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Chapitre I : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE

3. Apport de l’imagerie pour l’étude des transporteurs en pharmacocinétique

3.5. Les sondes pour l’imagerie des OATP

3.5.2. Synthèse et actualisation de l’article

Cet article de revue présente les différentes sondes développées pour l’imagerie des transporteurs OATP. Il est intéressant de noter que ces transporteurs peuvent être étudiés par les trois principales modalités d’imagerie clinique, et plus particulièrement par l’imagerie TEP (Figure 3 de l’article n°1). Trois de ces sondes TEP sont des statines radiomarquées ([11C]déhydropravastatine, [11C]rosuvastatine, [18F]pitavastatine) ce qui n’est pas surprenant puisque les membres de cette classe pharmacologique sont d’excellents substrats des OATP (Tableau 3), très sensibles à l’inhibition pharmacologique (Tableau 6). L’ensemble de ces sondes a été testé principalement in vitro sur des cellules exprimant des transporteurs OATP (ovocytes de Xenopus laevis, cellules rénales embryonnaires humaines HEK293, cellules ovariennes de hamster chinois CHO) et in vivo sur des modèles précliniques (Table 2 de l’article n°1). Ces études précliniques ont été réalisées sur des souris déficientes ([99mTc]mébrofénine), des souris transfectées avec une xénogreffe de OATP1A1 ([111In]EOB-DTPA et

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DTPA) et surtout avec des protocoles d’inhibition pharmacologique des transporteurs OATP : souris traitées par la rifampicine, médicament inhibiteur des OATP ([99mTc]mébrofénine), rats traités par la rifampicine ([11C]déhydropravastatine, [11C]rosuvastatine, [11C]telmisartan) et babouins traités par la rifampicine et la ciclosporine ([11C]glyburide).

A l’époque de la publication de cet article, une seule sonde, le (15R)- [11C]TIC-Me avait été testée chez l’Homme dans un protocole d’inhibition pharmacologique utilisant la rifampicine (Takashima et al., 2012). Le (15R)-[11C]TIC-Me est en fait une prodrogue très rapidement hydrolysée in vivo en (15R)-[11C]TIC, dont la clairance est majoritairement hépatobiliaire. Cette étude clinique menée chez trois volontaires sains en l’absence puis en association avec une dose de rifampicine de 600 mg par voie orale a mis en évidence une diminution de la captation hépatique du (15R)-[11C]TIC et de son élimination biliaire en situation d’inhibition des transporteurs. L’ensemble des études menées avec cette sonde a néanmoins montré la présence de plusieurs radiométabolites, que ce soit dans les cultures d’hépatocytes in vitro, dans le sang, la bile et le foie des rats ou dans le plasma humain (Takashima et al., 2012).

Plusieurs sondes alternatives ont été testées et validées comme substrat des OATP chez l’Homme depuis la rédaction de l’article : la [11C]déhydropravastatine, le [11C]telmisartan et la [11C]rosuvastatine (Billington et al., 2019; Kaneko et al., 2018; Maeda et al., 2019). La [11C]déhydropravastatine a été testée dans trois conditions différentes : conditions basales, après administration d’une dose orale de rifampicine (600 mg) et chez des patients atteints du syndrome de Dubin-Johnson, qui est une maladie hépatique héréditaire rare associée à un déficit de l’activité d’efflux biliaire de MRP2 (Keppler, 2014). L’analyse des clairances de captation hépatique et d’élimination biliaire montrait qu’elles étaient diminuées après inhibition pharmacologique. La clairance de captation était aussi diminuée chez les patients atteints du syndrome de Dubin-Johnson (Kaneko et al., 2018). L’analyse des métabolites a également révélé la présence d’un métabolite radiomarqué qui apparaissait dans toutes les conditions au

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bout de 10 minutes et dont la proportion augmentait rapidement jusqu’à 30 minutes, moment où la part de [11C]déhydropravastatine inchangée devenait inférieure à 50%. Le [11C]telmisartan a lui été administré récemment à l’Homme en l’absence puis en présence de telmisartan co-administré à dose pharmacologique (80 mg) (Maeda et al., 2019). Il a résulté de cet ajout une augmentation de la clairance d’élimination biliaire du [11C]telmisartan. Les auteurs expliquent cette augmentation d’efflux biliaire par le déplacement de la fixation tissulaire du [11C]telmisartan par les fortes doses de telmisartan non radioactif ou encore la saturation des enzymes responsables de son métabolisme, mais la contribution relative de chacun n’est pas encore clairement élucidée à ce jour.

Dans l’étude clinique avec la [11C]rosuvastatine, celle-ci est systématiquement administrée en association avec une dose pharmacologique de rosuvastatine non radiomarquée (5 mg par voie orale), afin que l’analyse de la pharmacocinétique de la [11C]rosuvastatine soit la plus représentative possible de celle de la rosuvastatine lorsqu’elle est employée dans un but thérapeutique (Billington et al., 2019). Cette étude a été menée chez quatre sujets auxquels on a administré la [11C]rosuvastatine en l’absence puis en présence d’une perfusion de ciclosporine (2,5 mg/kg/h). Une analyse compartimentale a permis de montrer que l’ajout de cet inhibiteur a réduit de façon significative la clairance d’efflux biliaire et a augmenté l’exposition plasmatique à la [11C]rosuvastatine. La captation hépatique sinusoïdale était elle aussi diminuée chez trois des quatre sujets. L’analyse compartimentale a permis en plus de déterminer la clairance d’efflux sinusoïdale, qui n’était pas significativement modifiée par la ciclosporine, mais qui était très supérieure à la clairance d’efflux biliaire (16,24 mL/min et 5,08 mL/min respectivement en l’absence de ciclosporine).

L’erlotinib est un inhibiteur de tyrosine kinase fréquemment utilisé dans le cancer bronchique non à petites cellules et dans le cancer du pancréas. Son radiomarquage récent a permis de le tester comme substrat des transporteurs OATP chez la souris, le rat puis chez l’Homme (Amor et al., 2018; Bauer et al., 2018b, 2018a). La particularité

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de cette sonde est qu’elle s’est révélée in vitro être transportée sélectivement par OATP2B1 (Bauer et al., 2018a), contrairement aux autres sondes qui étaient principalement transportées par OATP1B1 et OATP1B3, voire les trois simultanément au niveau de la membrane sinusoïdale de l’hépatocyte. La première étude clinique a été menée chez des volontaires sains en administrant le [11C]erlotinib seul puis en association à une dose pharmacologique d’erlotinib (300 mg par voie orale) (Bauer et al., 2018a). Le prétraitement par erlotinib non radiomarqué a entrainé une diminution significative de l’exposition hépatique au [11C]erlotinib associée à une augmentation de l’exposition plasmatique. Cette saturation du transport du [11C]erlotinib à travers la membrane hépatique en présence d’erlotinib non radiomarqué ainsi que les résultats obtenus in vitro suggéraient un caractère substrat de OATP2B1 in vivo. Le [11C]erlotinib a ensuite été administré chez l’Homme en l’absence puis en présence d’un traitement inhibiteur par rifampicine (600 mg par voie orale) (Bauer et al., 2018b). La présence de rifampicine a diminué la captation et l’exposition hépatiques du [11C]erlotinib mais de façon moins importante que lors des études précliniques menées préalablement chez le rat et la souris (Amor et al., 2018; Bauer et al., 2018b). Une étude précédente avait démontré que ce radiotraceur était substrat des transporteurs d’efflux P-gp et BCRP, probablement responsables de son excrétion biliaire (Traxl et al., 2015).

A noter qu’un autre radiotraceur pourrait présenter un intérêt pour l’étude in vivo des OATP, la [11C]cholylsarcosine, un analogue de synthèse des sels biliaires qui a été radiomarqué pour l’étude de la fonction d’excrétion biliaire (Frisch et al., 2012). Les données de la littérature semblent indiquer que cette sonde entre dans le foie à la fois par les transporteurs OATP et par le transporteur de sels biliaires NTCP et qu’elle est ensuite excrétée vers la bile par BSEP (Ørntoft et al., 2017). Néanmoins, aucune étude in vitro n’a confirmé ce transport OATP à notre connaissance et l’interaction avec NTCP complique l’étude de cette interface par ce radiotraceur.

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