Chapitre 1 : Etat de l’art : impact sur géomatériaux. Cas des ouvrages de
II. Impact sur merlons de protection pare-blocs
II.3. Modèles numériques
Parallèlement aux différentes campagnes d’expérimentation effectuées sur des merlons
de protection en vraie grandeur ou sur des modèles physiques à échelle réduite, des
modélisations numériques ont été entreprises dans le but d’une part de valider
l’approche de calcul proposée, puis d’étendre les résultats à d’autres configurations
d’ouvrage.
Au cours des années, les approches mettant en œuvre des lois de comportement simples
et traitant la sollicitation d’impact de manière pseudo-statique, se sont progressivement
raffinées pour laisser place à des modèles capables de représenter plus fidèlement la
dynamique de l’impact. Des lois de comportement plus évoluées ont été proposées pour
caractériser le comportement d’ouvrages renforcés.
II.3.1. Les approches continues
II.3.1.a. Modèles pseudo-statiques
A notre connaissance le premier modèle numérique de merlon de protection a été
proposé par Burroughs [Burroughs et al. 1993].
Les résultats expérimentaux réalisés sur des remblais renforcés par des géosynthétiques
et confinés par des parements verticaux en bois, présentés précédemment, sont utilisés
par l’auteur pour calibrer les paramètres des matériaux d’un modèle numérique
sommaire.
Le comportement mécanique de la structure est caractérisé par des lois élastiques
linéaires isotropes et le chargement est appliqué de manière quasi-statique sous forme
de forces ponctuelles au niveau de l’impact [Figure 1-11].
Chapitre 1 : Etat de l’art : impact sur géomatériaux. Cas des ouvrages de
protection
Figure 1-11 : Déformée du modèle éléments finis lors de l’impact
[
Burroughs et al. 1993
].Dans ses travaux, Subrin [Subrin 2006] s’intéresse au comportement mécanique d’un
merlon sous impact, pour évaluer les efforts transmissibles à la voûte d’un tunnel,
positionné à l’aval de la structure.
Les simulations numériques sont réalisées en 2D puis 3D avec le code de calcul aux
éléments finis CESAR-LCPC, en considérant un chargement d’impact pseudo-statique.
Le tunnel et le substratum sont caractérisés par des modèles élastiques et les matériaux
granulaires par des modèles élasto-plastiques avec des critères de rupture de type
Mohr-Coulomb, et prenant en compte un angle de dilatance (règle d’écoulement associée).
L’effort statique équivalent de l’impact F
I, appliqué au niveau du parement amont du
merlon, est déterminé par la formule issue des essais expérimentaux de Montani
[Montani1998] :
6 , 0 4 , 0 7 , 0 5 , 0tan( )
8
,
2
m I E I Ic R M E
F =
−ϕ (1-4)
Avec c
m, φ et M
Erespectivement l’épaisseur, l’angle de frottement et le module de
compressibilité du matériau amortissant, R
Ile rayon de l’impactant et E
Il’énergie du
bloc avant impact.
Les simulations réalisées [Figure 1-12] ont permis de tester différentes configurations
géométriques d’ouvrage et leur influence sur les efforts repris dans la voûte du tunnel.
La limitation de la transmission des efforts dans le tunnel par rupture en cisaillement
des matériaux granulaires a ainsi été mise en évidence.
Figure 1-12 : Modélisation du merlon de protection et du tunnel par une approche continue aux éléments finis [Subrin 2006].
Chapitre 1 : Etat de l’art : impact sur géomatériaux. Cas des ouvrages de
protection
II.3.1.b. Modèles dynamiques d’impact
Modélisations continues de merlons réduits : 3 modèles de comportement
Les modèles réduits testés expérimentalement par Aminata [Aminata et al.2008] ont été
modélisés par une approche dynamique avec le code de calcul LS-DYNA
[Sung et al. 2008].
Les modèles sont constitués d’un matériau homogène équivalent à l’ensemble composé
par les renforcements et les géomatériaux. Trois approches continues, se différenciant
par le modèle de comportement retenu : une loi élastique, une loi visco-élastique
(dégradation du module élastique avec le temps) et une loi élasto-plastique avec un
critère de rupture de type Drucker-Prager sont étudiées parallèlement.
Le module d’Young (et son évolution au cours du temps pour l’approche
visco-élastique) et les paramètres de plasticité sont calibrés directement à partir des forces
d’impact mesurées expérimentalement.
La force d’impact expérimentale a pu être correctement approchée par les modèles
visco-élastique et élastoplastique, du point de vue de la durée d’impact et de la valeur
maximale de l’effort [Figure 1-13 a]. Les déplacements calculés ont permis d’estimer
assez fidèlement l’enfoncement maximal de l’impactant. Le rebond en fin d’impact,
quasi-inexistant expérimentalement, est plus ou moins marqué en fonction de la loi de
comportement retenue [Figure 1-13 b]. Ce dernier résultat montre l’importance de la
dissipation d’énergie par rupture du sol en cisaillement lors de l’impact dynamique
d’un ouvrage de protection de type merlon.
(a) (b)
Figure 1-13 : Forces d’impact (a) et enfoncements (b) calculés pour les trois modèles de comportement, pour un impact d’énergie EI = 55 kJ réalisé sur le merlon composé de
gabions en fer forgé [Sung et al. 2008].
Approches continue et analytique d’un remblai renforcé par géotextile
Pour aider à la compréhension du comportement mécanique des ouvrages sous impact,
l’analyse des expérimentations menées sur des structures en remblais renforcés
[Peila et al. 2000] [Peila et al. 2002], est réalisée à l’aide de modèles numériques
continus en 3D [Peila et al. 2007] [Ronco et al. 2009].
Chapitre 1 : Etat de l’art : impact sur géomatériaux. Cas des ouvrages de
protection
Le code de calcul utilisé : ABAQUS/explicit, est un code éléments finis qui utilise un
schéma d’intégration explicite pour résoudre des problèmes dynamiques non-linéaires.
Le comportement du sol de remblai a été défini par une loi élasto-plastique avec un
critère de rupture de type Drucker-Prager. Les nappes de géogrilles ont été modélisées
par des éléments structurels de type coque au comportement élastique, et en interaction
avec le sol par des interfaces frottantes pour rendre compte du glissement, observé
expérimentalement, des couches de sol les unes par rapport aux autres.
Les résultats de simulation [Figure 1-14] sont en adéquation avec la pénétration de
l’impactant et le déplacement du parement aval de l’ouvrage mesurés
expérimentalement. La validation de l’approche numérique élaborée a permis de tester,
à moindre coût, le comportement des ouvrages pour des niveaux d’énergie, des masses
et des vitesses d’impactants différents.
Les calculs ont confirmé le comportement par couches de l’ouvrage et ont permis de
quantifier la répartition entre l’énergie dissipée par compaction et par plastification au
niveau de l’impact (80 à 85 % de l’énergie totale), et l’énergie dissipée par frottement
(15 à 20 % de l’énergie totale) au niveau des zones de glissement localisées
principalement au niveau des interfaces entre les différentes couches de sol.
Figure 1-14 : Visualisation des déplacements dans le remblai pour un impact de 6000 kJ. Mise en évidence du glissement des couches les unes par rapport aux autres [Ronco et al.
2009].
Figure 1-15 : Hypothèse de la déformée du remblai après impact dans la méthode analytique proposée par [Ronco et al. 2009]
Chapitre 1 : Etat de l’art : impact sur géomatériaux. Cas des ouvrages de
protection
Fort de la confrontation des résultats expérimentaux et numériques concernant l’impact
de remblais renforcés par des nappes de géogrilles, Ronco [Ronco et al. 2009] propose
une méthode de dimensionnement basée sur une dissipation de l’énergie d’impact à la
fois par plastification du sol dans la zone d’impact, et par glissement plan des couches
de sol au niveau des géogrilles.
Le déplacement δ
pdes couches de sol impactées [Figure 1-15], associé à la
plastification des matériaux, peut être vu et calculé comme le déplacement engendré par
la force agissant pendant l’impact pour équilibrer les 80 à 85 % de l’énergie totale,
affectés à ce mode de dissipation. En faisant l’hypothèse d’une répartition triangulaire
des forces au cours de l’impact, la pénétration δ
pdue à la plastification est alors
exprimée par [éq. (1-5)]
: I I I pF
V
m
à0,85)
280
,
0
(
=
δ (1-5)
Où m
Iest la masse de l’impactant, V
Isa vitesse, et F
Ila force maximale lors de
l’impact.
Pour estimer la force maximale d’impact F
I, il est possible de recourir aux formules
proposées par Montani et Labiouse [Montani 1998] [Labiouse et al. 1996], issues
d’essais d’impact sur matériaux granulaires reposant sur une structure rigide.
( )
3/5 5 / 1 5 / 2(0,80 0,85)
765
,
1
E I I IM R à E
F = (1-6)
Où M
Eest le module de compressibilité du matériau, R
Ile rayon de l’impactant, et
E
Ison énergie cinétique initiale.
Le déplacement ξ associé au glissement des cellules [Figure 1-15], est alors estimé en
équilibrant 15 à 20 % de l’énergie totale par le travail absorbé par frottement lors du
glissement des couches de sol impactées (supposées rigides) sur les couches
environnantes.
Les deux déplacements δ
pet ξ connus, la stabilité du remblai doit être assurée en tenant
compte de sa nouvelle déformée pour que son dimensionnement soit validé.
Cette approche analytique de dimensionnement a été confrontée aux résultats de
simulations numériques. La bonne concordance des résultats entre ces deux approches
montre l’intérêt d’un tel guide pour l’ingénierie.
II.3.2. Les approches discrètes
Hearn [Hearn et al. 1996] est le premier auteur à utiliser une approche discrète pour
l’étude des merlons de protection. Le modèle est constitué d’un ensemble de blocs
parallélépipédiques dont le comportement est linéaire élastique [Figure 1-16]. Les
interactions entre chaque élément sont régies par une loi de frottement de type
Coulomb. L’impact de la sphère est simulé dynamiquement.
Le modèle numérique a d’abord été calibré à partir d’une configuration d’essai, puis
testé pour un ouvrage de taille différente. Les déformations calculées du parement aval
en fonction de l’énergie d’impact sont en adéquation avec les ordres de grandeur des
résultats expérimentaux, malgré la simplicité de l’approche proposée.
Chapitre 1 : Etat de l’art : impact sur géomatériaux. Cas des ouvrages de
protection
Figure 1-16 : Déformée du modèle discret avant et après impact [Hearn et al. 1995].
Modèle discret appliqué à des ouvrages de type merlons [Plassiard 2007]
La modélisation par éléments discrets peut s’avérer être un outil efficace pour traiter les
grandes déformations dans un géomatériau sous impact. Dans une première étude,
Plassiard [Plassiard et al. 2004] propose un modèle de merlon de protection, constitué
par un massif en terre renforcé par nappes de géotextile et géogrilles [Peila et al. 2000].
Le code de calcul (SDEC) [Donzé et Magnier 1997] est basé sur une méthode aux
éléments discrets utilisant des éléments sphériques. Le matériau de remplissage ainsi
que les éléments de renforcement ont été décrits par des lois de comportement de type
élasto-plastique. Chaque nappe de géotextile est modélisée par une rangée d’éléments
pour permettre le glissement plan, constaté expérimentalement, entre les différentes
couches de sol [Figure 1-17]. Les différentes simulations ont par ailleurs montré
l’apport des renforcements dans la diffusion des déplacements dans l’ensemble de
l’ouvrage impacté.
Avec ce modèle, le comportement général de la structure semble avoir été correctement
approché mais montre la difficulté de modéliser simplement le comportement des
renforcements et de leurs interactions entre eux ou avec le sol environnant. Pour
modéliser correctement le comportement d’une nappe de géotextile, d’autres
développements sont nécessaires, en utilisant par exemple des éléments plaques de type
éléments finis [Le Hello 2007].
Figure 1-17 : Cinématique de déformation du modèle avec double nappes de géotextile [Plassiard et al. 2004]
Chapitre 1 : Etat de l’art : impact sur géomatériaux. Cas des ouvrages de
protection
mI dI VI α β T(a) (b)
Figure 1-18 : Modèle numérique discret d’un merlon homogène (a). Schéma récapitulatif des grandeurs géométriques et des conditions d’impact testées (b) [Plassiard 2007].
Lors de son travail de doctorat, Plassiard [Plassiard 2007] met en place un modèle
discret de merlon homogène [Figure 1-18 a], d’une hauteur maximale de H = 5 m,
d’une largeur en crête de T = 2 m et soumis à des impacts atteignant une énergie de
10000 kJ.
Une Loi de Transfert du Moment [Plassiard et al. 2009] est introduite pour conférer une
résistance importante au cisaillement du modèle constitué d’éléments sphériques. Pour
favoriser la dissipation d’énergie du modèle lors de l’impact, trois lois de
comportement additionnelles ont été étudiées successivement : une loi élasto-plastique
en compression, une loi avec endommagement en décharge et une loi visqueuse non
linéaire [Plassiard et Donzé 2010], calibrées à partir d’essais expérimentaux en
dynamique [Montani 1998] [Pichler et al. 2005].
Dans une étude paramétrique, les caractéristiques liées à l’impactant, à l’énergie, à
l’impact, à la géométrie de l’ouvrage et à son comportement mécanique, ont été
étudiées pour permettre d’identifier les paramètres les plus influents sur le
comportement sous impact [Figure 1-18 b].
Les grandeurs analysées par Plassiard sont la trajectoire du bloc rocheux, les forces
d’impact ainsi que son énergie cinétique au cours du temps. De manière générale,
l’auteur s’intéresse plus à la capacité du merlon à arrêter la course de l’impactant
qu’aux dommages engendrés dans la structure.
Les principales conclusions de cette analyse numérique peuvent être résumées ainsi :
- Les risques de franchissement et de déstructuration de l’ouvrage augmentent
avec la hauteur d’impact. Pour un impact, situé au dessus des 3/4 de la hauteur
du modèle, la fonction de protection n’a pu être assurée.
- La taille de l’impactant est un paramètre à part entière du problème d’impact,
pas seulement l’énergie.
- Une forte inclinaison du parement amont limite le risque de franchissement
mais augmente les efforts horizontaux transmis à l’ouvrage.
- Pour une trajectoire ascendante de l’impactant, les déplacements sont
concentrés dans la partie supérieure de l’ouvrage (confirmé par [Subrin 2006])
ce qui est dommageable pour la stabilité. Le risque de franchissement en est
également augmenté.
- La rotation de l’impactant favorise le risque de franchissement par roulement
comme évoqué par Jarrin [Jarrin 2001].
Chapitre 1 : Etat de l’art : impact sur géomatériaux. Cas des ouvrages de
protection
L’auteur insiste sur le fait que des paramètres comme la rotation et l’angle d’incidence
du bloc ne sont que très rarement pris en compte dans les guides de dimensionnement
[Ronco et al. 2009] [Tissières 1999] alors que leur influence, sur la capacité de
l’ouvrage à assurer sa fonction de protection, s’avère primordiale.
Modèle discret d’un parement en gabion [Bertrand 2006]
Lors de la phase initiale du projet de recherche REMPARe, Bertrand [Bertrand 2006]
[Bertrand et al. 2007] propose d’étudier le comportement sous impact d’un ouvrage
théorique à technologie cellulaire, composé par l’assemblage de cellules de gabions
remplis de pierres, et s’appuyant sur une structure rigide à l’aval. Pour cette zone, le
comportement de chaque cellule est obtenu par des lois d’interaction définies entre
l’élément discret individuel placé en son centre et ceux correspondant aux cellules
contigües [Figure 1-19].
Les interactions entre les éléments discrets caractérisent à la fois le comportement de
l’élément « cellule de gabion » et les interfaces entre cellules. Dans la direction normale
au contact entre cellules, une loi élastique parfaitement plastique est proposée rendant
compte du comportement d’une cellule de gabion en compression. Les paramètres de la
loi ont été calibrés à partir d’essais de compression simple [Bertrand et al. 2005]. Dans
la direction tangentielle, l’interaction entre deux cellules est gérée par un modèle de
frottement de type Coulomb. Au niveau du parement impacté, une couche d’éléments
discrets est introduite pour assurer le transfert de l’énergie de l’impactant vers le corps
de l’ouvrage.
Une étude paramétrique a permis d’évaluer l’influence des paramètres d’interaction
entre cellules, mais aussi d’explorer des conditions d’impact variées. Par exemple, pour
une même énergie d’impact mais pour des diamètres d’impactant variables, l’effort
d’impact calculé varie de manière importante (la durée d’impact augmente
considérablement avec la taille du bloc) [Figure 1-20]. Il en ressort que la seule énergie
initiale ne peut suffire pour caractériser l’impact. Il est alors nécessaire, dans une
approche de dimensionnement de considérer au moins le couple masse-vitesse du bloc
incident.
Figure 1-19 : Schéma du modèle de l’ouvrage discrétisé par des lois d’interaction dans la zone amont et par des « clumps » au parement [Bertrand et al. 2007].
Chapitre 1 : Etat de l’art : impact sur géomatériaux. Cas des ouvrages de
protection
Figure 1-20 : Influence du diamètre du bloc sur la réponse de la structure pour un même niveau d’énergie d’impact [Bertrand 2006].