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CONCLUSION CHAPITRE 1

SECTION 2. THEORIES NORMATIVES DE L’ECONOMIE INFORMELLE

2.1.2. Approche néo-keynésienne

Cette vision privilégie l’emploi puisque l’objectif est d’assurer un certain équilibre sur le marché du travail même avec des taux de salaires faibles : c’est pourquoi l’appréciation du rôle de l’économie dite informelle dans le développement a été valorisée. Il n’est donc plus

174 question d’une économie refuge, mais plutôt d’une économie dynamique, contribuant tant soit peu à la croissance de l’économie nationale. Cette vision est partagée par les organisations internationales (FMI, OCDE, BIT, BM,..) qui considèrent l’économie dite informelle comme un amortisseur des crises sociales. Ainsi, pour le Bureau International du Travail (2004), l’économie dite informelle est un continuum avec des gens qui interagissent avec l’économie formelle et qui développent parfois des activités créatives. Sa contribution à l’absorption du chômage constitue un palliatif à l'absence d'indemnités de chômage et à l'insuffisance de protection sociale dans les pays en développement. Selon les tenants de cette approche, l’économie dite informelle remplit un rôle essentiel sur le plan social car « ses activités permettent aux personnes exclus économiquement et socialement de conserver leur dignité et éventuellement retrouver un emploi formel » (Hainard et Ischer, 2007, cité par Sylvain Bureau et Jacqueline Fendt, 2011).

Les organisations internationales (BM, FMI, OCDE, BIT) perçoivent l’économie dite informelle comme une stratégie de sortie de crise économique pour les pays en développement et invitent les Etats à la promouvoir pour en faire un modèle particulier et spécifique de développement ; l’approche est désignée sous le vocable de : « alternative de développement économique ». En effet, à partir des années 90, l’économie dite informelle a cessé d’être perçue comme un réservoir inerte de main d’œuvre, pour être considérée comme une économie ayant sa dynamique propre et son système productif flexible qui lui permettent de s’adapter à toutes les situations conjoncturelles dues aux crises et à la croissance économique (Ben Zakour, 1998). En raison de cette vision nouvelle, des propositions sont faites allant dans le sens de l’élimination de la discrimination implicite contre l’informel. Présentés désormais comme une « stratégie alternative de développement économique », des programmes de soutien direct ont été conçus et même appliqués dans beaucoup de pays. « La confiance soudaine accordée à ce secteur marque un retournement politique important » (OCDE, 1994).

Dans cette optique, l’économie informelle se révèle ainsi être un facteur de réintégration sociale des travailleurs dans les situations de pertes massives d’emploi au niveau de l’économie formelle (administration et entreprises publiques). En outre, elle offre une source pouvant compenser la baisse de revenus des ménages à travers le phénomène de la pluriactivité. Elle contribue à l’amélioration du bien-être d’un nombre assez important de travailleurs qui de leur propre volonté ont décidé de quitter le formel pour mettre en place

175 leurs propres entreprises informelles (Maloney, 2004). Dès lors, l’économie informelle est apparue comme une « alternative de développement économique ». Elle contribue positivement à la croissance économique, et constitue une solution d’urgence pour certains gouvernements confrontés au problème complexe du chômage. Selon les tenants de cette approche, l’économie dite informelle absorbe les travailleurs qui, autrement, seraient dans la rue, abandonnés à eux-mêmes. Par ailleurs, dans les situations de fort taux de chômage, de sous-emploi et de pauvreté aggravée, c’est la principale source de création d’emplois et de revenus, avec un accès facile même pour ceux qui ont peu de qualifications, ni de grands moyens techniques ou financiers (OIT, 2002).

Beaucoup de travailleurs dans l’économie dite informelle ont l’esprit créatif, et sont animés d’un dynamisme et d’une capacité d’innovation. Licenciés économiques et ouvriers sans qualifications se retrouvent là pour être formés ou recyclés dans des cycles de formation sur le tas. A cet égard, l’informel reste un tremplin d’accès graduel à l’économie formelle, si des stratégies efficaces sont mises en œuvre (OIT, 2002). Ainsi, compte tenu du développement des micro-entreprises familiales dans certaines branches d’activités et des différentes formes de l’auto-emploi, l’économie informelle est perçue comme le signe d’une économie dynamique, source de richesses et d’emplois. Grâce à leur capacité d’adaptation aux fluctuations conjoncturelles, à la flexibilité des rémunérations et à des coûts salariaux plus que compétitifs, ces micro-entreprises familiales arrivent parfois à concurrencer les moyennes et grandes entreprises notamment dans certaines branches d’activité telle que le textile (Youghourta Bellache, 2011). Dans nombre de pays en développement, l’économie dite informelle est souvent un passage obligé, pour l’immense majorité de jeunes et d’adultes sans expériences de travail, pour s’insérer dans le marché du travail et exercer un emploi. Pour ceux qui n’ont pas été à l’école ou qui en sont sortis trop tôt sans qualification, c’est aussi le seul moyen de se former et d’exercer à terme un métier. Environ neuf jeunes sur dix trouvent en effet leur premier emploi dans l’économie dite informelle et la plupart d’entre eux ont peu de chances de trouver un jour du travail dans une entreprise formelle, encore moins dans l’administration publique (AFD, 2009).

La flexibilité des règles du marché en qui concerne les biens et services ou même la main d’œuvre permet aux entreprises informelles d’absorber le surplus de demande de travail généré par la contraction de personnel de l’économie formelle en périodes de récession. C’est le cas dans la plupart des pays en développement avec les programmes d’ajustement structurel

176 (Mancy Benjamin et Ahmadou Aly Mbaye, 2012). Ainsi, l’économie dite informelle constitue une soupape de sécurité pour les sans emploi, en particulier pendant les périodes économiques difficiles.

Les capacités de résorption d’emplois de l’économie informelle se manifestent à trois niveaux :

- la formation du capital humain, les apprentis en particulier ;

- le recyclage des licenciés du formel et la création d’emplois à proprement parler ; alors que le nombre d’emplois formels se chiffre à des centaines de milliers, dans l’économie dite informelle ils se comptent en millions. - le flux migratoire influence considérablement par ailleurs la réserve globale

de la main d’œuvre de l’économie dite informelle.

L’autre composante sociale intrinsèque de l’informel est la solidarité familiale, ethnique ou communautaire qui joue un rôle important dans les relations intergroupes. Par exemple, les primo-demandeurs d’emplois sont très souvent des membres de la même communauté ou encore la participation de tous les membres aux dépenses exceptionnelles de la famille ou de l’individu (mariage, décès, maladie,…). Ces pratiques quoique non écrites et sans rapport direct avec le travail, apportent toutefois un grand réconfort psychologique aux membres de cette communauté. C’est « une forme de sécurité sociale » communautaire non-écrite (Ben Zakour, 1998). De fait, l’informel est une sorte de couverture sociale ; il rend des services qui ne peuvent être rendus par la sécurité sociale conventionnelle.