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L’utilisation de pigments, tels que les terres ocres jaunes, rouges, la craie, le noir de carbone, est attestée dès le Paléolithique supérieur dans l’art pariétal. Bien que la plupart des pigments utilisés jusqu’au milieu du XXème s. soient d’origine naturelle, quelques-uns d’entre eux étaient synthétisés, depuis des époques très reculées, ce qui est le cas du blanc de plomb.

La cérusite, à l’état géologique naturel était semble-t-il connue des Sumériens, et portait le nom de « zatunir », (du terme « zatu » signifiant « pierre lourde »), sans doute en raison de sa forte densité d’environ 6,58 g/cm3 (Petit, 1999).

Le blanc de plomb - sous sa forme naturelle c’est-à-dire non synthétisé - apparaît dès l’Antiquité égyptienne. Dans l’Antiquité classique, on parle de cerussa (terme latin) ou de

psimythion (terme grec) pour désigner le pigment blanc de plomb. Son utilisation était alors

dévolue à la fabrication de fards. Ce pigment est décrit par P. Martinetto comme le troisième composé au plomb le plus fréquemment relevé au sein des échantillons archéologiques, derrière la galène PbS de couleur noire et les composés chlorés de plomb (Martinetto, 2001). Il ne sera cependant synthétisé volontairement que plus tard, en Grèce, durant les périodes

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classique et hellénistique pour la fabrication de cosmétiques et de poudres pharmaceutiques (Caley, 1946). U. Knigge mentionne ainsi l’utilisation de la céruse pour farder le visage des comédiens lors de représentations de tragédies au VIème s. avant J.-C. (Knigge, 1991). Remarquons que cet emploi cosmétique perdurera jusqu’au XVIIIème

s. (Lanoë, 2002).

C’est également en Grèce que les premières utilisations du blanc de plomb comme pigment pour la peinture ont été relevées. Le pigment a ainsi été utilisé dans les stèles alexandrines (IIème s. avant J.-C.) conservées au Musée du Louvre (Walter, 1998), mais aussi dans la polychromie de stèles gravées (Vergina, Macédoine ; Demetriade ; Thessalie…), ainsi que sur des peintures murales de plusieurs tombes (Finikas, Palmettes…) (Brecoulaki, 2002 ; Kakoulli, 2002). Le blanc de plomb y est utilisé comme sous-couche, mais également en mélange avec des couleurs (Brecoulaki, 2000). L’utilisation du blanc de plomb comme pigment est également attestée dans les portraits du Fayoum (Stout, 1932 ; Ramer, 1979).

Le blanc de plomb va alors ensuite se diffuser dans l’ensemble du monde Romain. Les premières descriptions de sa fabrication sont alors données par plusieurs auteurs, d’abord par Théophraste (IVème s. av. J.C)1, puis par Vitruve (Ier s. av. J.C)2, Dioscoride (Ier s.)3 et Pline l’Ancien (Ier

s.)4.

La synthèse du blanc de plomb qui est décrite par ces auteurs variera très peu au cours des âges et repose sur la transformation du plomb métallique lors de son exposition à des vapeurs d’acide acétique (vinaigre) dans un milieu en fermentation (fumier). Bien que le mécanisme réactionnel ne soit alors que partiellement connu, il peut être résumé en trois étapes principales :

 Des morceaux de plomb métallique sont exposés à des vapeurs de vinaigre et sont attaqués chimiquement.

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Théophraste, De lapidibus, 56 ; Sur les pierres

2

Vitruve, De Architectura, 8, 6, 1

3

Dioscoride, 5, 88, 1

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 L’environnement en fermentation (température modérément élevée, présence de dioxyde de carbone) provoque une réaction de formation des carbonates de plomb.

 La substance blanche obtenue est grattée de la surface du plomb, puis broyée jusqu’à obtention d’une poudre.

Pline l’Ancien donne ainsi une description détaillée de la synthèse de la céruse dans son Histoire Naturelle :

« […] Le psimythion, c'est-à-dire la céruse, est fourni aussi par les forges de

plomb ; la meilleure céruse vient de Rhodes. On la fait de râpures de plomb très menues, qu'on met au-dessus d'un vase rempli de très fort vinaigre ; ces râpures se dissolvent ainsi. Ce qui tombe dans le vinaigre est séché, moulu, tamisé, mêlé de nouveau à du vinaigre, divisé en trochisques, et séché au soleil en été. [...] »

Un procédé très similaire est également détaillé par Dioscoride :

« Le psimythion se prépare ainsi : dans un petit pithos (grosse jarre à ouverture large qui permet la conservation des liquides ou des grains) ou dans une marmite pansue en terre cuite, verse du vinaigre extrêmement fort, mets sur l'embouchure du vase une briquette de plomb, alors que tu avais posé au préalable une claie de roseaux ; sur celle-ci (scil. la briquette) place des protections afin que le vinaigre ne s'évapore pas ; jusqu'à ce qu’elle s'écoule tombant à travers (scil. la clayette) ; alors décantez le liquide surnageant propre, verser la matière gluante dans un vase et faites sécher au soleil. Puis, vous devez la moudre dans un moulin à main ou la broyer d'une autre manière et la tamiser. Après cela, le restant du solide doit être finement broyé et tamisé ; et refaire tout cela alternativement une troisième et une quatrième fois. Le meilleur (scil. psimythe) est celui tamisé en premier, celui qui doit être doté de pouvoirs en ophtalmologie, le deuxième choix est celui qui vient après, et ainsi de suite. Et certains, plongent < un morceau de bois > au milieu du vase, et placent dessus la paille de manière qu'elle ne touche pas le vinaigre, et, après avoir fermé l'embouchure et enduit autour, ils le laissent (reposer) et tous les 10 jours, ils enlèvent le bouchon et inspectent; et quand il y a (dissolution), ils procèdent comme il a été dit. Et si quelqu'un veut lui donner forme, il doit le délayer au vinaigre fort ; c'est

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ainsi qu'il doit être formulé et séché au soleil. C'est pendant l'été que l'on doit effectuer ce qui a été dit ; ainsi il devient blanc et actif. Il est aussi préparé en hiver, les vases étant placés au dessus des fours à bains chauds ou des fourneaux. Car la température afférente a le même effet que le soleil. Le meilleur, semble-t-il est celui préparé à Rhodes, ou à Corinthe ou à Lacédémone (ancienne région de Sparte), le second choix étant celui de Dikéarchie. Il convient de le griller de la manière suivante. Sur des charbons ardents pose un vase de terre cuite neuf de préférence Attique, introduis le psimythe en poudre, et remue continuellement. Et quand il aura la couleur de cendre, tu vas le sortir, le refroidir et l'utiliser. Mais si tu veux le brûler, mets une poudre fine de psimythe dans une poêle creuse, pose-le sur des charbons, remue-le avec une férule, jusqu'à ce qu'il prenne la couleur de la sandaraque, retire-le et utilise-le. Celui qui est ainsi préparé, est appelé Sandyx par certains. Le psimythion se lave comme la Cadmie. » (Traduction G. Tsoucaris et S. Kravaritou in Welcomme,

2007).

Et enfin par Vitruve5 :

« […] Les Rhodiens placent au fond de grands récipients une couche de

brindilles de vigne, sur laquelle ils versent du vinaigre, et sur ces brindilles ils posent des morceaux de plomb. Les récipients sont couverts pour éviter l’évaporation, et après un certain temps, lorsqu’ils sont ouverts, on trouve le plomb changé en céruse

[...] »

E. Welcomme remarque dans son travail que la cérusite existe sous une forme naturelle, mais qu’étonnamment, les anciens ont eu recours à des voies de synthèse pour produire le pigment (Welcomme, 2007). Une précision de Pline à ce sujet semble indiquer que les besoins en céruse du monde antique étaient tels qu’ils justifiaient la recherche d’une synthèse chimique de ce pigment6 :

5

Vitruve, De Architectura, 7

6

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« Il y avait aussi une céruse native que l'on trouvait à Smyrne, dans le domaine

de Théodolus ; les anciens s'en servaient pour peindre les navires. Maintenant toute la céruse se fait avec du plomb et du vinaigre, comme nous l'avons dit. »

Une autre explication proposée par E. Welcomme repose sur les activités liées à l’extraction de l’argent dans les mines de plomb argentifères. Le minerai le plus riche extrait des mines était dirigé vers les fours pour être fondu, tandis que le résidu était acheminé vers les laveries où l’on séparait par flottation la poudre de minerai la plus lourde de la plus légère (plynites). On mettait alors en œuvre le procédé de coupellation permettant d’enrichir le minerai de plomb en argent puis d’en extraire l’argent purifié. Une quantité importante de scories d’oxydes de plomb était ainsi produite avant d’être transformée en plomb métallique (Conophagos, 1989). L’hypothèse est que la fabrication du blanc de plomb permettait de valoriser le plomb recueilli lors de la purification des minerais d’argent. Une citation de Pline vient appuyer cette hypothèse7 :

« La scorie du plomb est employée aussi. La meilleure est celle qui approche le plus de la couleur jaune sans vestiges de plomb, ou qui a l'apparence du soufre et n'est point terreuse. On la concasse dans des mortiers, puis on la lave jusqu'à ce que l'eau prenne une couleur jaune ; on la transvase dans un vaisseau propre, et cela à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'il se fasse un dépôt, qui est une substance très utile. Cette substance a les mêmes effets que le plomb, mais elle est plus active. Admirons l'expérience humaine, qui n'a rien laissé sans l'essayer de mille façons, pas même la lie et les résidus dégoûtants des choses ! »

Si pour Pline l’Ancien, la céruse la plus estimée dans l’Antiquité est celle de Rhodes, on en produit également à Corinthe, Lacédémone et Pouzzoles (Perego, 2005). Peu de sources sont cependant disponibles pour différencier les qualités des pigments produits à cette période.

Après la chute de Rome, les Arabes reprennent la technique de fabrication de la céruse, qui se diffuse grâce à eux dans toute l’Europe. La synthèse du blanc de plomb est

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26 également maitrisée en Asie dès l’Antiquité (IIIème

s. av. J.C), et se base sur des procédés très proches de ceux décrits précédemment (Schafer, 1956 ; Needham, 1976 ; Sheng, 1983 ; Wai, 1991).

I.A.2 À partir du Moyen Âge

Le Moyen Âge ne voit pas d’évolution majeure du procédé de synthèse utilisé au cours de l’Antiquité. Citons ainsi ce passage de l’ouvrage Schedula diversum Artium du moine Théophile, daté du XIIème s.8 :

« Pour fabriquer de la céruse, faites-vous amincir des feuilles de plomb ; puis

les déposant sèches dans un bois creux, (…) versez-y du vinaigre chaud ou de l’urine, et couvrez. Après un mois, levez le couvercle, et enlevant tout ce qui sera blanc, replacez de nouveau comme auparavant. »

Un procédé dans la continuité des techniques de synthèse antiques va ainsi être mis en place en Europe (Fig. I.1) :

 On utilise des jarres en terre cuite à deux compartiments : le compartiment inférieur est rempli de vinaigre de vin, tandis que des feuillets de plomb sont positionnés dans le compartiment supérieur, au dessus du vinaigre (sans contact direct).

 Les jarres sont enfouies sous une couche de fumier en fermentation, cela pendant une durée qui varie entre 15 et 90 jours selon les sources.

 La fermentation du fumier produit de la chaleur et des dégagements de CO2 qui se combinent avec l’attaque des vapeurs acétiques du vinaigre sur le plomb pour permettre l’apparition des carbonates de plomb à la surface des feuillets.

 Le blanc de plomb est alors retiré des plaques par grattage, et tombe sous forme d’écailles qui peuvent être broyées, lavées, séchées.

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Figure I.1 : Quelques étapes de la fabrication du blanc de plomb (Stols-Witlox, 2011 ; Baty, 2012).

Le procédé permet d’obtenir un blanc de plomb d’excellente qualité, et va être utilisé jusqu’au XIXème

s. sans modification significative. Le pigment ainsi produit va être intensivement employé dans le domaine de la peinture en continuant à être utilisé dans celui des cosmétiques, (Watin, 1773 ; Doerner, 1949 ; Harley 1982).

Une remarque importante doit ici être faite. Dans les sources historiques datées du Moyen Âge (particulièrement autour du XIIème s.), on trouve parfois la trace d’une méthode de synthèse semblant très similaire à celle qui vient d’être décrite, à une différence près d’importance, qui réside dans le scellage des pots contenant le plomb métallique enfouis sous le fumier. Il est parfois conseillé de veiller à ce que ce scellage soit le plus fort possible, afin qu’aucun gaz ne puisse circuler (Clarke, 2009) : il est alors difficile de concevoir que le dioxyde de carbone puisse atteindre le plomb métallique. Le produit de corrosion alors recueilli ne peut être que de l’acétate de plomb, plus ou moins hydraté. Pour D. V. Thompson, il est possible que cette variante par rapport à la méthode de synthèse classique soit volontaire, car le pigment issu de cette méthode de fabrication particulière était

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immanquablement soumis à un procédé post-synthèse particulier : un grillage doux à l’air libre, ou une exposition prolongée au soleil (Thompson, 1956). Il est possible que cette chauffe ait eu pour but l’obtention d’un carbonate de plomb à partir de l’acétate. Cette recette rappelle que certains procédés antiques ne semblent pas non plus reposer sur une source de CO2, notamment la synthèse décrite dans le texte de Vitruve cité plus haut. Une question cruciale portant sur le mécanisme réel de la synthèse peut alors être posée : les phases carbonates de plomb sont-elles issues d’une évolution (plus ou moins spontanée) de l’acétate de plomb ?

B. Berrie indique que Venise est le principal centre de production du blanc de plomb comme pigment de peinture, du Moyen Âge jusqu’au XVIIème s. (Berrie, 2011). Des quantités extrêmement importantes de matériaux bruts sont alors acheminées vers la ville, afin d’être transformées en blanc de plomb, qui est réexpédié dans toute l’Europe, ou bien employé localement. Les archives de Venise font état de la présence d’au moins une fonderie de plomb et d’une manufacture de blanc de plomb, ainsi que d’une boutique spécialement dédiée à la vente du blanc de plomb, sur le pont du Rialto, dans le cœur commerçant de la ville.

À la fin du XVIème s., la méthode de synthèse du blanc de plomb évolue pour répondre à une demande en pigment qui ne cesse d’augmenter. Le procédé d’empilement est alors mis au point. Les pots contenant le vinaigre et le plomb qui se présente désormais sous forme de rouleaux sont empilés sur plusieurs strates successives de fumier. Le temps de réaction est augmenté, pour permettre une attaque suffisante d’un maximum de feuillets de plomb. On peut ainsi parler d’une quasi-industrialisation de la synthèse, produisant des quantités très importantes de blanc de plomb. Cette variante améliorée, représentée en Figure I.2, connait un essor important en Hollande, si bien qu’il deviendra courant de la désigner sous l’appellation de procédé hollandais.

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Figure I.2 : Le procédé d'empilement - variante utilisant des couches d’écorce à tanin à la place du fumier (Baty, 2012). Jars : pot, Tan : tanin, Boards : planches, Lead Buckles : rouleaux de plomb métallique, Acid Jars : acide acétique contenue dans les pots, Ashes :

couche de cendres.

Le procédé d’empilement est introduit dans d’autres pays européens (Pomet, 1694 ; Dossie, 1758) avec des résultats variés, tant le savoir-faire hollandais est manquant (Stols-Witlox, 2011). Ainsi, au XVIIème s., la fabrication est conséquente en Angleterre, où au moins quatre localités sont connues pour leur production de blanc de plomb avant qu’un monopole ne soit accordé à l’une d’entre elles en 1622 (Harley, 1982).

À partir du XVIIIème s., la céruse est employée en quantités considérables dans l’industrie du bâtiment afin de blanchir les murs (Nègre, 2002). Cette utilisation du pigment se poursuit jusqu’au XIXème s. et nécessite une amélioration des rendements de production. La fin du XVIIIème s. voit également apparaitre les premières propositions de méthodes de substitution au procédé hollandais. Citons ainsi par exemple le brevet accordé à R. Fishwick pour « son invention d’une nouvelle méthode de fabrication du blanc de plomb » en 1787 (Repertory of Arts and Manufactures, 1795).

30 I.A.3 Du XIXème au XXème siècle

La découverte, dès la fin du XVIIIème s., du dioxyde de carbone permet une meilleure compréhension des mécanismes de formation du blanc de plomb, et la mise en œuvre d’une approche plus scientifique de sa voie de synthèse. Les procédés sont rationnalisés au maximum, l’ensemble des paramètres tend à être optimisé : dimension des plaques de plomb, hauteur de l’empilement, nombre de pots… (Fig I.3a). À partir du XIXème

s., de véritables usines entièrement dédiées à la fabrication du blanc de plomb sont ouvertes. De nombreux ouvriers y travaillent, permettant une augmentation considérable de la production.

Les sources documentaires se multiplient au XIXème s., et contiennent des descriptions très détaillées du procédé d’empilement tel qu’il était alors mis en œuvre (Montabert, 1829 ; Mérimée, 1830 ; Ure, 1853 ; Bradshaw, 1890 ; Goodell, 1892 ; Sabin, 1920 ).

Figure I.3 : La synthèse industrielle du blanc de plomb aux U.S.A, au début du XXème s. a) Procédé d’empilement b) Lavage du pigment c) Broyeur à blanc de plomb (Holley, 1909).

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Une légère modification du procédé est adoptée en Angleterre : le fumier est remplacé par de l’écorce à tanin (Mérimée, 1830 ; Goodell, 1892). Bien que le procédé soit alors plus long, il permet de maintenir une température plus uniforme dans l’ensemble de l’empilement, et d’éviter la formation de sulfate de plomb, résultante de la présence de sulfures dans le fumier (Hurst, 1892).

Les progrès réalisés à cette époque dans le domaine physico-chimique vont mener aux premières caractérisations du pigment. La formule de l’hydrocérusite est ainsi associée au blanc de plomb dès le début du XXème s. (Holley, 1909).

La découverte du dioxyde de carbone va également permettre une multiplication de nouveaux procédés de fabrication du pigment : la plupart des pays européens vont tenter avec plus ou moins de succès de nouvelles voies de synthèse du blanc de plomb, cela pour deux raisons.

La première est économique : l’ère industrielle débutant, les brevets innovants se multiplient et se diffusent rapidement. Mérimée décrit ainsi une variante au procédé hollandais, adoptée en Autriche qui utilise la chaleur d’une étuve au lieu de celle du fumier : des plaques de plomb sont exposées aux vapeurs du vinaigre dans des caisses en sapin (Fig. I.4). Le dioxyde de carbone est apporté grâce à l’ajout de tartre brut ou même de marbre au vinaigre de lie de vin. Un conduit de chaleur passant en dessous des caisses permet de monter la température intérieure à 30°C, juste en dessous de la température d’évaporation du vinaigre. Quinze jours suffisent pour que la totalité du plomb soit transformée en blanc de plomb, alors appelé « blanc de Krems » (Mérimée, 1830 ; Riffault, 1850 ; Ure, 1853). Ce procédé permet d’éviter la formation de sulfure de plomb et donc d’un noircissement du pigment. Le pigment obtenu via le procédé de Krems semble s’être imposé un certain temps comme un substitut valable au blanc de plomb issu du procédé d’empilement, comme en attestent ses nombreuses mentions dans les sources historiques de l’époque.

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Figure I.4 : Le procédé de Krems : les lames de plomb métallique (lead straps) sont suspendues, et un flux de CO2 et de vapeurs d’acide acétique est injecté au niveau du sol de la

structure construite pour abriter la corrosion (Baty, 2012).

La seconde est médicale : la multiplication des ateliers de production adoptant le procédé hollandais entraine une forte augmentation des cas de saturnisme : la céruse broyée à l’état sec entraine en effet la formation de poussières inhalées à longueur de journée par les travailleurs (Fig. I.5) ; les industriels sont alors sommés de proposer de nouvelles voies de synthèse inoffensives pour les ouvriers (Thibaut, 1907 ; Heckel, 1934 ; Lestel, 2002). Remarquons que les effets nocifs du plomb sur l’organisme étaient connus dès l’Antiquité (Hodge, 1981). Citons ainsi Vitruve9 : « Les tuyaux de poterie ont cet avantage qu'il est facile

de les bien réparer quand ils en ont besoin, et que l’eau y est bien meilleure que dans des tuyaux de plomb, dans lesquels il s'engendre de la céruse, que l'on regarde comme fort dangereuse pour le corps …»),

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Figure I.5 : Le démontage de l'empilement : les ouvriers ne sont protégés que par de simples