Chapitre 1 : Etat de l’art : impact sur géomatériaux. Cas des ouvrages de
IV. Synthèse et conclusions
Expérimentations sur merlons prototypes
Dans le but de disposer rapidement de quelques ordres de grandeurs concernant la
réponse sous impact des différents ouvrages prototypes présentés précédemment, le
tableau [Annexe 1, Tableau A 1] synthétise les principales données caractéristiques des
ouvrages impactés, des conditions d’impact et des déformations subies par les
ouvrages. Les ordres de grandeurs fournis peuvent représenter une aide précieuse lors
d’un pré-dimensionnement par exemple.
Les principaux impacts répertoriés permettent d’identifier, pour chaque structure, les
Etats Limites Ultimes (ELU) ou de Service (ELS) qui semblent reposer sur des modes
de dissipations différents.
Pour les impacts à énergie modérée, les déplacements mesurés sont beaucoup plus
faibles à l’aval qu’au parement (cf. valeurs en gras, Annexe 1, Tableau A 1). Pour cette
sollicitation les structures conservent leur intégrité, l’énergie est majoritairement
dissipée sous forme de tassement. Au contraire pour des énergies plus proches de la
rupture, les déformations à l’aval sont semblables à celles au parement (cf. valeurs en
italique, Annexe 1, Tableau A 1). Le phénomène de tassement n’est plus prépondérant,
on assiste alors à une rupture globale de l’ouvrage par glissement, signe caractéristique
du début de la ruine de l’ouvrage.
Phénomènes identifiés à l’impact
De manière plus générale les travaux présentés ont révélé les différents modes de
dissipation prenant place lors d’un impact sur un ouvrage de protection. Tout d’abord
Lepert et Corté [Lepert et Corté 1988] montrent qu’une part non négligeable de
l’énergie d’impact est évacuée sous forme d’ondes élastiques (de l’ordre de 20 à 30
%), hypothèse reprise par Jarrin [Jarrin 2001] par la suite. Lors de l’enfoncement d’un
bloc dans l’ouvrage, on identifie premièrement une dissipation locale avec la
plastification due à la compaction des matériaux directement impactés, puis souvent,
Chapitre 1 : Etat de l’art : impact sur géomatériaux. Cas des ouvrages de
protection
pour de plus grandes énergies, des zones de glissement affectant l’ouvrage dans sa
totalité.
Les hypothèses de rupture par glissement suivant des plans définis arbitrairement
[Tissières 1999] [Jarrin 2001], s’avèrent être simplistes face aux surfaces coniques
observées expérimentalement par Blovsky [Blovsky 2002]. D’autant plus que
l’orientation de ces surfaces est fonction des caractéristiques géométriques et
mécaniques de l’ouvrage ainsi que de la cinématique de l’impact [Subrin 2006].
Ronco [Ronco et al. 2009] évalue, via une approche numérique à 80-85 % l’énergie
consommée par déformations plastiques de compaction, les 15 à 20 % restants étant
dissipés par frottement au niveau des nappes de géosynthétiques. Lepert et Corté
[Lepert et Corté 1988] estiment que les grandes déformations plastiques s’étendent sur
une profondeur au moins égale au diamètre du projectile.
Durant les essais, les nombreuses ruptures locales mises en évidence
expérimentalement : fracturation de blocs [Lambert 2007], fissuration du sol
[Peila et al 2002], rupture de gabions [Aminata et al. 2008], restent difficiles à prendre
en compte dans des méthodes de dimensionnement ou dans des modèles numériques.
Impactant et énergie initiale
Par souci de simplification, un grand nombre d’études se limite à modéliser un
mouvement de translation de l’impactant, le plus souvent sphérique. Les effets de la
forme et de la réelle cinématique de l’impactant sont que rarement pris en compte,
quelques tendances ont pu toutefois être identifiées :
- Rotation du bloc : La rotation de l’impactant favorise la stabilité de l’ouvrage
[Tissières 1999] mais augmente le risque de franchissement par roulement
[Plassiard 2007]. En conséquence Jarrin [Jarrin 2001] préconise la construction
d’un parement raidi pour limiter ce risque.
- Hauteur d’impact : un impact proche du sommet engendre des déplacements et
un risque de débordement importants [Plassiard 2007] [Sung et al. 2008]. La
diminution de la force d’impact peut être associée à une plus faible épaisseur
d’ouvrage et donc à une plus faible rigidité en tête qu’en pied d’ouvrage.
- Incidence d’impact : Une trajectoire ascendance du bloc, en sollicitant la partie
haute de l’ouvrage (faible section et matériaux peu confinés) est préjudiciable
pour l’intégrité de la structure et favorise le risque de débordement
[Plassiard 2007] [Subrin 2006].
- Energie d’impact : A énergie constante, la force d’impact maximale est
indépendante de la masse et la vitesse du bloc, mais la durée d’impact et la
pénétration augmentent avec la masse du bloc [Calveti et al. 2005]
[Plassiard 2007] [Bertrand 2006]. Plus généralement l’énergie de rupture
diminue lorsque la taille (et donc la masse) de l’impactant augmente
[Ronco et al. 2009].
- Forme des blocs : Un bloc rocheux peut être de forme variée, il peut présenter
des arêtes marquées [Pichler et al. 2005] mais est souvent représenté par une
sphère dans les expérimentations. Cependant, cette hypothèse est non
conservatrice : pour une même énergie, un impactant de forme pyramidale
engendre des pénétrations 50 % plus importantes que celui de forme
hémisphérique [Degado et al.2008]. Les impacts suivant un coin ou une face
Chapitre 1 : Etat de l’art : impact sur géomatériaux. Cas des ouvrages de
protection
d’un cube représentent les deux configurations d’impact les plus défavorables à
étudier [Wang et Cavers 2008].
Eléments constitutifs
Initialement constitués de levées en terre, les merlons de protection se sont enrichis au
fil des décennies de diverses technologies reposant sur des matériaux et/ou des
assemblages de sous structures innovants.
Les éléments de renforcement apportés aux merlons peuvent être de nature variée :
- cellules de gabion [Aminata et al. 2008] [Lambert et al. 2009],
- géotextile [Peila et al. 2000] [Blovsky 2002] [Burroughs et al. 1993]
[Yoshida et al. 1999] [Aminata et al. 2008],
- bois [Burroughs et al. 1993] [Tissières 1999],
- pneus, …
Ils permettent non seulement de raidir le parement amont et d’améliorer sa stabilité
statique, mais aussi d’apporter une résistance supplémentaire sous impact dynamique. Il
est préférable de concentrer les renforcements au niveau du parement impacté
[Blovsky 2002].
Outre les matériaux mis en œuvre classiquement dans un remblai, certains auteurs ont
cherché à utiliser des matériaux permettant de dissiper un maximum d’énergie lors de
l’impact.
Les blocs de calcaire [Lambert et al. 2007], permettent d’obtenir un matériau fusible
limitant la transmission d’efforts (même en condition confinée) notamment par
réarrangement et fracturation des blocs. Le mélange de sable et de déchiquetas de pneu,
mis à part sa capacité à diminuer la masse volumique d’un ouvrage, n’a pas présenté,
selon les tests rencontrés, d’intérêt mécanique particulier par rapport au sable seul.
En plus des matériaux utilisés, la constitution même de l’ouvrage permet d’optimiser la
dissipation énergétique, c’est le cas des merlons composites. Le parement constitué de
gabions déformables [Lambert et al 2007] [Aminata et al. 2008] [Sung et al. 2008] ou
de sacs de géotextile remplis de géomatériaux [Yoshida et al 1999], est censé pouvoir
absorber une grande part de l’énergie incidente, et concentrer la plupart des
déformations au parement, protégeant ainsi la partie aval de l’ouvrage. L’utilisation
d’éléments composites facilite la réalisation de parements raidis pour s’affranchir du
risque de franchissement et limite l’emprise de l’ouvrage. En plus d’avoir un intérêt
structurel, les composants cellulaires favorisent la réutilisation de matériaux recyclés et
leur réparabilité.
Modélisations numériques
La confrontation des caractéristiques d’un impact (efforts, pénétration, …) estimées par
une approche analytique avec celles mesurées expérimentalement, révèle les limites de
ce type d’approches simples [Peila et al. 2007]. Un des moyens mis en place par la
communauté scientifique, pour mieux appréhender le comportement de ces ouvrages
sous impact, est d’accompagner quasi-systématiquement les essais expérimentaux
disponibles de modélisations numériques moins coûteuses.
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protection
Des premiers modèles, comprenant quelques éléments et une loi de comportement
simple, jusqu’aux modèles les plus performants, les simulations numériques ne
permettent pas de prédire de manière très précise le comportement d’un merlon
pare-blocs. Cependant, elles permettent toutefois, à partir d’hypothèses simplificatrices, de
dégager certaines tendances principales, à partir d’études paramétriques notamment.
Parmi les outils numériques présents dans la littérature, les approches discrètes
semblent mieux adaptées pour caractériser l’ensemble des phénomènes locaux comme
les grandes déformations, les ruptures, la fracturation ou le réarrangement granulaire
dans les matériaux modélisés [Plassiard 2007] [Calvetti 1998] [Bertrand 2006].
Dans un modèle continu ces phénomènes complexes peuvent néanmoins être pris en
compte d’une manière plus globale à travers une loi de comportement adaptée [Pichler
et al. 2006].
Dans la plupart des modèles utilisant une description continue, mêmes récents
[Subrin 2006] [Pichler et al 2006], l’impact n’a pas réellement été simulé mais appliqué
sous forme de forces calculées analytiquement. Cette simplification revient cependant
presque à supposer le comportement de la structure avant même d’avoir effectué le
calcul. La présence du principe de détection de contact dans l’approche discrète semble
représenter un certain atout pour le traitement du contact entre le bloc et la structure,
même si certains codes de calculs continus comme ABAQUS [Ronco et al. 2009],
FLAC
3D[Bourrier et al. 2009], ou LS-Dyna [Sung et al. 2008], sont également capables
de gérer cette difficulté.
Aussi, des différentes simulations d’impact en dynamique, il ressort que la résolution
du problème, par un schéma d’intégration explicite, semble être particulièrement
adaptée pour aborder les phénomènes dynamiques transitoires.
L’impact d’une structure de protection fait intervenir de nombreux phénomènes
tridimensionnels comme la propagation d’ondes sphériques ou la rupture suivant une
surface conique par exemple. Excepté le cas où les conditions de symétrie permettent
d’aborder la problématique avec un modèle 2D [Degago et al. 2008], sans pour autant
affecter drastiquement les résultats de simulation, l’approche 3D apparaît évidemment
comme plus représentative du réel.
Nous avons vu auparavant que les dissipations d’énergie avaient de nombreuses
provenances dans un ouvrage de protection et pouvaient reposer sur des phénomènes
complexes. Pour être capable de reproduire le comportement de l’ouvrage sous impact
il est alors important de doter notre modèle de lois de comportement rendant compte, de
manière globale ou pas, de ces dissipations et comportements mécaniques.
Dans le cadre des modèles continus, les modèles élasto-plastiques avec des critères de
rupture de type Mohr-Coulomb [Bourrier et al. 2009] ou Drucker-Prager
[Ronco et al. 2009] [Sung et al. 2008] sont les plus couramment utilisés. D’autres
modèles plus évolués, prenant en compte l’évolution du matériau avec la compaction
[Pichler et al 2006] ou leur caractère visqueux sous impact [Sung et al. 2008] sont
également ponctuellement rencontrés.
Pour les approches discrètes, la dissipation d’énergie est essentiellement régie par un
frottement coulombien au niveau des contacts. L’élasticité du matériau est restituée par
des ressorts normaux et tangentiels, le plus souvent linéaires.
Pour simuler les angles de frottement élevés rencontrés dans les géomatériaux, les
auteurs ont recours à différents artifices : limitation de la rotation des particules
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[Plassiard et al. 2009], leur blocage [Calvetti 2005], mise en place de particules
polyédriques [Calvetti 1998] ou d’amas de particules [Bertrand 2006].
Des lois plus évoluées (loi élasto-plastique en compression, endommagement en
décharge, viscosité) peuvent être également ajoutées pour rendre compte de
phénomènes physiques (fracturation, …) ou de dissipations d’énergie complémentaires
[Plassiard et Donzé 2010] [Bertrand 2006].
Conclusions
A travers l’étude des différentes références traitant de l’impact de blocs sur des
matériaux granulaires, il apparaît que les méthodes simples permettant de calculer les
efforts et les déformations dans un ouvrage de protection sont rares et se limitent à des
configurations particulières d’impact et d’ouvrage.
Dès lors qu’il s’agit de considérer une énergie d’impact importante, une géométrie
définie, et l’action des renforcements et/ou la structure composite de l’ouvrage, les
modèles numériques présentent un intérêt tout particulier.
De plus, même si l’étude trajectographique permet d’estimer la taille et la vitesse
maximales des blocs rocheux ainsi que leur hauteur maximale d’impact, il est a priori
difficile d’estimer par avance quelle configuration d’impact (hauteur d’impact, forme et
rotation de l’impactant) sera la plus défavorable du point de vue du risque de
franchissement et de l’intégrité de la structure de protection.
La construction d’un modèle numérique adaptée à la problématique d’impact
(géométrie 3D, simulation dynamique) offre la possibilité, via la caractérisation des
matériaux par des lois de comportement adéquates, de représenter la réponse d’un
ouvrage sous impact ainsi que la majorité des phénomènes physiques engendrés,
moyennant des efforts de modélisation importants.
Le modèle élaboré, calibré à partir d’une confrontation avec des données
expérimentales, permet alors de tester à moindre coût plusieurs configurations
d’impacts apportant ainsi une aide au dimensionnement des structures de protection de
type merlon.
Les différents travaux portant sur les structures à technologie cellulaire [Bertrand 2006]
ou sur les cellules de gabion [Lambert 2007] apportent des données de calibration
(essais de compression et d’impact sur cellules de gabion) ou de comparaison
(simulations numériques aux échelles de la celluleet d’un ouvrage) pour la modélisation
des ouvrages composites cellulaires expérimentés dans le cadre du projet REMPARe.
Dans le document
Approche numérique couplée discret-continu appliquée aux ouvrages cellulaires impactés
(Page 49-54)