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Synthèse des résultats obtenus en population adulte

IV. DISCUSSION GENERALE

IV.1 Synthèse des résultats obtenus en population adulte

Nos travaux ont confirmé certains éléments de connaissance bien établis. Les usages d’alcool, de tabac et de cannabis sont inégalement distribués suivant l’âge, le sexe et la position économique et sociale. Ainsi, parmi les adultes, nous avons montré, en accord avec les données internationales, qu’au sein de la population féminine, les usages d’alcool et de tabac sont plus fréquents au sein des milieux sociaux plus favorisés, alors que c’est l’inverse parmi les hommes. Nous avons également montré que dans le cas du tabac, la convergence des comportements de consommation des hommes et des femmes est récente : elle suit bien le modèle de la théorie de la diffusion des innovations appliqué au tabac mais de façon décalée dans le temps (restera bien sûr à décrire et mieux comprendre ce décalage). Dans le cas des hommes, on observe dès la seconde guerre mondiale l’installation, puis le creusement au sein des générations nées après 1966, d’un gradient social liant de façon négative l’élévation du niveau de diplôme à la propension de fumer : les plus diplômés adoptent progressivement moins souvent l’habitude de fumer. Au sein de la génération précédente (née en 1930-1945), on ne relève qu’une tendance non significative à un gradient éducationnel positif. Ce qui laisse penser que la génération d’avant la seconde guerre mondiale est celle qui a vu s’opérer l’inversion du gradient social, le tabagisme s’étant diffusé des milieux les plus aisés vers les moins aisés, ces derniers ayant commencé à rattraper les premiers. Parmi les femmes au contraire, on observe une inversion très nette du gradient éducationnel, fortement négatif avant la seconde guerre mondiale, puis faiblement positif pour la génération née entre 1946 et 1965 et enfin l’apparition d’un gradient négatif pour la génération post 1966.

Ces résultats corroborent le fait que les femmes ont suivi et adopté plus tardivement les mouvements de diffusion du tabac des hommes au cours du temps. En revanche, la situation est plus nuancée pour l’abandon du tabac, plus prononcé parmi les personnes plus éduquées, surtout parmi les femmes et les jeunes générations, ce qui pourrait s’expliquer par la maternité et un meilleur

étude est de montrer que le tabagisme est plus répandu parmi les femmes que les hommes au sein de la population la plus diplômée. Paradoxalement, les femmes apparaissent également « en retard » du point de vue de la consommation quotidienne de tabac mais en avance pour ce qui est de l’abandon.

Les données récentes du Baromètre Santé 2010 semblent confirmer cela, les femmes voyant encore globalement augmenter leur consommation (Beck et al., 2011).

Parmi les jeunes adultes de 18-25 ans, nous avons montré que les étudiants se distinguent des actifs occupés par des usages moins importants d’alcool et de tabac, mais des ivresses un peu plus fréquentes et des usages similaires de cannabis. La situation de chômage apparaît très fortement associée à des consommations plus élevées parmi les hommes mais pas les femmes. Pour ces dernières, c’est la poursuite d’études supérieures qui est liée à des consommations plus élevées. Cette étude a permis de relativiser les stéréotypes associant études supérieures et usages de drogues : la situation de travail apparaît également à risque parmi les jeunes adultes. La mise en évidence d’associations différenciées suivant le genre entre situations face à l’emploi et usages de drogues et notamment la consommation plus élevée au sein de la population étudiante féminine, corrobore celui de notre analyse de la diffusion du tabac au sein des générations. Les personnes qui consomment le plus sont bien celles qui occupent les positions les plus favorables sur le marché de l’éducation et du travail, et ce, dès le début de la période adulte, notamment parmi les femmes.

Ces deux études sont complétées par une analyse plus ciblée du tabagisme quotidien et de l’abus d’alcool parmi les actifs occupés. Les résultats montrent que la pénibilité physique ou psychologique ressentie du poste de travail joue de façon différentielle suivant le sexe, mais aussi l’âge des travailleurs, en entraînant de possibles consommations de compensation. En début de carrière, parmi les 18-29 ans, la précarité du contrat de travail est fortement associée à un abus d’alcool et à un tabagisme quotidien parmi les femmes, alors que c’est l’insatisfaction relative aux conditions de travail qui joue ce rôle parmi les hommes. Au sein des plus de 40 ans ce sont surtout la pénibilité psychologique ou physique qui le sont, pour les deux sexes. Mais la précarité du contrat de

travail accentue les consommations abusives d’alcool chez les hommes. Nous avons proposé comme hypothèse explicative que la mise en couple et la conception d’enfants, puis leur éducation expliquent ces influences décalées dans le temps, pour les hommes et les femmes, des pénibilités ressenties des postes de travail mais aussi des contrats de travail à court terme. Par ailleurs, l’activité professionnelle et la valorisation personnelle et sociale qui y sont attachées joue un rôle plus important chez les hommes que chez les femmes, ce qui contribue à expliquer l’influence plus marquée de l’insatisfaction relative à l’emploi sur les consommations d’alcool et de tabac chez les hommes, lorsqu’ils sont au début de leur carrière professionnelle.

Prenant en compte l’âge mais aussi le niveau de diplôme parmi les actifs occupés, ce travail nuance les deux précédents en faisant intervenir d’autres facteurs associés ou explicatifs des usages d’alcool et de tabac. Il montre que la prévention (ou l’information) relative à l’alcool et au tabac gagnerait à être effectuée de façon différenciée suivant l’âge mais aussi le sexe des individus et leurs conditions de travail.

Il est possible de proposer deux schémas synthétisant ces observations.

Figure 16 : Schéma synthétisant les liens entre statut professionnel et usages de produits psychoactifs entre 18 et 25 ans

Légende : en trait plein, les liaisons positives ; en trait pointillé, les liaisons négatives.

Etudes supérieures

(Femmes) Alcool

Cannabis

Tabac

Chômage (Hommes)

Cannabis Drogues illicites

(Femmes/Hommes)

Figure 17 : Schéma synthétisant les liens entre éducation et entrée dans le tabagisme jusqu’à l’âge de 39 ans des hommes et femmes de trois générations

Légende :

a : écart entre les individus les plus et les moins diplômés pour le tabagisme quotidien. Plus la valeur est élevée, plus les individus les moins diplômés consomment relativement aux plus diplômés.

Nos travaux montrent globalement que les écarts de consommation entre hommes et femmes sont assez largement construits par le milieu social, les conditions de travail, la génération etc. Ainsi, ils reflètent autant les différences économiques et sociales, les rapports de domination entre les sexes au sein d’une société ou d’un milieu donnés que la plupart des facteurs biologiques, économiques ou psychologiques que l’on peut mobiliser facilement, parce qu’ils condensent leurs effets (Ahlström et al., 2001). Autrement dit, les inégalités de consommations entre sexes sont de très bons indicateurs des inégalités économiques, politiques et sociales de genre66. Ces mesures peuvent donc contribuer utilement à la compréhension et à la description des différences de comportements de santé entre genres.

66 C’est ce que nous montrons dans notre travail relatif aux consommations d’alcool des écoliers de 31 pays européens et à leur lien avec les indicateurs économiques, politiques et sociaux caractérisant ces pays.

1930-1945 1946-1965 1966-1987

Ecarts moyen hommes/femmes

Ecart hommes/femmes par niveau de diplôme

Elevé Moyen

Faible

+ + + =

+ + + + + +

= + + +

-

= + Gradient éducationnela

Parmi les hommes Parmi les femmes

Génération

=

-+

-+ -+ +