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Chapitre II : Aperçu historico-typologique des bains publics à travers les

4.6 Synthèse sur les bains en Espagne :

• On remarque dans les premiers bains arabes au niveau de la péninsule ibérique, une continuité d’usage de la tradition balnéaire héritée des romains, mais fortement influencée par les bains byzantins334. Les espaces sont plus petits, et se résument généralement à quatre salles : vestiaires ou bayt maslakh, la salle froide ou bayt el barid, la salle tiède ou bayt el wastani et la salle chaude ou bayt al sajun, où un nouveau plan plus simple s’élabore avec une ressemblance du bain Idrisside de Walila ou celui de la

Kalaa des Benis Hamad.

• Le bain devient désormais un bain de vapeur et non un bain par immersion, où la vapeur aide à la transpiration. Le bâtiment est partiellement éclairé par des lanterneaux circulaires, carrées ou en forme d’étoiles.

• Le plan général des bains d’Al Andalus est identique : il est constitué de trois espaces parallèles pourvues de vestiaires et des salles de service ; où l’intimité du baigneur doit être obligatoirement préservée. La majorité des bains de la péninsule ibérique présentent des murs en pisé, un matériau solide et dur, avec des cloisons de séparation en maçonnerie où les portes sont encadrées de brique.

• C. Fournier, nous fournit une typologie de huit modèles des bains d’Al Andalus, qui sont soit propres à une période de l’histoire, soit propres à une région spécifique (Fig.56). Les bains se répartissent dans les villes, dans les villages, ou dans les forteresses et palais, avec une ressemblance entre le bain privé et le bain public.

• L’utilisation des bains était courante parmi les différentes classes sociales, chez les monarques comme dans le reste de la ville en raison des règles de la religion musulmane. Ils étaient donc divisés en établissements privés appartenant aux palais ou aux forteresses des monarques, ou à des maisons importantes, et d'autres publics destinés à l'usage des citadins des grandes villes comme dans les petites villes et villages335.

333 https://www.alamyimages.fr/. Consulté le 25/12/2019.

334 FOURNIER, Caroline. Les bains d'al-Andalus : VIIIe-XVe siècle. Op cite. p183.

335KAYALI, Fawaz Kayali. La tipologia del bano arabe como edificio publico entre oriente y accediente.

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Figure 56: Modèles des bains d'Al Andalus. Source FOURNIER 336

• La zone de service, adjacente aux autres salles est primordiale au bon fonctionnement du bain. D’un côté il y a le four ou la chaudière, mitoyenne à la salle chaude et alimenté par divers combustibles comme le bois ou le fumier. D’un autre coté on pouvait trouver les salles de stockage derrière la salle chaude. La chaudière produisait de l’eau chaude, mais aussi de la vapeur qui été distribuée dans la salle chaude par le biais d’une ouverture faite dans un mur. Cette chaleur était aussi canalisée pour chauffer le sol à travers l’hypocauste, réalisé en briques réfractaires et évacuée à l’aide de cheminées. • La typologie et les caractéristiques générales des bains musulmans hispaniques sont

principalement liées au volume, à la taille et à l'utilisation de toutes les pièces qui composent ces bains.

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5 Les techniques de construction et matériaux utilisés dans les bains :

La construction des bains répond à deux besoins fondamentaux : conservation de la chaleur et imperméabilité. S’ajoute à cela les moyens et matériaux disponibles dans une zone précise. On a vu qu’au fil de l’évolution des bains, depuis les romains jusqu’à l’ère islamique, la technique de construction est restée identique : On a vu des bains construits en blocs de pierre de taille, en pisé ou en brique avec des coupoles et voûtes conçus pour résister aux températures élevées, à l’humidité et à la vapeur. Les sols de la salle chaude sont couverts d’un revêtement en pierre ou en marbre imperméable. L’épaisseur des mus quant à elle variait selon le matériau utilisé pour son édification, ou encore de l’intégration ou non de cheminées verticales servant à l’évacuation des fumées, et allait de 40cm jusqu’à 150cm.

La plupart des bains étaient couverts de voûtes en berceau, à l’exception du cas où la salle tiède, l’élément central été ornée d’une coupole avec voûtes dans ses galeries périphériques. La voûte est l’élément parfait pour satisfaire les exigences liées à la circulation de la chaleur, mais aussi la plus adaptée aux nefs337.

6 Conclusion :

« …Le bain islamique est le reflet de la continuité de Rome et de Byzance, et la tradition de l'architecture des bains romains semble avoir été maintenue vivante par l'islam, contrairement au christianisme. Dans les premiers siècles de leur histoire, les musulmans ne détruisent pas,

mais s’adaptent, apprennent et imitent leurs prédécesseurs… »338.

Le bain est un lieu essentiel dans la vie des musulmans, et occupe avec la mosquée et le souk un emplacement central dans le quartier comme un carrefour, une rue ou une place importante. Bien qu'il soit lié à la mosquée par sa fonction religieuse directe, il se trouve quelquefois mitoyen à cette dernière, ce qui explique ses aspects fondamentaux.

Le bain antique était un établissement sportif, culturel, social, doté de nombreuses salles afin de répondre à tous ces besoins. Il s’agissait d’un équipement important qui renfermait de nombreux espaces destinés en même temps aux sportifs, et aux baigneurs. Les nombreux espaces constituant les thermes antiques, ont été avec le temps supprimés, puisqu’ils ne répondaient plus aux besoins de la population, ce fut le cas en premier lieu des bains byzantins. En effet, ces derniers qui furent une source d’inspiration pour les premiers bains islamiques, présentaient une disposition soit linéaire, soit orthogonale de quatre salles principales : l’apodytérium, le frigidarium, le tepidarium et le caldarium antique.

337 Ibid. p115.

338 SIBLEY, Magda. the pre-ottoman public baths of damascus and their survival into the 21 st century:

an analytical survey. Journal of Architectural and Planning Research. N° 24(4). 2007. p286. www.jstor.org/stable/43030808. Consulté le 28/12/2019.

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Le bain islamique fait partie, dès le début de son apparition, des équipements urbains essentiels constituant l’urbanisme d’une ville : Il s'agit d'une installation urbaine qui non seulement facilite l'accomplissement des grandes ablutions, mais qui joue également un rôle social important car elle sert de lieu de rencontre pour la société masculine et féminine.

Les bains au Maghreb et en péninsule ibérique, quant à eux, ont durant les premiers siècles de l’ère islamique hérités des anciens bains romains et byzantins, dans la forme et l’organisation. En effet, ces derniers se composaient également de quatre salles : l’apodytérium, le frigidarium, le tepidarium et le caldarium, contrairement aux bains omeyyades du Moyen Orient, où le

frigidarium a été supprimé.

A travers les exemples étudiés à l’époque islamique, on peut conclure trois modes d’organisation différentes :

- Une organisation orthogonale : similaire aux bains omeyyades, et au deuxième type d’organisation des bains byzantins. Dans ce type d’agencement, l’apodytérium, forme un angle droit avec les trois autres espaces. C’est le cas des bains de Walila, de la Kalaa

des Benis Hamad, d’Oreto-Zuqueca, des bains califaux de Cordoue, ou encore du

banuelo de Grenade. Ces bains datent d’entre le VIIIe et le XIIe siècle.

- Une organisation linéaire et en enfilade : Les quatre salles se succèdent suivant un axe linéaire. Comme le bain du Cárcel San Vicente, les bains de la Tropa, ou encore celui de Churriana de la Vega à Grenade. Ces bains dataient d’entre l’IXe et le XIIe siècle. - Une organisation centralisée : Dans cette organisation, un nouveau schéma apparait, où

la salle tiède ou tepidarium, occupe l’espace central du bain autour duquel s’organisent les autres salles. On le remarque au niveau du bain de Baza, de Jaen, et des deux bains almoravides de Tlemcen et de Nedroma. Ces bains ont été construits entre le XIe et le

XIIIe siècle.

De l’extérieur il n’existait guère de différence entre une habitation et un bain, où le principe d’introversion se répétait et donc l’inexistence d’ouverture sur l’extérieur. Parmi les caractéristiques des bains de l’époque islamique on constate :

- Pas de cour pour accéder aux bains : il n’existe pas d’exemples d’accès au bain par une cour, mis à part el banuelo de Grenade, pourvus d’un patio.

- La première salle servait aux vestiaires, appelé apodytérium chez les romains et bayt el-

Maslakh chez les arabes. C’est là où se trouvaient cintres, armoires et autres

équipements permettant à l’utilisateur de laisser ses vêtements et de se préparer à entrer dans les autres pièces pour le bain. Elle servait aussi de pièce d’accueil et donc un espace intermédiaire entre la rue et le bain.

- Des latrines se trouvaient quelquefois au niveau des vestiaires. - Le bain se composait de trois principales pièces :

1. Salle d'eau froide. Nommée bayt al-barid, ce qui était équivalent au frigidarium romain, elle est devenue plus modeste et plus petite. Cet espace menait à la salle tiède, elle n’est plus un élément principal du bain comme ce fut le cas au temps des thermes romains. Dans quelques bains au Maghreb cet espace se trouvait confondu avec les

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vestiaires : Le frigidarium devenu vestiaires-repos pour les baigneurs avec quelquefois un jet d’eau en son centre. C’est alors un espace qui favorise les échanges et discussions après le bain.

2. Salle d'eau tiède ou bayt al-wastani, comme le tepidarium romain. Elément important dans les bains islamiques, où des massages et lavages pouvaient être destinés aux baigneurs dans une température modérée. Inspiré du tepidarium romain, vaste espace parfois décoré de statuaires. Le bayt al-wastani bénéficie souvent d’un traitement architectural particulier. La salle tiède, reflète de nouvelles caractéristiques avec des typologies différentes suivant son programme d’utilisation qui demandait une telle importance et qui répondait à des objectifs hygiéniques et sociaux en raison du grand nombre de personnes regroupées dans ses murs. Elle était couverte généralement d’une voûte. Sa forme a évolué et est passée d’une salle rectangulaire et allongée à une salle carrée plus grande, et pourvue de galeries.

3. Salle d'eau chaude ou bayt al-sajun, le caldarium romain, elle remplissait une fonction principale, puisque c’est là que se déroulait le lavage à proprement parlé : Un seul espace chauffé directement par hypocauste, faisant office d’espace de bain de vapeur, où se trouvent des bassins d’eau chaude et froide avec quelques fois des niches privées.

- À côté de la salle d'eau chaude, il y avait un four et une chaudière pour chauffer l'eau et permettre à la chaleur de circuler sous le sol.

- La forme des salles était rectangulaire ou carrée.

- Les pièces étaient voûtées, et reposées sur des murs verticaux, avec des arcs en plein cintre ou brisés outrepassés soutenus par des colonnes autoportantes.

- Au moment où la salle tiède est devenue un espace important dans le bain, avec une forme carrée, une coupole ornait cet espace.

- Des ouvertures en forme de cercles, d’étoiles, ou polygonales perçaient les voûtes ou coupoles des salles afin de permettre le passage de lumière naturelle et éviter les condensations de la vapeur d’eau.

- Suppression du bain et des bassins d’immersion en raison de la rareté de l’eau, si ce n’est dans quelques bains en Egypte et en Syrie.

- Disparition de la pratique de délassement par immersion dans les eaux chaudes et froides, d’où la suppression des bassins collectifs et individuels.

- Absence des espaces de sport toujours en continuité dans le même esprit des bains byzantins.

- Apparition dans quelques bains d’une dalle servant au massage des baigneurs, au milieu de la salle chaude.

- La construction des bains avec des murs épais et une structure solide, ce qui a rendu possible la conservation d’un grand nombre de ces bâtiments.

- Le parcours du baigneur est le plus souvent rétrograde, où des allers retours l’obligent à passer par les mêmes pièces.

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Le bain vu de l’extérieur semble être un bâtiment simple, sans fenêtres et pourvu de voûtes et de dômes ; coiffé de lucarnes en forme d’étoiles, ou coniques pour le passage de lumière, créant ainsi une architecture purement intérieure.

Le bain hispano-musulman et ceux d’Afrique Du Nord, semblent quant à eux être des dérivés directs du bain byzantin, et de quelques bains omeyyades, résultant de la progression de l’islam d’est en ouest. Les rituels d’ablution qui sont assignés aux musulmans ont fait que le bain est lié quelquefois directement à la mosquée, où le binôme mosquée-hammam est présent dans l’espace urbain musulman. S’ajoute à cela une évolution vers une fonction sociale qui ne peut être séparée de la fonction des thermes romains, et c’est donc un double volet religieux et socioculturel qui caractérise le bain islamique.

Dans le chapitre suivant, nous aborderons notre cas d’étude, à savoir le bain d’Agadir ; en commençant d’abord par une présentation générale du site et du monument, ensuite en présentant ses caractéristiques matérielles, fonctionnelles, et en analysant les interventions effectuées dans le passé.

Chapitre III