nuire aux résultats des échanges commerciaux. Ainsi les entreprises informelles sont souvent trop petites pour tirer pleinement profit des économies d’échelle. Des études montrent qu’un taux d’informalité élevé place les pays concernés dans

196 les segments les plus bas et les plus vulnérables des chaînes de production mondiales et attirent des flux de capitaux liés à l’existence d’un vaste réserve de main- d’œuvre bon marché (M. Bacchetta, E. Ernst et J.P. Bustamante, 2009 ; BIT, 2013). De ce fait, l’économie dite informelle influence négativement la capacité du pays concerné à profiter de la mondialisation et à générer de la croissance.

Au niveau de la fiscalité, certains analystes ont conclu qu’en dépit du fait qu’elle représente une part énorme dans les économies des pays en développement, l’économie dite informelle échappe en grande partie aux taxes fiscales et aux impôts. C’est une source d'évasion fiscale (OCDE, 2004). Par ailleurs, l’expansion de l’économie dite informelle jusqu’à une certaine proportion peut enclencher un cercle vicieux du manque à gagner fiscal et de l’accroissement des taux d’imposition. Les entreprises informelles ne s’acquittant pas de leurs obligations d’impôts et taxes réduisent l’assiette fiscale et accroissent cette charge sur les entreprises formelles. D’autre part les auteurs de cette vision ont montré que l’expansion de l’économie dite informelle favorise la corruption dans les pays en développement. En effet les entreprises informelles sont plus exposées à la corruption que les entreprises formelles. Ces dernières peuvent signaler les cas de corruption aux autorités compétentes, tandis que les entreprises informelles de peur d’attirer l’attention des autorités et de subir des sanctions financières acceptent plus volontiers le paiement de pots-de-vin (Johnson et al. 2000). La corruption a généralement un impact négatif sur la performance économique des pays (Mauro, 1995 ; Méon et Sekkat, 2005). De ce fait, elle affecte négativement la croissance économique, le niveau d’investissements dans le pays et le développement de l’économie formelle (Johnson et al. 2000 ; Hellman et al. 2000).

2.3.C

ONCLUSION

.L

ES THEORIES NORMATIVES DE L

ECONOMIE INFORMELLE

Malgré ces effets négatifs tant décriés, l’économie dite informelle s'affirme de plus en plus par sa dimension socio-économique, elle est un moyen de lutte contre la pauvreté, elle est créatrice d'emplois et de revenus, elle contribue à atténuer les effets des crises et des chocs sociaux et permet à une frange importante de la société d'intégrer le tissu économique même si les revenus des travailleurs sont faibles et permettent à peine un minimum de subsistance. Sur le plan macro-économique, elle a une contribution non négligeable sur les principaux agrégats économiques.

197 Cependant, on ne peut pas ne pas reconnaitre certaines conséquences négatives. Ainsi, l'emploi informel échappe à la fiscalité et aux réglementations, ce qui rend difficile la gestion de la protection sociale ; il nuit à la collecte de l’impôt, entraine un rétrécissement des recettes budgétaires de l’Etat, compromet le financement des dépenses socialement utiles (sécurité sociale, éducation…) et se traduit soit par des taux d’imposition élevés pour ceux qui sont dans l’emploi formel, soit par des services publics de médiocre qualité. En outre, elle est perçue comme une économie parasitaire (Lewis, 2004) dans la mesure où elle exerce une concurrence déloyale à l’égard des entreprises de l’économie formelle, victime de son expansion (World Bank, 2005 Belmihoub, 2006) ou comme une économie extra- légale dont le développement révèle la nature excessive et inadaptée de la réglementation publique (De Soto, 1994).

En somme, des politiques spécialement destinées à l’économie dite informelle devraient être pensées et mises en œuvre avec pour objectif non pas de l’étendre davantage sur la base de son potentiel à créer des emplois, mais pour surmonter les obstacles qu’elle rencontre. Les études stratégiques devraient prioritairement porter sur l'identification des causes fondamentales de l'économie dite informelle et des obstacles à la formalisation; ensuite, sur l'élimination de ces obstacles et l'aide à la croissance des entrepreneurs informels afin que leurs activités puissent être plus aisément couvertes par des législations et règlements appropriés.