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Chapitre II : Aperçu historico-typologique des bains publics à travers les

3.3 Des exemples de bains byzantins en occident :

3.3.2 Bains byzantins de Santa Chiara : (Italie)

C’est au cœur du centre historique napolitain et plus exactement dans l’ancien complexe monumental de Santa Chiara que se dressent les bains byzantins de Naples, une ville riche en vestiges du passé et dont la majorité des monuments subsistent jusqu’à nos jours. Il n’est pas surprenant de trouver des monuments byzantins au sein de la ville, compte tenu de l’importance

246 Ibid. p10. 247 Ibid. p27.

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des liens qu’elle tissait avec Byzance. En plus de vestiges de bains romains, le site renferme des bains byzantins dont seulement deux pièces subsistent de nos jours248.

Les deux pièces séparées par une cloison, ont une toiture différente : la première salle un dôme ogival, la deuxième une voûte en croix. L’intérieur de la salle 1, est recouvert par un enduit qui ne laisse pas apparaitre les détails de construction. Cependant à l’intérieur de la coupole, là où l’enduit de plâtre s’est effondré, un mur de moellons mortaisés est visible. Cela suggère que le dôme a été construit en coulant un remplissage semi-liquide de mortier et de gravats sur un cadre en bois. Dans les quatre angles de la coupole, à la jonction de chaque pendentif, des tuyaux sont insères obliquement dans le mur, probablement des conduits d’air chaud. La toiture de la salle 2, n’est pas celle d’origine et a dû être reconstruite ultérieurement : des traces sur les murs suggèrent que la salle a pu posséder un dôme. Un banc en maçonnerie est conservé du côté nord de la pièce249 (Fig.32).

Figure 32: Plan des deux salles du bain de Santa Chiara. Source ARTHUR 250

On remarque que le bain est dépourvu d’un vestibule et d’un frigidarium, mais se compose de deux salles carrées de 2,5 à 3m, avec des couvertures en forme de coupole. Cependant, les deux salles ont été interprétées comme étant la salle chaude et la salle tiède de l’édifice : dû à la forme de leurs toitures, à la présence de canaux dans les murs, à la présence de la fontaine dans la salle 1, et à la présence du banc dans la salle 2. On peut souligner aussi le fait que la salle 1 ne communique qu’avec la deuxième salle. Bien que la pièce 2 ne présente pas de marques sur les murs extérieurs, peut-être à cause du plâtrage épais qui obscurcit maintenant les surfaces

248 ARTHUR, Paul. Naples : a case of urban survival in the early Middle Ages ? Mélanges de l'école

française de Rome. N°103(2). 1991. p71. https://www.persee.fr/doc/mefr_1123- 9883_1991_num_103_2_3200. Consulté le 28/04/2019.

249 ARTHUR, Paul. The Byzantine baths at Santa Chiara, Naples. Journal of Roman Archaeology.

Supplément N°37. 1999. p135.

https://www.academia.edu/1233320/_The_Byzantine_baths_at_Santa_Chiara_Naples_. Consulté le 28/04/2019.

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d'origine, il est possible qu'elle ait été reliée à d'autres pièces par l'intermédiaire de sa porte extérieure.

Les fouilles effectuées sur les bains de Santa Chiara, confirment qu’elles ont été occupées à l’origine par des thermes romains. Malheureusement il ne subsiste aujourd’hui que deux salles du bain, les autres ayant été détruites lors de la construction du monastère de Santa Chiara251.

3.4 Conclusion :

Les bains byzantins illustrent parfaitement la survie de la pratique balnéaire à l’essor du christianisme, et présentent une mutation et une évolution certaine vers le hammam. On remarque cependant que la tradition de l’immersion dans les bassins froids ensuite chauds perdure, avec néanmoins une réduction en nombre et en taille des baignoires, et quelquefois même leur suppression.

Les bains byzantins du Proche Orient bien conservés, présentent pour la majorité d’entre eux une organisation spatiale identique : le principe de secteur chaud et secteur froid est bien respecté, ajoutant à cela un espace polyvalent, le tepidarium dont la fonction reste floue. Les salles chaudes sont réduites en nombre et en surface, avec des bains d’immersion moins grands. Le système d’hypocauste, toujours utilisé, et les tubulures héritées des Romains se voient complété d’un foyer alimentant le bain en vapeur : cela annonce par la suite la disparition du bain par immersion et l’apparition du bain de vapeur, ancêtre du hammam traditionnel. Il est important de noter les travaux de H. Kennedy252 sur l’évolution des villes en Syrie ainsi que des bains de l’Antiquité tardive jusqu’au début de l’ère islamique253.

Dans ses travaux, H. Kennedy étudie le processus d’évolution du bain au Proche Orient, et se base particulièrement sur l’époque byzantine, une période de transition importante entre les thermes romains et les bains islamiques. Il conclura que la tradition du bain a duré sans interruption depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, mais la conception et l’échelle ont changé considérablement. Il précise que la nouvelle taille des bâtiments est plus petite par rapport aux thermes romains, mais note aussi la réduction en taille du frigidarium, autrefois la plus grande salle du bâtiment et le centre de l’activité sociale. Les nouveaux bains, comprenaient un certain nombre de salles de tailles à peu près semblables, avec des vestiaires similaires à l’apodytérium classique, comme l’atteste l’exemple du bain de Sergilla en Syrie, où les proportions des pièces et leurs dimensions réduites sont en contraste saisissant avec le bâtiment précédent. Ainsi, selon

251 Ibid. p145.

252 Hugh N. Kennedy, est un historien britannique, professeur d’arabe au sein de la Faculté des langues

et des cultures de l'École des études orientales et africaines de Londres. Ses recherches portent principalement sur l'histoire du monde arabe, sur l'archéologie arabo-musulmane et sur l'Espagne musulmane.

253 KENNEDY, Hugh. From Polis to Madina: Urban Change in Late Antique and Early Islamic Syria. The Past & Present Society. N°106. 1985. 3-27 p. http://www.jstor.org/stable/650637. Consulté le

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H. Kennedy l’origine des bains islamiques trouve sa source dans les bains de l’Antiquité tardive de la Syrie (les bains de Sergilla et de Gérasa)254.

Ainsi cette évolution des thermes impériaux vers des bains beaucoup plus modestes, s’est traduite par des changements, comme l’absence des palestres, des surfaces de bains plus réduites, ou encore absence de salles consacrées au bain chaud individuel. Mais subsiste toujours le principe du plan "rétrograde", où le baigneur traverse à l’aller comme au retour les mêmes pièces. A l’exception des travaux récents faits par G. Charpentier sur les bains protobyzantins de Syrie de nord, où il expose une analyse archéologique et architecturale afin de comprendre ce passage vers les premiers hammams omeyyades, les bains du Proche Orient firent rarement l’objet d’études255. Les rares synthèses faites sur ce type d’édifices ne relatent

que des études limitées à une zone géographique restreinte ou à une période géographique spécifique.

En plus des changements architecturaux qui s’opérèrent sur les bains de l’époque byzantine, on remarque aussi des changements d’utilisation : le bain est surtout fréquenté pour des raisons hygiéniques, et non pour discuter principalement des affaires de la société. Enfin, on ne peut qu’affirmer l’importance du rôle social et urbain des bains à l’époque byzantine, illustré par ce passage sur l’entretien des bains : « Afin que les splendides villes et villages ne tombent pas en

ruines à cause de leur âge, Nous affectons un tiers des revenus des fermes appartenant à la

municipalité à la réparation des travaux publics et au chauffage des bains » 256.

Figure 33: De gauche à droite : le circuit linéaire et orthogonal des bains byzantins. Source auteur

4 Les bains à la période islamique :

L’utilisation des bains chez les arabes est un héritage des thermes romains et byzantins, avec lesquels ils étaient en contact dans des villes du Proche-Orient et d'Afrique du Nord. Le bain

254 Ibid. p15.

255 CHARPENTIER, Gérard. Les bains protobyzantins de la Syrie du nord : une transition entre thermes

et hammâms. Thèse de doctorat en histoire. Université de Versailles. 2000. 244p.

256 ARCE, Ignacio. The Umayyad baths at Amman Citadel and Hammam al-Sarah. Syria. Archéologie, Art et histoire. N°92. 2015. p157. Doi : 10.4000/syria.3028. Consulté le 25/11/2019.

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arabe (connu sous le nom de hammam dans cette culture) est un édifice public du monde musulman dont les vestiges archéologiques nous permettent de vérifier son existence dès la période omeyyade, où il avait un rôle important reconnu par les nombreux auteurs occidentaux et arabes257.

Nombre d’ouvrages et de travaux parlent des bains à l’époque islamique, où ce type d’édifices subit non seulement des mutations dans sa forme et sa surface, mais aussi dans son usage où les pratiques évoluèrent tout en conservant le principe de gradation de la chaleur. La pratique du bain chez le musulman connait un essor dès le début de l’islam, et l’édifice fera partie des composants essentiels de la ville médiévale. "Les musulmans y sont si fortement attachés qu'ils

passent la plus grande partie de leur vie à se laver. Il n'y a point de villages qui n’aient un bain public en ville, ils sont destinés à toutes sortes de gens, de quelque religion qu’ils soient… "

J.Tournefort258.

De l’Orient à l’Occident en passant par l’Hispanie, le bain public aux fonctions hygiéniques, distractives, sociales et religieuses faisait partie intégrante des mœurs des habitants. Lié aussi aux pratiques spirituelles, le bain était souvent mitoyen d’une mosquée, ce qui en faisait un élément qui répondait aux conditions de l’urbanisme médiéval ; les bains islamiques pouvaient aussi être associés à un fondouk, souk ou un quartier spécifique. Cependant, les Arabes ont réduit la taille de ces bâtiments et normalisé la configuration de l'usage, tout en maintenant des éléments architecturaux tels que les toits voûtés.

Les premiers bains privés de l’époque islamique apparaissent à l’époque omeyyade à l’intérieur des "châteaux du désert", disposés le long des voies d’échanges qui ponctuent l’actuel désert syro-jordanien. Sinon c’est à partir du Xe siècle qu’apparaissent les premiers bains en Al-

Andalus, et chaque ville en possédait un bon nombre : C’est grâce à l’intérêt porté à la fin du XIXe siècle à l’archéologie et à l’architecture arabo-musulmane en Espagne, que la découverte d’un nombre important d’édifices balnéaires a pu être accompli259.

La pratique du bain chez le romain et le musulman est différente ; chez le musulman les bienfaits et plaisirs du bain, résulte des avantages qu’offre le bain de vapeur, du massage et enfin du repos dans une vaste salle collective pourvus d’un bassin d’eau froide en son centre.