• Aucun résultat trouvé

Chapitre II : Aperçu historico-typologique des bains publics à travers les

2.3 Conclusion :

Face à la richesse du programme architecturale des thermes romains, les architectes avaient l’opportunité de créer différents espaces spectaculaires, principalement le tepidarium ou le

197GINOUVES, René ; MARTIN, Roland. Dictionnaire méthodique de l'architecture grecque et

romaine, III : éléments espaces architecturaux, bâtiments et ensembles. Op cite. p83.

198 BAHLOUL GUERBABI, Fatima Zohra. Etude et mise en valeur des thermes publics romains de

Thamugadi-Timgad, Lambaesis-Lambese et Cuicul-Djemila. Thèse de doctorat en architecture. Université de Biskra. 2016. p123.

85

frigidarium qui avaient un rôle social important. Le schéma ci-dessus résume l’organisation des

thermes antiques. (Fig.23).

Figure 23: Schéma d'organisation des thermes à l'antiquité. Source auteur

3 Les édifices thermaux de l’antiquité tardive :

Les datations exactes de ces édifices durant l’Antiquité tardive demeurent imprécises, mais on peut dire que ces constructions appartiennent, pour certaines, aux décennies précédant immédiatement l’arrivée des Vandales et pour la plupart, à la période Vandalo-Byzantine199.

Y. Thébert écrivait dans son ouvrage : « la période Vandalo-Byzantine est caractérisée par un

dynamisme urbain suffisant pour remodeler les villes mais dont les limites se perçoivent à travers la façon simplifiée dont celles-ci sont reproduites et à travers une incapacité à prendre en charge la totalité des superficies autrefois urbanisées ». On constate ainsi que le bain

maghrébin byzantin a maintenu l’art du bain mais en ôtant les espaces inutiles qui contribuaient à sa grandeur d’antan.

Les édifices ont été amputés des espaces de sport comme les piscines et palestres. Le

frigidarium, bain froid reste toujours pratiqué mais de surface plus réduite, ainsi que les salles

chauffées dont le nombre a été réduit, comme à Carthage avec les thermes d’Antonin ou encore

199 BONATO-BACCARI, Stéphanie. Yvon THÉBERT, Thermes romains d'Afrique du Nord et leur

contexte méditerranéen. Études d'histoire et d'archéologie. L 'Antiquité Classique. N°74. 2005. p654. https://www.persee.fr/doc/antiq_0770-2817_2005_num_74_1_2584_t2_0653_0000_3. Consulté le 16/06/2019.

86

à Timgad. Les bains d’immersion toujours présents, sont aussi plus petits et moins nombreux ne pouvant être utilisés que par une seule personne à la fois200.

Un travail important sur les thermes de l’Antiquité tardive, leurs transformations ou encore leurs devenirs en Andalousie, a été fait par des architectes et archéologues espagnols, ces mêmes travaux ont été publiés dans l’ouvrage de C. Fournier. En Hispanie, entre le VIe et le VIIe siècle, certains bains ont même été convertis en espaces funéraires, et on voyait l’apparition de cimetières à la place. Quelquefois même ils ont été reconvertis en habitat et zone d’activité artisanale.

Enfin, un autre réemploi fut celui de réutiliser les thermes romains comme espaces de culte, dû à la robustesse des structures, mais aussi pour un gain important de temps et d’argent. D’après un inventaire fait sur les bains en Andalousie, plus de la moitié des bains est abandonnée dès le IVe siècle, mais avec un certain nombre de complexes balnéaires qui subsistent et témoignent d’une continuité d’occupation. Il existe des bains réaménagés au cours des Ve et VIe siècles et

certains sont même nouvellement construits201.

En Occident, et au moment de l’arrivée du christianisme, le bain devient une pratique de purification liée à la religion, comme les baptêmes, et les habitants continuaient à se servir des thermes publics. En effet, Quand il naît, l’enfant est plongé dans un bain puis emmailloté de bandelettes ; Le bain à la naissance de l’enfant est un geste élémentaire qui a une valeur d’initiation. L'organisation des thermes n'avait guère varié depuis l'époque romaine. A l’époque protobyzantine, le bain avant le mariage est même attesté par Astérios d’Amasée, évêque de la région du Pont à la fin du IVe siècle dans son dix-neuvième sermon festif. Il est le premier à parler de la toilette post-fiançailles suivant le jour du couronnement nuptial202. A. Berger fait

le postulat que cette cérémonie se passait dans les bains publics, cet usage est si populaire que des costumes de bain figurent dans les trousseaux des mariées203 : coutume qui continue à subsister jusqu’à nos jours dans certaines villes algériennes comme à Tlemcen. L’édifice était le plus souvent attaché à un complexe palatial ou à une cathédrale. Les grands thermes de Cherchell, ont même été transformés en un musée, sorte d’asile pour les images des dieux déchus204.

On trouvait aussi à la même période en péninsule Ibérique, des bains rattachés à des ensembles cathédraux liés au pouvoir religieux, édifiés entre le Ve et le VIe siècle. Ces bains étaient de

200 THEBERT, Yvon. Thermes romains d'Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen : Etudes

d'histoire et d'archéologie. Op cite. p235.

201 FOURNIER, Caroline. Les bains d'al-Andalus : VIIIe-XVe siècle. Op cite. p62.

202 BREHIER, Louis. Le Monde byzantin, tome 3 : La Civilisation byzantine. Editeur Albin Michel.

Paris. 1950. p230.

203 BERGER, Albrecht. Das Bad in der byzantinischen Zeit. Éditeur Institut für Byzantinistik und

Neugriechische Philologie der Universität. Köln. 1982. p125.

204 GSELL, Stéphane. Les monuments antiques de l'Algérie. Tome I. Editeur A. Fontemoing. Paris.

87

taille moyenne, construits avec des murs de pierres consolidés par du mortier. Malheureusement peu de données existent sur ces bains, la majorité ayant disparue.

Y. Thébert, consacre ses recherches sur les bains religieux en Afrique du Nord, de dimensions plus restreintes, et nous donne la forme de ces bains, où une certaine simplification demeure avec réduction de la surface en comparaison avec les bains antiques205 (Fig.24).

Figure 24: Plans des bains d’ensembles cathédraux d’Afrique du Nord. Source FOURNIER 206

Cette transition de l’Antiquité tardive à l’époque islamique à partir du Ve siècle, s’est faite avec

des changements et des ruptures, mais aussi avec des éléments de continuité, changements dus en partie à l’arrivée de nouvelles populations. La pratique du bain est toujours présente, que ce soit au niveau du balneum privé, ou des thermae publics et donc plus vastes.

On constate ainsi durant cette époque un maintien des mêmes techniques de constructions, tout en exploitant quelques fois des édifices anciens. Même si la forme du bain évolue à l’époque

205 FOURNIER, Caroline. Les bains d'al-Andalus : VIIIe-XVe siècle. Op cite. p53. 206 Ibid. p53.

88

byzantine, et la pratique est plus limitée à la propreté du corps, la technique de chauffage est restée fidèle aux premiers thermes. Le bain de la forteresse byzantine à Timgad en est le parfait exemple : tepidarium sur hypocauste à chauffage indirect, laconicum avec foyer et double- paroi, le caldarium étant équipé, quant à lui, de deux foyers207.

Les bains byzantins sont nombreux, disséminés à travers le monde hellénistique, ils se développèrent à leur manière toujours en exploitant les édifices anciens. Mais leurs dimensions restent néanmoins plus modestes que les thermes impériaux du IIe siècle. La réduction de la taille des bains a aussi une explication d’ordre économique : J. Biers remarque la réduction des salles de bains chauffées comparées aux salles non chauffées, le charbon est devenu plus rare et plus cher208.

A la charnière entre la période romaine et le début de l’islam, la période byzantine correspond en effet à un renouvellement des édifices thermaux, en enrichissant les villes d’édifices plus modestes avec un maintien de la pratique balnéaire héritée des Romains. Le protocole du bain Byzantin reste néanmoins fidèle à son prédécesseur romain : « après avoir déposé leurs

vêtements dans les vestiaires gardés par des esclaves et sous le regard du préposé au bain, les Byzantins vont transpirer dans la salle tiède (tepidarium), puis dans une salle plus chauffée, le laconicum (étuve sèche) ou le sudatorium (étuve humide). Ils passent ensuite au bain

chaud, puis vont nager dans la piscine d’eau froide »209.

Durant la période byzantine le bain a plusieurs fonctions : un lieu d’antagonisme politico- religieux et de discussion théologique, un lieu de diffusion de la religion chrétienne, et surtout un vecteur de sociabilité. Mais progressivement et à partir du VIe siècle, le bain passe de lieu collectif de détente et de loisirs à un lieu plutôt privé axé exclusivement sur l’hygiène. Si, comme l’explique R. Ginouvès « le bain romain, dans les trois premiers siècles de notre

ère, se prend normalement dans des piscines collectives », la mutation la plus flagrante

des bains est dans la multiplication de cuves individuelles. Cette individualisation du bain est certainement à mettre en relation avec les réactions de pudeur chrétienne contre l’immoralité des bains210. N’empêche que le bain byzantin ait pu garder sa fonction de sociabilité : ceci s’affirme à l’importance accordée au vestibule d’entrée ou à la salle de déshabillage, où des échanges pouvaient avoir lieu.

Dans les bains byzantins, le frigidarium a presque disparu, pourtant élément principal dans les thermes romains publics. Le tepidarium, ne possède généralement plus de bassins, sert de vestiaires avant l’accès au caldarium, lui pourvu de bassins. Le bain par immersion demeure

207 THEBERT, Yvon. Thermes romains d'Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen : Etudes

d'histoire et d'archéologie. Op cite. p236.

208 BIERS, Jane. Lavari est Vivere: Baths in Roman Corinth. Corinth. N°20. 2003. p305.

Doi:10.2307/4390730. Consulté le15/03/2019.

209 RIBON, Ludivine. Christianisation et hygiène dans le monde byzantin (IVe-Xe siècle) : enjeux,

perceptions et pratiques du bain. Master 1 en histoire byzantine. Université Paris IV. 2013. p15.

210 GINOUVES, Roland. Sur un aspect de l’évolution des bains en Grèce vers le IVe siècle de notre ère.

Bulletin de correspondance hellénique. N°79. 1955. p136. https://www.persee.fr/doc/bch_0007- 4217_1955_num_79_1_2426. Consulté le 19/03/2019.

89

cependant, comme à Sergilla211 où les deux pièces chaudes du caldarium ont des baignoires de 120 cm sur 180 cm avec une profondeur de 85 cm212.

L’origine du hammam, trouve ainsi ses racines d’avantage dans le monde byzantin proche- orientale que romain. C’est en tout cas ce que confirme C. Fournier, en ajoutant que l’intérêt est porté essentiellement aux bains de propreté.