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Chapitre II : ÉTUDE EXPÉRIMENTALE

2. Partie 1 - [ 99m Tc]mébrofénine : Optimisation de la sélectivité de l’imagerie OATP

2.5. Conclusion et perspectives

Le transport de la [99mTc]mébrofénine avait été mis en évidence par des études in vitro sur les transporteurs d’influx OATP1B1 et OATP1B3 et les transporteurs d’efflux MRP2 et MRP3 (Ghibellini et al., 2008; de Graaf et al., 2011; Neyt et al., 2013; Pfeifer et al., 2013; Swift et al., 2010b) et également par des études in vivo chez des rongeurs déficients MRP2 ou OATP (Bhargava et al., 2009; Hendrikse et al., 2004; Neyt et al., 2013). L’effet de la rifampicine observé sur le transport de la [99mTc]mébrofénine dans cette étude confirme des données précédemment publiées dans la littérature chez la souris où la rifampicine inhibait à la fois la captation hépatique et l’efflux biliaire de la [99mTc]mébrofénine (Neyt et al., 2013).

L’étude réalisée in vitro a permis de confirmer que le diltiazem et la ciclosporine présentent tous les deux un pouvoir d’inhibition de MRP2 (IC50 < 10 µM) plus élevé que la rifampicine. Cela a permis de diminuer considérablement les doses administrées aux rats pour ne plus inhiber les OATP tout en maintenant une inhibition efficace et ciblée du transport d’efflux MRP2 de la [99mTc]mébrofénine. La modélisation pharmacocinétique a révélé que le transport d’efflux sinusoïdal de la [99mTc]mébrofénine était également inhibé de manière dose dépendante par le diltiazem et la ciclosporine. Ce résultat in vivo est en accord avec le transport de la [99mTc]mébrofénine par les transporteurs d’efflux sinusoïdaux comme MRP3 (Ghibellini et al., 2008). Les constantes de transfert obtenues en conditions basales suggèrent que

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l’intensité du transport d’efflux MRP2 et MRP3 de l’hépatocyte vers la bile et le sang respectivement seraient comparables. Cependant les résultats indiquent que ce transport d’efflux MRP3 est moins sensible que MRP2 à l’inhibition par le diltiazem et la ciclosporine. Cela pourrait s’expliquer par la forte concentration de ces inhibiteurs dans la bile, qui permettrait une inhibition plus efficace au pôle canaliculaire qu’au pôle basolatéral. L’administration de ces faibles doses d’inhibiteurs permet donc d’inhiber sélectivement le transport d’efflux de la [99mTc]mébrofénine médié par MRP2 sans en altérer sa captation et son efflux sinusoïdal. Ces deux protocoles permettent ainsi d’envisager pour la première fois de réaliser avec la [99mTc]mébrofénine de l’imagerie sélective du transport sinusoïdal de l’hépatocyte, pour lequel le transport d’influx OATP (OATP1B1 et OATP1B3) semble franchement prédominant par rapport au transport d’efflux MRP3 (k1 = 7,37 ± 1,62 min-1 et k2 = 0,15 ± 0,08 min-1 dans le groupe contrôle). L’influence des inhibiteurs de transporteurs sur le débit de perfusion hépatique n’est souvent pas connue. Notre étude a montré que de fortes doses de rifampicine et de diltiazem pouvaient diminuer le débit sanguin de certains vaisseaux hépatiques. Toutefois, les doses employées pour cette étude (40 mg/kg IV pour la rifampicine et 3 mg/kg IV pour le diltiazem) correspondent aux plus fortes doses utilisées chez l’animal dans la littérature (He et al., 2014b; Lee et al., 1991). Ces doses sont très supérieures à celles employées chez l’Homme lors des études cliniques (rifampicine généralement 600 mg et diltiazem jusqu’à 0,3 mg/kg/h) (Takashima et al., 2012). Seule la ciclosporine était administrée dans cette étude à une dose transposable en clinique (5 mg/kg IV) et cette dose n’a eu aucun effet significatif sur la perfusion hépatique. Le protocole d’inhibition par ciclosporine faible dose (0,01 mg/kg IV) est donc le meilleur des protocoles testés pour inhiber sélectivement le transport MRP2 tout en garantissant une sécurité d’utilisation. Les résultats obtenus avec ce protocole sur la cinétique de la [99mTc]mébrofénine sont d’ailleurs très proches de ceux observés sur les rongeurs déficients en MRP2 (Bhargava et al., 2009; Neyt et al., 2013). Cette approche permet ainsi de reproduire les conditions obtenues chez les animaux déficients par un

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protocole pharmacologique. Cette stratégie permettrait de surcroit de ne pas subir l’influence de phénomènes de compensation observés pour de nombreuses souches d’animaux déficients en transporteurs. En effet, une étude réalisée avec les mêmes rats déficients en MRP2 que ceux utilisés lors de l’étude avec la [99mTc]mébrofénine a en effet démontré par Western-Blot de grandes différences entre ces rats et un groupe de rats contrôle en terme d’expression protéique des transporteurs hépatocytaires (Figure 16). Ces modèles d’animaux déficients ne reflètent donc pas exactement la réalité du transport in vivo et des interactions qui peuvent se produire entre transporteurs.

Figure 16 : Western-Blot d’homogénats de foies de rats contrôles (WT : wild type) et déficients en MRP2 (TR- : transport deficient).

(Johnson et al., 2006)

De plus, la faible dose de ciclosporine utilisée, très inférieure à celle utilisée lors de son utilisation thérapeutique, permet d’envisager la transposition clinique de ce protocole

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facilement et en toute sécurité. Néanmoins, l’efficacité de ce protocole chez l’Homme ou chez d’autres espèces animales que le rat, nécessitera une validation qui pourra être effectuée par imagerie à la [99mTc]mébrofénine.

La combinaison de la [99mTc]mébrofénine, radiotraceur substrat, et de la ciclosporine à faible dose, médicament inhibiteur, élargit le champ des perspectives de l’imagerie des transporteurs hépatiques. Ce protocole, une fois transposé à l’Homme pourrait permettre d’une part de réaliser de l’imagerie moléculaire des transporteurs OATP sinusoïdaux et la quantification sélective de leur activité. D’autre part, ce protocole offre la possibilité d’explorer de manière dissociée l’activité MRP2, plus difficile d’accès par les méthodes pharmacocinétiques usuelles.

MRP2 est un acteur majeur de l’excrétion biliaire des composés à la fois endogènes et exogènes. Les observations faites avec la [99mTc]mébrofénine illustrent le fait qu’une diminution de cette activité d’efflux, bien que non détectée au niveau du plasma, peut conduire à une augmentation importante de l’exposition hépatique aux substrats MRP2. Ce genre d’interaction pourrait être à l’origine de phénomène d’accumulation hépatique ou de cholestase, pouvant mener parfois à des DILI (Fu et al., 2019). Ce protocole d’imagerie, simple à mettre en œuvre, constitue un outil supplémentaire pour l’étude de ces processus pharmacocinétiques complexes.

L’objectif initial de ce projet était d’utiliser la [99mTc]mébrofénine comme sonde d’imagerie moléculaire pour permettre une imagerie sélective de l’activité des transporteurs OATP, qui ne soit pas influencée par l’activité d’autres transporteurs hépatocytaires. Notre travail montre que l’inhibition ciblée de MRP2 modifie la cinétique hépatique de la [99mTc]mébrofénine en augmentant ses concentrations (Cmax) et l’exposition globale (AUCfoie). Nos résultats montrent néanmoins que la quantification du transport OATP, estimée par la constante k1, la clairance de transfert CLuptake et l’AUCR,foie/sang n’était pas influencée par l’inhibition de MRP2 in vivo. Cela s’explique par le fait que la quantification s’effectue à partir des temps précoces, avant que la sécrétion biliaire ne joue un rôle dans le contrôle des concentrations hépatiques

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de la [99mTc]mébrofénine. Ainsi, ce travail montre donc qu’une mesure de l’activité OATP par la [99mTc]mébrofénine peut être réalisée in vivo, indépendamment du niveau d’activité des transporteurs canaliculaires comme MRP2.

3. Partie 2 - [

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C]glyburide : Validation d’une nouvelle