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3.1 La vitellogénine

3.1.1 Fonction et structure

Chez les poissons téléostéens ovipares, les récepteurs des estrogènes sont impliqués dans la régulation de la production de la vitellogénine (vtg). La vitellogénine est une glycolipophosphoprotéine précurseur du sac vitellin du futur embryon. Elle est synthétisée principalement par le foie sous le contrôle de l’E2 produit par les follicules ovariens au cours de la gamétogénèse chez les femelles. Transportées par le sang, la vtg est incorporée dans l’oocyte puis subit des protéolyses successives pour donner les acides aminés qui serviront à la croissance de l’embryon (Matsubara et al., 2003).

La vitellogénine est codée par de multiples gènes constituant une grande famille très diverse au sein de poisson téléostéens (Reading et al., 2009). Chez le poisson zèbre, 7 gènes ont été identifiés sur 2 chromosomes distincts qui diffèrent par le type de vtg produite. Les type vtgA (codés par les vtg 1et 4 à 7) et vtgB (codé par vtg2) contiennent les domaines lipovitelline I (Lv I) et phosvitin (Pv) et ont environ 60% d’homologie, alors que le type vtgC (codé par vtg3) ne contient pas le domaine Pv (Wang et al., 2005). Le profil d’expression des vtg diffère en fonction du sexe, du stade de développement et du statut reproducteur (Eide et al., 2014; Jin et al., 2009; Nelson and Habibi, 2013). Dans le foie de femelle de poisson zèbre mature, les ARNm des vtg 1, 2, 4 ,5, 7 semblent être les plus induits et la vtg3 n’est que très faiblement exprimée, alors que chez

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22 les mâles de poisson zèbre mature, l’expression hépatique indiquée pour les vitellogenines semble très faible (vtg1, 2, 5, 7) voire non détectable pour la vtg3 (Eide et al., 2014; Meng et al., 2010).

3.1.2 Régulation

In vitro, tous les sous-types de ER du poisson zèbre (Chen and Chan, 2016) et du médaka (Lee Pow et al., 2016) sont capables d’induire la vtg, même si des différences de sensibilité entre sous-types sont notées. Dans des cultures primaires d’hépatocytes de poisson rouge, la répression des ERβ a abolit l’induction de la vtg par l’E2 chez les mâles, mais n’a eu que peu, voire pas d’effets chez les femelles par rapport à ERα (Nelson and Habibi, 2010). Chez des embryons de poisson zèbre, où les 3 sous-types de ER étaient successivement réprimés, Griffin et al. (2013) ont montré que zfERα et zfERβ1 étaient nécessaires pour l’induction de la vtg1 par l’E2 (Griffin et al., 2013). Yost et al. (2014) suggèrent que les ERβ sont nécessaires à l’initiation et au maintien de la transcription de ERα, responsable de la production de vtg (Yost et al., 2014). De fait, il a été montré in vitro que les ERß du poisson zèbre et de l’achigan à grande bouche pouvaient réguler l’activité transcriptionnelle de ERα positivement (Menuet et al., 2004) ou négativement (Sabo-Attwood et al., 2007).

Même si l’activation séquentielle de la vtg est discutée par Griffin et al., 2013, ces études indiquent que tous les sous-types sont susceptibles de réguler la transcription de vtg, et qu’au-delà du rôle connu de ERα, les ERβ semblent nécessaires pour la production de vtg en réponse à l’E2 chez les poissons mâles (Griffin et al., 2013; Nelson and Habibi, 2010). L’induction de la vtg par les ER, en particulier chez les poissons mâles, est utilisé comme marqueur d’exposition à des composés estrogéniques dans de nombreux tests (ex : OCDE n°234, 229) et chez les poissons sauvages (ex: Henneberg et al., 2014; Vethaak et al., 2005).

3.2 L’aromatase B

L’aromatase B est une enzyme clé de la stéroïdogenèse responsable de la conversion irréversible des androgènes en estrogènes (aromatisation du cycle A, voir introduction A.1.1).

23 3.2.1 Expression et activité

Au stade embryo-larvaire, l’expression de l’aroB est basse chez le poisson zèbre (Menuet et al., 2005), mais corrèle temporellement avec l’expression de ER dès 24-48 hpf (K. Mouriec et al., 2009). Chez les poissons, l’aroB est principalement exprimée dans les cellules gliales radiaires, cellules progeniteurs des neurones, ce qui suggère un rôle essentiel de l’estradiol dans la neurogénèse (Diotel et al., 2010). Chez les mammifères, il a été montré que l’estradiol a de nombreux rôles dans le système nerveux central, parmi lesquels des fonctions neuro-protectrices, de neurogénèse, de plasticité synaptique (Azcoitia et al., 2017; Garcia-Segura, 2009).

Chez le poisson, l’activité et l’expression de l’aroB sont particulièrement importantes au niveau des zones périventriculaires des bulbes olfactifs, du télencéphale, de l’aire pré-optique et dans les noyaux de l’hypothalamus (Pellegrini et al., 2016). Ces zones sont impliquées dans la réception (bulbes olfactifs, noyaux de l’hypothalamus) et dans le traitement (télencéphale) des informations sensorielles (ex : visuelles, mécano-sensorielles, gustatives) pour les traduire en réponses comportementale, endocrine et somatique (Kotrschal et al., 1998), suggerant les multiples fonctions des estrogènes. De plus, le poisson au stade adulte conserve une grande quantité de cellules radiales gliales (Pellegrini et al., 2007). Dans la zone hypothalamus/aire pre-optique, l’activité de l’aroB est 100 à 1000 fois plus forte chez le poisson que chez l’Homme, indiquant un rôle important de cette enzyme dans le cerveau du poisson à l’age adulte (Pasmanik and Callard, 1985).

3.2.2 Régulation

Chez les poissons ayant une reproduction saisonnière, comme le poisson chat, l’activité de l’aroB fluctue au cours du cycle reproducteur et reste positivement corrélée avec la gamétogénèse et à l’activité de l’aromatase A chez les femelles (González and Piferrer, 2003; Pasmanik and Callard, 1988). Le promoteur du gène cyp19a1b contient une séquence ERE et une ½ séquence ERE (Kazeto et al., 2001). Le role des ER dans le contrôle transcriptionel du cyp19a1b a été confirmée (Le Page et al., 2006; Menuet et al., 2005). Son expression est très inductible au stade embryo-larvaire par de nombreux xeno-estrogènes grâce à une boucle d’auto-régulation positive du récepteur des estrogènes (Diotel et al., 2010; Hinfray et al., 2006; Menuet et al., 2005). De plus, l’expression de l’aroB est induite par des androgènes aromatisables (ex : testostérone) et certains

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24 androgènes non aromatisable (ex : 5-α dihydrotestosterone) métabolisé en derivés estrogéniques capables d’activer ER (Brion et al., 2012; Cheshenko et al., 2008; Karen Mouriec et al., 2009). Cependant, l’expression du gène nécessite la présence du facteur glial X, un facteur neuro-glial spécifique qui se fixe sur une séquence régulatrice à proximité du ERE, ce qui confère une spécificité tissulaire de l’expression de l’aroB (Le Page et al., 2008). De part sa forte sensibilité et inductibilité par l’estradiol et les xeno-estrogènes, ces résultats montrent l’interet d’étudier l’expression de l’aroB au stade embryo-larvaire chez le poisson pour évaluer une perturbation de la signalisation des estrogènes. En comparaison, l’expression et l’activité de l’aroB ne semblent pas être modulées par l’estradiol chez le poisson zèbre à l’âge adulte (Hinfray et al., 2006).

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Evaluation des xeno-estrogènes

Cette partie a pour but de présenter les outils biologiques disponibles pour évaluer les composés estrogéniques seuls et en mélanges, en mettant l’accent sur les bio-essais in vitro et in vivo chez les poissons.