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Chapitre I : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE

2. Implication des transporteurs en pharmacocinétique

2.3. Importance des transporteurs dans le développement des médicaments

2.3.4. Méthodes d’étude des transporteurs hépatiques

La compréhension grandissante de l’importance des transporteurs hépatocytaires en pharmacocinétique a suscité le développement de modèles d’études permettant d’en apprécier les répercussions fonctionnelles. Les modèles in vitro, plus accessibles et permettant de réaliser des études à haut-débit, sont très utilisés en recherche et pour le développement de médicamente. Des hépatocytes animaux ou humains peuvent être mis en culture pour étudier les transporteurs (Hirano et al., 2006; Kouzuki et al., 1998). Pour ces études, les hépatocytes peuvent être utilisés sous différentes formes par exemple en suspension (Ménochet et al., 2012) ou selon le modèle dit « cultivés en sandwich » où une matrice permet aux hépatocytes de se positionner dans une configuration simulant au centre un canal biliaire (Swift et al., 2010a). L’existence de nombreux transporteurs au niveau hépatocytaire complique néanmoins l’interprétation moléculaire et l’identification précise des transporteurs impliqués dans les phénomènes observés. La sélectivité pour tel ou tel système de transport peut être obtenue grâce à l’utilisation d’inhibiteurs spécifiques, dont la variété est plus importante que pour un usage in vivo (Feng et al., 2014) (Tableau 7).

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Tableau 7 : Substrats et inhibiteurs recommandés pour l’étude in vitro des transporteurs et sondes cliniques potentielles.

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Des cellules transfectées avec un ou plusieurs transporteurs d’intérêt ont été développées. Cette approche permet d’évaluer la contribution relative de chaque transporteur au phénomène global de clairance hépatique (Kitamura et al., 2008; Shimizu et al., 2005). La transfection peut être polarisée, ce qui permet d’apprécier l’interaction de différents transporteurs d’influx et d’efflux sur l’accumulation cellulaire des substrats (Hirano et al., 2004; Soars et al., 2012; Varma et al., 2012). L’inconvénient principal de ces méthodes est qu’elles ne permettent pas d’évaluer dans leur globalité le rôle des transporteurs dans le processus d’élimination hépatobiliaire. L’extrapolation des résultats in vitro à la pharmacocinétique in vivo est réalisée grâce à des modèles PBPK qui ont été développés à partir des facteurs d’échelle, essentiellement déterminés à partir de données obtenues chez l’animal (Jones et al., 2012b). Néanmoins, l’obtention de données in vivo est essentielle pour déterminer ces facteurs d’échelle et améliorer la pertinence des modèles PBPK pour prédire et simuler les répercussions pharmacocinétiques d’une modulation des transporteurs hépatocytaires chez l’Homme.

Des méthodes ex vivo permettent d’étudier le transport hépatique sur organe isolé, comme la perfusion in situ, où le foie est isolé et perfusé avec différents substrats. Le dosage des substrats dans les différents compartiments hépatiques et biliaires au cours du temps permet d’étudier individuellement toutes les étapes de l’élimination hépatobiliaire en mesurant les concentrations de solutés de part et d’autre de chaque interface (Pastor, 2018). Le contrôle des débits de perfusion et la possibilité d’insérer des phases de rinçage permettent de suivre la captation hépatique et l’excrétion biliaire de manière individuelle avec plus de précisions que lors d’une administration systémique des solutés (vom Dahl and Häussinger, 1997). Néanmoins, le caractère invasif de cette approche ne permet pas son utilisation chez l’Homme.

Les approches de biodistribution classiques après administration systémique, basées sur le dosage post-mortem des solutés dans le sang, le foie et la bile à différents temps, permettent d’étudier in vivo le fonctionnement des transporteurs hépatocytaires. Ces

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techniques invasives nécessitent néanmoins un grand nombre d’animaux et ne permettent pas d’apprécier avec précision la dynamique des phénomènes de transport entre deux temps de prélèvements. La résolution temporelle de cette approche a été améliorée grâce aux techniques de microdialyse qui permettent d’établir un profil cinétique plus précis dans différents tissus de manière parallèle, utilisant ainsi moins d’animaux (Tsai and Tsai, 2004). Ces approches n’offrent néanmoins pas de perspectives translationnelles et seuls les dosages destructifs post-mortem dans les tissus sont possibles chez l’Homme (Bierly and Labay, 2018), ce qui n’est pas adapté à l’étude des transporteurs.

Des approches indirectes ont néanmoins été développées pour estimer l’activité OATP hépatique chez l’Homme. La clairance du vert d’indocyanine par exemple évalue la captation hépatique en mesurant la cinétique de l’élimination plasmatique du vert d’indocyanine préalablement administré (Audebert and Vignon-Clementel, 2018). Il a été montré que les concentrations hépatiques du vert d’indocyanine reflètent l’activité des transporteurs hépatocytaires (Cusin et al., 2017). A la différence de la mesure de la clairance rénale où l’on peut quantifier la cinétique d’élimination urinaire des produits utilisés (Delanaye et al., 2009), il est plus difficile de prélever et quantifier avec précision l’élimination biliaire. D’autres substrats de transporteurs sinusoïdaux ont été évalués pour une mesure indirecte de l’activité de ces transporteurs et les répercussions d’une modulation de leur activité (Alam et al., 2018). Cette méthode offre donc un aperçu indirect mais très pertinent d’un point de vue pharmacocinétique, de l’extraction hépatique. Néanmoins, cette approche ne permet pas d’évaluer précisément l’excrétion biliaire dont les répercussions sur la cinétique plasmatique sont moins franches que pour les transporteurs sinusoïdaux comme les OATP (Wu et al., 2019). La détermination de l’excrétion biliaire des solutés chez l’Homme reste un défi technique. L’approche la plus classique consiste à mesurer la quantité éliminée sous forme inchangée et les métabolites dans les selles par une approche analytique (molécule radiomarquée ou dosage chromatographique). Cette approche ne permet pas de

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prendre en compte les phénomènes de sécrétion ou de réabsorption intestinale. Pour les formes orales, cette approche ne permet pas de distinguer la fraction qui n’a pas été absorbée. Ainsi, la fraction éliminée par les fèces reflète mal la quantité excrétée par voie biliaire. Des techniques d’aspiration de la bile pour des mesures pharmacocinétiques ont été envisagées mais restent très invasives et ne se prêtent pas à l’étude des transporteurs canaliculaires (Ghibellini et al., 2006). Aussi, ces approches ne permettent pas de déterminer les concentrations hépatiques et n’offrent donc pas la possibilité d’estimer des constantes de transfert du foie vers la bile chez l’Homme. Ces différentes méthodes présentent chacune leur limite et ne permettent pas d’étudier directement in vivo l’implication des transporteurs hépatiques dans la globalité de l’élimination hépatobiliaire chez l’Homme. Le phénomène de captation hépatique est le plus facilement détectable au niveau de l’exposition systémique et peut être étudié de manière indirecte par des approches de pharmacocinétique conventionnelle. Néanmoins, l’excrétion biliaire est un phénomène tout aussi important au niveau de l’élimination et doit être étudié comme paramètre de l’efficacité et de la sécurité des médicaments, notamment en ce qui concerne l’accumulation hépatique pouvant mener à des DILI. L’excrétion biliaire est pourtant beaucoup plus complexe à évaluer, chez l’animal comme chez l’Homme, car cette interface n’est pas en contact direct avec le compartiment plasmatique. Pour ces raisons, de nouvelles méthodes translationnelles sont indispensables pour l’étude in vivo du rôle des transporteurs hépatocytaires afin d’en étudier la synchronicité dans le processus d’élimination hépatobiliaire, et d’en apprécier les répercussions pharmacocinétiques au niveau sanguin et tissulaire.

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3. Apport de l’imagerie pour l’étude des transporteurs en