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1.1 Introduction à la Directive Cadre sur l’Eau

Avec l’adoption de la DCE en 2000, transposée en loi nationale en 2004 (Loi n° 2004-338 du 21 avril 2004), et avec la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006), la politique de la gestion de l’eau au niveau européen et national a sensiblement évoluée. A la différence des précédentes directives et lois, la DCE impose un cadre stratégique d’évaluation de l’état des masses d’eau à travers l’Europe avec une obligation de résultat : atteindre et maintenir le bon état des masses d’eau d’ici 2015. L’objectif initial de 2015 a été réévalué par la suite face aux difficultés d’implémentation au niveau national, prévu par le législateur dès le début (Directive 2000/60/CE, 2000). La DCE évolue par cycle de 6 ans, dont le premier s’est conclu en 2015 et le deuxième est en cours (2015 – 2021). En 2019 débutera la

prochaine révision de la DCE pour préparer le 3ème cycle de 2021-2027.

La DCE est une législation ambitieuse responsable d’un changement de paradigme important dans l’évaluation des ressources en eau (Voulvoulis et al., 2017). Il n’est plus question de se restreindre au contrôle de la pollution, mais de considérer l’intégrité des écosystèmes aquatiques dans leur ensemble. Pour cela, la DCE reprend la notion d’évaluation de l’état de l’écosystème à l’échelle du bassin hydrographique, tel qu’appliqué en France depuis 1964, mais introduit de nouveaux objectifs de réduction de la pollution chimique et surtout de surveillance biologique.

43 Dans le cadre de la DCE, le bon état des eaux est déterminé sur la base du bon état chimique et écologique, tel que présenté dans la figure 12, en fonction des masses d’eau considérées (eau de surface : cours d’eau ou plan d’eau, eau littorale : côtière ou de transition, eau souterraine). Pour les eaux de surface, le bon état chimique est évalué sur le respect de normes de qualité environnementale (NQE) établies pour 45 molécules comprenant 33 molécules prioritaires (annexe X de la Directive 2000/60/CE et annexe II de la Directive 2008/105/CE) et 12 molécules prioritaires dangereuses (annexe I de la Directive 2013/39/CE). Le statut écologique est évalué par rapport à des masses d’eau de référence ne subissant pas ou peu de pressions anthropiques. Il est basé sur des éléments de qualité biologique (ex : macrophytes, ichthyofaunes), hydro-morphologiques (ex : régime hydrique), de qualité chimique et physico-chimiques (ex : température). Une fois les statuts chimique (2 catégories) et écologique (5 catégories) évalués, le statut du bassin hydrographique est déterminé par l’élément de qualité le plus mauvais (principe du « one-out-of-all »). Lorsque le bon état n’est pas atteint, une étude des pressions-impact doit être réalisée dans le but d’identifier les causes et d’entreprendre les mesures de restauration des masses d’eau nécessaires.

A l’échelle nationale, on dénombre 12 bassins hydrographiques dont 7 en France métropolitaine, et autant d’agences associées. A chaque cycle de la DCE sont établis les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) où sont définis le programme de mesures biologiques et chimiques, l’ensemble des stations du réseau de contrôle et de surveillance (la surveillance de base), et les plans de gestion du réseau de contrôle opérationnel (Carré et al., 2017). En 2007, le réseau français comptait 2734 stations, avec 895 paramètres suivis

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44 et plus de 4 million d’analyses faites par an, laissant entrevoir le coût et l’effort de gestion nécessaires pour répondre aux exigences de la DCE (Laronde and Petit, 2010).

1.2 Evaluation de la contamination chimique

1.2.1 Etat des lieux

La DCE impose un suivi régulier de 45 molécules à tous les états membres pour évaluer le statut chimique des masses d’eau avec comme critère de qualité le respect des NQE. Parmi ces 45 molécules régulées se trouvent les nonylphenols et octylphenols, régulées à cause de leurs activités PE (Sumpter and Jobling, 2013). En plus des molécules dangereuses, des polluants spécifiques de l’état écologique, définis comme « molécules pertinentes rejetées en quantité significative », ont été identifiés au niveau national pour chaque bassin hydrographique (Arrêté du 27 juillet 2015). La liste établie en 2015 pour la France contient 27 molécules (« polluants synthétiques ») et 4 métaux (« polluants non synthétiques ») surveillés spécifiquement dans certains bassins hydrographiques dans le cadre de l’évaluation de l’état écologique. Dans le cadre d’une surveillance prospective de la contamination de l’eau, la France a lancé un plan national de lutte contre les micropolluants dans la continuité de précedentes actions (Plan micropolluants 2016-2021 pour préserver la qualité des eaux et de la biodiversité, 2016). De plus, au niveau réglementaire, la France s’est dotée d’une liste de vigilance nationale comprenant 98 composés à quantifier dans les eaux de surface de métropole, parmi lesquelles certains PE comme les phtalates, les bisphenols A et S, l’estrone et la norethindrone (Arrêté du 7 août 2015).

1.2.2 Limites

L’inclusion d’une nouvelle molécule à surveiller dans le cadre de la DCE est un processus lent qui nécessite que le danger et l’exposition à la molécule en question soient bien caractérisés. Lors de la révision de la DCE en 2013 a été mis en place un système de liste de vigilance (« watch list ») avec l’objectif d’obtenir suffisamment de données de qualité sur la présence de certains polluants dans les eaux de surface européennes pour statuer sur leur inclusion future dans la DCE. La liste de vigilance est limitée à 10 molécules et est réévaluée tous les deux ans, une molécule ne pouvant y rester plus de 4 ans. Les informations d’occurrence obtenues doivent permettre au

45 législateur de statuer sur leur possible réglementation à l’échelle européenne au regard du danger qu’elles présentent.

Etablie en 2015, la première liste de vigilance contient 10 molécules dont deux hormones, l’E2 et l’EE2 (Commision Implementing Decision (EU) 2015/495). Même si les concentrations en l’E2 et l’EE2 dans les eaux de surface sont très faibles (Johnson et al., 2013), ces molécules peuvent impacter les poissons qui y sont exposés chroniquement. En conséquent, les NQE proposées sont particulièrement basses : 0,4 ng/L et 0,035 ng/L pour l’E2 et l’EE2, respectivement. La quantification de ces composés à des concentrations aussi faibles au sein d’échantillons complexes nécessite l’utilisation de techniques analytiques très performantes, ce qui pose clairement un défi analytique (Hannah et al., 2009; Loos, 2015).

Au total, on dénombre aujourd’hui 45 molécules prioritaires, 10 molécules sur la liste de vigilance européenne, 98 molécules sur la liste de vigilance française, et 27 polluants spécifiques de l’état écologique, soit près de 200 composés à surveiller légalement dans les masses d’eau françaises de métropole. Aussi longue sera la liste, elle ne pourra jamais être exhaustive de la contamination environnementale et prendre en compte toutes les molécules inconnues, telles que les produits de transformation et de dégradation ou les métabolites potentiellement dangereux. Concernant le risque posé par les xeno-estrogènes, il a été montré que l’E2 présent à des concentrations inférieures au seuil réglementaire proposé peut provoquer une réponse significative in vitro au sein de mélanges comprenant de multiples polluants environnementaux, estrogéniques et non estrogéniques (Carvalho et al., 2014). Même à des concentrations considérées réglementairement comme protectrices, des effets de mélanges peuvent avoir lieu, démontrant les limites de l’approche actuelle basée sur les molécules prises individuellement.

Depuis plusieurs années, les outils biologiques, comprenant les bio-essais, sont proposés comme outils intégrateurs permettant de mieux rendre compte de la contamination chimique des masses d’eau (Brack et al., 2017; Wernersson et al., 2015). Les bio-essais permettent de prendre en compte les effets de mélange de molécules inconnues et de palier ainsi certaines limites inhérentes à l’analyse chimique ciblée.

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