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Dysplasie arythmogène du ventricule droit

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La dysplasie arythmogène du ventricule droit (DAVD) décrite pour la première fois en 1977, repose sur une association d’anomalies électrocardiographiques et histologiques avec une composante génétique (Fontaine et al., 1999). Il s’agit d’une cardiomyopathie affectant principalement le VD, caractérisée par des infiltrations adipeuses du myocarde et la substitution de fibres myocardiques par des plages de fibrose dans les couches sub- épicardiques et médiomurales du VD (Thiene et al., 2007) (Figure 36).

VG VD EPI ENDO

*

#

Figure 36. Infiltration adipeuse et fibrose dans le cas de la DAVD. Mise en évidence d’infiltrations adipeuses (*) et de fibrose (#) par imagerie de résonnance magnétique (IRM) (A) et par marquage histologique au

trichrome Heidenhain (B, C) chez un patient de 28 ans décédé à la suite d’une DAVD. Les régions du myocarde analysées pour l’histologie proviennent de la partie antérieure de la paroi libre du VD. Adapté de (Basso and

Thiene, 2005).

La conséquence de cette pathologie est l’apparition d’une dilatation du VD d’abord localisée puis diffuse qui évolue sur le long terme en une insuffisance cardiaque. Elle peut être associée à une atteinte ventriculaire gauche. La DAVD est une maladie grave et évolutive qui se manifeste essentiellement par un spectre d’arythmies ventriculaires qui démasque la pathologie comme les ESVs, les TVs et les FVs. Le diagnostic repose sur l’association de critères cliniques, électriques et morphologiques avec la réalisation de

plusieurs examens afin de rechercher des anomalies électriques et architecturales du myocarde.

Les anomalies des propriétés électriques de dépolarisation et de repolarisation sont visibles sur l’ECG au repos ou à l’effort dans les dérivations précordiales droites. L’ECG montre un élargissement du complexe QRS ainsi qu’un BBG témoignant de la présence de troubles de conduction. A la fin du complexe QRS, de petites déflexions positives connues sous le nom d’ondes epsilon prolongent le complexe dans 30% des DAVDs (Figure 37)

(McKenna et al., 1994; Saguner et al., 2015). Les ondes T sont inversées dans les dérivations

précordiales droites (Marcus et al., 2010) (Figure 37).

Onde Epsilon

Onde T négative

Figure 37. Exemple d'enregistrement ECG d'un patient atteint de DAVD. Les dérivations précordiales

droites montrent la présence d’une onde epsilon correspondant à une déflexion positive à la suite du complexe QRS élargi. Dans les dérivations précordiales droites V1-V2-V3 de l’ECG, l’onde T est inversée. Adapté de

(Thiene et al., 2007).

Les anomalies morphologiques peuvent être mises en évidence par de nombreux examens cliniques comme l’échographie trans-thoracique ou l’IRM cardiaque. L’échographie trans-thoracique permet de dévoiler des anomalies globales et localisées telles que la dilatation du VD, les altérations de la fonction systolique avec la diminution de la fraction d’éjection du VD et des anévrismes (Marcus et al., 2010). L’IRM cardiaque permet en supplément de montrer les infiltrations adipeuses et l’amincissement de la paroi du VD

« triangle de la dysplasie » situé entre le RVOT, l’apex du VD et l’aire sous tricuspide (Basso

and Thiene, 2005). L’augmentation de la fibrose ainsi que le développement du tissu adipeux

participent au remodelage structurel du VD et indirectement au remodelage électrique. En effet, les conséquences de l’infiltration adipeuse et de la fibrose se manifestent par un ralentissement de l’activation électrique des ventricules à l’origine de réentrée.

La prévalence de la maladie dans la population est plutôt basse avec un cas pour 5000 (Corrado and Thiene, 2006). Elle est de forme familiale dans 50% des cas. Il s’agit donc d’une maladie génétique avec une transmission autosomique dominante d’expression variable et de pénétrance partielle. En d’autres termes, deux patients de la même famille avec la même mutation génétique n’auront pas systématiquement la même atteinte. Six gènes ont été identifiés dont quatre codent pour des protéines d’adhésion cellulaire constituant les desmosomes : la plakophiline 2, la desmoplakine, la desmogléine 2 et la desmocolline 2 par ordre de prévalence de mutation (Moric-Janiszewska and Markiewicz-Loskot, 2007). Les desmosomes assurent le couplage mécanique lors de la contraction des cardiomyocytes et assurent la cohésion intercellulaire des cellules. Les mutations dans plusieurs de ces protéines déstabilisent le desmosome amenant ainsi à la séparation physique des cardiomyocytes, et à l’induction de l’apoptose. La rupture des desmosomes facilite la mise en place de la fibrose pouvant être à l’origine des réentrées (Rampazzo et al., 2014). Des expériences sur des souris hétérozygotes déficientes en desmoplakine ont montré une augmentation de la fibrose et du tissu adipeux associée à une augmentation de l’apoptose avec une altération de la fonction contractile du myocarde. Ces souris ont également développé des épisodes d’arythmies ventriculaires, rappelant ainsi un phénotype de DAVD (Garcia-Gras et al., 2006). Une autre étude sur des cœurs embryonnaires de souris déficientes en plakophiline 2 présente une paroi ventriculaire fine signe de dilatation ainsi que la formation d’anévrismes (Grossman et al.,

2004). Une extinction par knockdown de l’expression du gène codant pour la plakophiline 2

sur des cardiomyocytes de rats néonataux provoque une diminution considérable du courant INa et de la VC ainsi qu’un phénomène de réentrée (Sato et al., 2009).

D’autres mutations de gènes sont caractéristiques de la DAVD comme le gène

RYR2 (Milting et al., 2006) ou le gène codant pour le TGFβ3 (Transforming growth β3) (Beffagna et al., 2005). Le TGFβ3 est une cytokine qui stimule la mise en place d’un

processus inflammatoire intervenant dans la genèse de la fibrose et qui module l’adhésion cellulaire.

Les patients présentant une mutation du gène RYR2 risquent de développer des TVs polymorphes catécholaminergiques. Ces TVs polymorphes se déclenchent par stimulation adrénergique et touchent des patients souvent jeunes qui possèdent dans la majorité des cas une structure normale du myocarde. La mutation du gène RYR2 induit une diminution de l’affinité de FKBP12.6 au récepteur RyR2 provoquant une instabilité du canal et une augmentation de la probabilité d’ouverture de ce dernier en diastole. L’instabilité de la concentration en Ca2+ intracellulaire des cardiomyocytes en diastole peut induire des DADs à l’origine de TVs polymorphes catécholaminergiques. Il est nécessaire d’effectuer d’autres recherches afin de définir la contribution exacte de RyR2 dans la DAVD et de déterminer s’il existe une relation directe ou indirecte concernant les liens ultra-structuraux entre le RS et les desmosomes.

Il existe également des DAVDs de forme autosomique récessive qualifiées de maladie de Naxos dont la pénétrance est plus importante. Les patients atteints ont hérité d’une mutation de chacun de leur parent. Elle associe à la DAVD des atteintes cutanées (hyperkératose) et des atteintes capillaires. Une anomalie du gène JUP codant pour la plakoglobine a été identifiée.

L’incidence de la mort subite est évaluée à 1-3% par an parmi les patients atteints de DAVD. La DAVD est la cause majeure de mort subite de sujets jeunes d’âge moyen de 35 ans, et dans la moitié des cas cette mort subite est liée à l’effort ou à l’émotion (Basso et al.,

1999). On connaît l’incidence de la DAVD chez les sportifs décédés de mort subite qui est de

20%.

Le traitement des DAVDs consiste à minimiser le risque d’ESV et de TV. Il existe deux catégories de traitements : les traitements médicamenteux et non médicamenteux. Les traitements médicamenteux sont basés sur l’administration d’anti-arythmiques de classe III (amiodarone) contre les TVs de type réentrante ou de β-bloquants (sotalol) contre les ESVs. Pour les patients dont le traitement médicamenteux est un échec ou présentant d’emblée une mort subite ressuscitée, le traitement non médicamenteux s’avoue être nécessaire. Il consiste à effectuer une ablation par radiofréquence (cautérisation des zones intracardiaques responsables d’arythmie) ou à l’implantation d’un défibrillateur (Azaouagh et al., 2011).

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