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Syndrome de Brugada

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Le syndrome de Brugada fut décrit pour la première fois en 1992 chez des patients ayant fait un accident de mort subite par FV idiopathique (Brugada and Brugada, 1992). La physiopathologie du syndrome de Brugada se décompose en deux parties avec d’une part des perturbations électrophysiologiques provoquant un sus-décalage du segment ST et d’autre part un ralentissement de la VC accompagnés de l’apparition d’arythmie ventriculaire.

La prévalence du syndrome de Brugada varie selon l’origine géographique avec une forte prédominance de la maladie en Asie (estimation d’un cas pour 2500 en Thaïlande)

et 40 ans lorsque le patient est asymptomatique. C’est à cet âge que le premier ECG est réalisé. Cependant, l’âge de découverte est variable, il dépend du degré des formes familiales et du caractère transitoire des signes électriques. Le plus jeune patient diagnostiqué pour le syndrome de Brugada n’avait que 2 jours et le pus âgé 84 ans. Ce syndrome est responsable de 4% des morts subites et 20% de ces morts subites se sont produites chez des patients ne présentant aucune anomalie structurelle du cœur (Antzelevitch et al., 2005). Les symptômes cliniques de la maladie peuvent être attribués à la survenue d’un trouble du rythme ventriculaire grave soutenu ou non. En l’absence d’une réanimation rapide, le décès du patient peut survenir. Les accidents de mort subite apparaissent souvent la nuit, lorsque le patient est au repos.

Des études de cohortes de patients atteints du syndrome de Brugada et rescapés d’une mort subite, laissent supposer une cause d’origine génétique (Chen et al., 1998). En effet, le gène SCN5A codant pour la sous-unité α du canal sodique cardiaque situé dans le locus 3p21 du chromosome 3 présente des mutations à l’origine de la maladie. Ces mutations induisent une diminution de la conductance et de la densité des canaux sodiques. Elles sont de types autosomiques dominantes et seraient à l’origine des formes familiales de cette pathologie dans 20% des cas (Priori et al., 2002). Des mutations de type « gain de fonction » du gène KCND3 codant pour la sous unité α du canal Kv4.3 responsable du courant Ito ont été

également décrite dans une cohorte de patients présentant le syndrome de Brugada

(Giudicessi et al., 2011).

Des modifications de l’expression de gènes participant à l’homéostasie calcique ont également été démontrées. Les gènes RYR2 et NCX sont surexprimés dans le VD de patients ayant le syndrome de Brugada (Gaborit et al., 2009). Ceci pourrait conduire à des perturbations de l’homéostasie calcique, et conduire à des arythmies ventriculaires. De plus, une publication d’Antzelevitch et ses collègues a mis en évidence une association entre le syndrome de Brugada et l’existence de mutations de type « perte de fonction » de gènes codant pour les canaux calciques de type L associées à un raccourcissement de l’intervalle QT

(Antzelevitch et al., 2007).

Afin d’établir un diagnostic pour le syndrome de Brugada, différents critères majeurs ou mineurs sont identifiables (Gussak et al., 2001). Les critères majeurs sont la présence de signe ECG du syndrome chez des patients avec un cœur normal ou après administration d’un bloqueur des canaux sodiques. Des anti-arythmiques de classe Ia tels que l’ajmaline et la procainamide et des anti-arythmiques de classe Ic comme la flécainide

peuvent démasquer un sus-décalage du segment ST dans les dérivations précordiales droites

(Brugada et al., 2002). Des agents neuro-hormonaux peuvent moduler le sus-décalage du

segment ST. Par exemple, le propanolol (bloqueur β-adrénergique) augmente le sus-décalage du segment ST alors que l’isoproterenol (agoniste β-adrénergique) le diminue. Les critères mineurs sont multiples comme des TVs ou FVs, les syncopes et le contexte familial de mort subite.

Les patients ayant un syndrome de Brugada présentent une morphologie particulière de l’ECG. L’ECG possède un QRS ayant une morphologie de BBD. Il montre également une anomalie de la repolarisation caractérisée par une surélévation du segment ST dans les dérivations précordiales droites. Cet aspect de l’ECG est souvent associé à un risque élevé de mort subite sans cardiopathie sous jacente. De manière plus détaillée, dans le cas du syndrome de Brugada, le complexe QRS se termine par une déflexion positive qui correspond à une surélévation du point J à la jonction entre le complexe QRS et le segment ST (Alings

and Wilde, 1999). Cette surélévation qualifiée d’onde J est présente dans 2,5% des sujets

normaux ayant une repolarisation précoce. Cette surélévation de la phase terminale du complexe QRS est suivie d’un segment ST sus-décalé avec une pente descendante, parfois convexe vers le haut ou en forme de selle, puis d’une onde T négative ou plate avec un intervalle QT normal voir court (Figure 33).

Onde T négative Onde J

Surélévation du segment ST

Figure 33. Exemple d'un ECG de patient atteint du syndrome de Brugada. Représentation d’un ECG dans

les dérivations précordiales droites V1-V2-V3 d’un patient masculin âgé de 32 ans. En V1, V2, V3, il existe une surélévation du segment ST avec une pente descendante aboutissant à une onde T négative. A la fin du complexe QRS, une déflexion positive correspondant à l’onde J est observée. Adapté de (Brugada et al., 1998).

Il existe au sein de la communauté scientifique, deux hypothèses différentes permettant d’expliquer les perturbations électrophysiologiques (surélévation du segment ST, onde J) rencontrées chez les patients atteints du syndrome de Brugada. La première hypothèse est basée sur des troubles de la repolarisation (repolarisation précoce) alors que la deuxième est liée à la présence de troubles de la dépolarisation (dépolarisation tardive).

Hypothèse 1 : Troubles de la repolarisation

L’ECG normal est caractérisé par un segment ST isoélectrique à partir du point J lié à une homogénéité des voltages à la fin de la phase 1 et de la partie précoce de la phase 2 du PA dans l’ensemble du myocarde (Figure 34A).

Dans le syndrome de Brugada, une réduction du courant INa sub-épicardique est observée,

entraînant une accentuation de l’encoche du PA notamment au niveau du VD sub-épicardique où Ito est le plus important. Cette accentuation va provoquer une augmentation du gradient de

repolarisation transmural conduisant à un sus-décalage du segment ST. Cette dispersion transmurale de la repolarisation est responsable d’une fenêtre durant laquelle une impulsion prématurée ou une extrasystole peut induire une arythmie réentrante. Si la repolarisation épicardique précède la repolarisation endocardique, alors l’onde T reste positive et conduit à un segment ST en forme de selle (Figure 34B).

Il est possible de trouver une accentuation encore plus importante de l’encoche de la phase 1 du PA liée à une diminution plus marquée du courant INa et à une augmentation du courant Ito

s’accompagnant d’un allongement du PA épicardique. Par conséquent, le gradient transmural va s’inverser conduisant à l’aspect convexe et à l’inversion de l’onde T (Figure 34C). Cet allongement du PA épicardique au niveau du VD conduit à une augmentation de la dispersion de l’APD au niveau épicardique favorisant ainsi la survenue de réentrée de phase 2 (Figure

Contrôle Syndrome de Brugada Syndrome de Brugada Gradient transmural Endo M Epi Endo

Epi EndoEpi

Onde J A B C Onde T Onde T Onde T Syndrome de Brugada Syndrome de Brugada D E Gradient transmural Endo Epi Endo Epi Epi (Réentrée)

Dispersion transmurale de la repolarisation Dispersion épicardique de la repolarisation

Figure 34. Modèle représentant l'hypothèse de la repolarisation précoce dans le syndrome de Brugada.

Représentation de PA épicardique, endocardique et midmyocardique de ventricule accompagnée de l’ECG enregistré dans la dérivation précordiale droite V2 dans le cas d’un individu sain. Le segment ST est isoélectrique

en absence de gradient transmural (A). Dans le syndrome de Brugada, la formation d’un sus-décalage du segment ST en forme de selle s’accompagne d’une onde T positive (B). La formation d’un sus-décalage avec un aspect convexe, présente une onde T négative résultant de la prolongation du PA épicardique par rapport au PA endocardique (C). La perte du dôme de la phase 1 de certains PAs épicardiques est à l’origine d’une dispersion de la repolarisation épicardique. De plus, les PAs endocardiques ne changeant pas, une dispersion transmurale de la repolaritation se met en place (D) favorisant l’apparition de réentrée en phase 2 (E). Adapté de (Naccarelli and

Antzelevitch, 2001).

Dans un modèle pharmacologique du syndrome de Brugada par administration de flécainide (bloqueur du canal sodique) ou de pinacidil (activateur des canaux potassiques) sur VD isolé perfusé, il a pu être reproduit la perte du dôme au niveau des PAs épicardiques associée à une élévation du segment ST (Yan and Antzelevitch, 1999). Les auteurs ont montré qu’une stimulation β-adrénergique (isoprotérénol) permet une restauration du dôme de la phase 1 du PA, diminuant ainsi le gradient transmural et l’hétérogénéité de la repolarisation ceci favorisant la régression du sus-décalage du segment ST. Par contre, une stimulation par l’acétylcholine induit un raccourcissement des APDs épicardiques et accentue le sus-décalage du segment ST. L’inhibition du courant Ito par le 4-aminopyridine permet de restaurer

également le dôme du PA et de normaliser le sus-décalage du segment ST tout en prévenant la survenue d’arythmies.

Hypothèse 2 : Troubles de la dépolarisation

Dans le cas de l’hypothèse 2, la physiopathologie du sus-décalage du segment ST et l’inversion de l’onde T peuvent s’expliquer par des troubles de dépolarisation. Ainsi, il existe un ralentissement de la conduction au niveau du RVOT liée à la perte de fonction du canal Nav1.5 (Figure 35A). L’absence initiale de dépolarisation du RVOT contraste avec la

conduction normale du reste du VD et provoque une différence de potentiel responsable du sus-décalage du segment ST (Figure 35B). Le délai d’activation retarde aussi la repolarisation, ce qui est à l’origine d’une inversion de l’onde T (Meregalli et al., 2005)

(Figure 35C). RVOT VD RVOT VD VD RVOT V2 V2 Surélévation du segment ST Onde T négative A B C

Figure 35. Modèle représentant l'hypothèse de la dépolarisation tardive dans le syndrome de Brugada. Au

sein de la cavité ventriculaire droite, le RVOT présente un ralentissement de la conduction par rapport au reste du VD (A). Il en résulte des différences de potentiel entre le VD et le RVOT provoquant un sus-décalage du segment ST (B). Le délai d’activation entre le VD et le RVOT induit également un retard de la repolarisation à l’origine de l’inversion de l’onde T (C). Adapté de (Meregalli et al., 2005).

Il existe une forte corrélation entre les troubles de conduction observés et l’apparition de TV ou FV dans le syndrome de Brugada.

Des études expérimentales électrophysiologiques et histopathologiques sur un cœur explanté de patient atteint du syndrome de Brugada ont montré un ralentissement de la VC ainsi que de la fibrose et des infiltrations de tissu adipeux au niveau du RVOT (Coronel et

al., 2005). De ce fait, la composante structurelle est à prendre en compte dans la

physiopathologie du syndrome de Brugada, car elle pourrait être à l’origine du délai significatif de conduction au sein du RVOT.

Le traitement du syndrome de Brugada repose sur l’implantation d’un défibrillateur automatique chez les patients symptomatiques. Une étude clinique menée sur la survie des patients possédant un défibrillateur, un traitement pharmacologique ou aucun

traitement fut réalisée par Brugada et ses collègues (Brugada et al., 1998). Cette étude a pu montrer l’efficacité du défibrillateur automatique. En effet, sur 63 patients porteurs du syndrome de Brugada, et suivis durant 34 ± 32 mois, la mortalité totale observée était de 0% chez les patients porteurs d’un défibrillateur, 26% chez les patients recevant un traitement pharmacologique de type β-bloquant, et 31% dans le groupe non traité.

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