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2.2 Evolution d’un syst` eme compos´ e d’une phase aqueuse et de phases solides

2.2.6 Surface r´ eactive

L’approche d´ecrite dans les parties pr´ec´edentes (2.1, 2.2.3 et 2.2.4) nous a permis d’´ecrire une vitesse li´ee `a l’´evolution d’un processus entre eau et min´eral, normalis´e `a la taille de l’inter- face. Pour cela nous avons notamment fait l’hypoth`ese que le transfert des esp`eces chimiques entre la solution aqueuse et l’interface, qui est le si`ege v´eritable du processus chimique, ´etait instantan´e. C’est-`a-dire que les constantes de temps li´ees aux effets de diffusion, d’adsorption et de d´esorption pouvaient ˆetre n´eglig´ees.

L’objectif `a pr´esent est de quantifier la taille de l’interface r´eactionnelle eau-min´eral. Cette tˆache est d´elicate puisque, comme nous l’avons vu dans la partie pr´ec´edente, chaque m´ecanisme n’intervient pas n´ecessairement sur la mˆeme portion d’interface. De plus chaque m´ecanisme entraˆıne une modification de l’interface qui lui est propre.

Dans une optique de pr´ediction de vitesse globale de dissolution ou pr´ecipitation, on consid`ere qu’`a tout instant, il n’existe qu’une seule taille de l’interface au travers de laquelle interagit tout m´ecanisme r´eactionnel. Cette quantit´e est appel´ee surface r´eactive Sreac, et est ´egale `a

la surface ext´erieure du min´eral S que multiplie un coefficient αreac pour tenir compte du fait

que seule une portion de la surface est r´eactive ou que toute la surface n’est pas identiquement r´eactive.

Sreac= S ∗ αreac (2.67)

Cependant il existe plusieurs ´echelles pour quantifier S.

– SBET : la m´ethode de mesure BET de surface, par exemple par adsorption de krypton2,

permet de prendre en compte des d´etails morphologiques de l’ordre du nanom`etre. Le diam`etre des mol´ecule de krypton est approximativement de 0.35 nm.

– Sgeom : la surface g´eom´etrique est d´efinie `a partir des dimensions caract´eristiques de

la fraction min´erale. Ainsi la mesure s’effectue `a une ´echelle comparable `a la taille du min´eral. Par exemple pour une fraction min´erale compos´ee de grains assimilables `a des sph`eres, la surface g´eom´etrique est donn´ee par :

Sgeom= αrugπd2sph (2.68)

o`u dsph est le diam`etres des sph`eres, et αrug un ´eventuel param`etre tenant compte de la

rugosit´e de sph`eres non id´eales. La surface g´eom´etrique est accessible `a une estimation chiffr´ee, via, par exemple, des observations au microscope (optique ou ´electronique). 2. La m´ethode de mesure BET se pratique ´egalement avec d’autres gaz (N2, Ar...). Le choix du gaz d´epend

du type de mesure que l’on souhaite effectuer. Kr, poss`edant une tr`es faible pression de vapeur saturante `a 77 K, convient pour les mesures de faibles surfaces sp´ecifiques, inf´erieures `a 1 g.m−2 (Rouquerol [96]).

La d´ecomposition du terme αreac propos´ee par Aagaard [1] et Helgeson [46] consiste `a

consid´erer que la surface effective Sreac s’´ecrit en fonction de la surface totale S = SBET par :

Sreac= ηζS (2.69)

o`u η et ζ correspondent `a densit´e surfacique de sites actifs et `a la surface moyenne d’un site actif sur la surface du min´eral respectivement. Cependant η et ζ peuvent varier. Par exemple, le m´ecanisme de formation d’etch pits, fr´equemment observ´e, est fortement g´en´erateur de surface BET. Pourtant, la dissolution n’est pas syst´ematiquement exacerb´ee, les parois des etch pits restant, dans de nombreux cas, peu r´eactives (Gautier [43]).

Ce type d’observations am`ene `a pr´ef´erer la notion de surface g´eom´etrique pour d´efinir Sreac

(Walter [115]). Ce faisant, la mesure de la surface BET reste un indicateur int´eressant, notam- ment pour rendre compte d’une ´evolution morphologique au travers du rapport SBET/Sgeom

(Jeschke [53]).

Il a ´egalement ´et´e sug´er´e (Schott [101]) que la vitesse de dissolution ´etait, non pas propor- tionnelle `a la surface de contact eau-min´eral, mais plutˆot `a la quantit´e de d´efauts `a la surface du min´eral. Toutefois, si l’on fait l’hypoth`ese que la dissolution se produit selon un m´ecanisme de type stepwave, alors une fois que ce m´ecanisme s’effectue en r´egime stationnaire, du fait que lorsque deux marches ´emanant de deux etch pits distincts se rencontrent, celles-ci s’annulent, la vitesse de dissolution globale demeure proportionnelle `a la surface du min´eral, c’est-`a-dire la surface sur laquelle se propagent les marches. Cette consid´eration am`ene `a penser (L¨uttge [72]) que la quantit´e de d´efauts `a la surface du min´eral n’a qu’un effet transitoire.

La question a ´egalement ´et´e soulev´ees de savoir si la surface mesur´ee avant exp´erience pou- vait ˆetre repr´esentative de la surface r´eactive. En effet, les techniques utilis´ees pour obtenir un ´etat de surface bien contraint sont susceptibles d’influencer assez lourdement la vitesse de dissolution mesur´ee (Eggleston [32]), du moins lors d’une ´etape transitoire, qui, pour certains min´eraux, peut s’av´erer assez longue. En particulier, le broyage engendre des contraintes lo- cales et peut faire apparaˆıtre un plan cristallin selon lequel la vitesse de dissolution est plus importante que pour d’autres (L¨uttge [74]).

Il a ´et´e sugg´er´e lors d’exp´eriences de dissolution de normaliser la vitesse de dissolution non pas `a la surface initiale, mais `a la surface finale, c’est-`a-dire lorsque le min´eral a atteint un r´egime stationnaire de dissolution et que la morphologie de l’interface n’´evolue plus (MacInnis [76]). Cette approche est n´eanmoins limit´ee d`es lors que l’on souhaite ´etudier la vitesse du min´eral jusqu’`a la dissolution totale de celui-ci.

Des clarifications ont ´et´e apport´ees par L¨uttge [72] `a ces questions de surface r´eactive. A composition fix´ee, les variations observ´ees de la vitesse de dissolution d’un min´eral sont le reflet de la variation de la surface r´eactive. Cette notion est toutefois d´elicate `a utiliser lorsque l’on souhaite ´etudier la vitesse de dissolution d’un min´eral dans un liquide de composition variable (depuis une composition donn´ee jusqu’`a l’´equilibre ou un ´equilibre apparent).

Enfin des mod`eles de surface r´eactive ont ´et´e d´evelopp´es pour d´ecrire plus sp´ecifiquement la dissolution d’assemblages min´eraux (Noiriel [82]).

Dans la suite, trois mod`eles d’´evolution de la surface r´eactive sont pr´esent´es. Ceux-ci d´ecrivent la modification de la phase min´erale lors d’un processus particulier. Dans ces mod`eles, la phase min´erale est de type granulaire, en coh´erence avec l’ensemble des mod`eles g´eochimiques

consid´er´es dans la pr´esente ´etude. De nombreux travaux ont ´et´e r´ealis´ees afin de d´ecrire l’´evolution de la surface r´eactive d’un milieu poreux mod´elis´e par un r´eseau de capillaires. Leurs r´esultats ne sont pas r´epertori´es ici.

Dans ces trois mod`eles, le param`etre αreac est consid´er´e constant, ce qui est l’objet de

discussions. Ces mod`eles d’´evolution de surface r´eactive se transcrivent donc directement en mod`eles d’´evolution de surface.

Sph`eres flottantes en nombre constant

Le mod`ele de sph`eres flottantes en nombre constant permet de d´ecrire l’´evolution d’une phase min´erale granulaire en dissolution ou en pr´ecipitation pour de faibles quantit´es.

Soit une phase min´erale de masse mmin et de masse volumique ρ, compos´ee de grains

assimilables `a des sph`eres rugueuses de diam`etre m´edian d0, de rugosit´e αrug,0, et dont la

fraction granulom´etrique est suffisamment resserr´ee. Les grains sont de plus suppos´es non micro-poreux et ne pr´esentent pas de cavit´e interne. Alors, en supposant que la rugosit´e n’influe pas sur le calcul du volume des grains, la surface initiale d’une telle fraction est donn´ee par :

S0 = αrug,0

6mmin

ρd0

(2.70) L’hypoth`ese du mod`ele des sph`eres flottantes en nombre constant consiste `a dire qu’une varia- tion de la fraction volumique du min´eral (´eventuellement normalis´ee `a un volume ´el´ementaire si mmin l’est aussi) se reporte sur une variation du diam`etre des grains. A tout moment, Φm

et d sont reli´es par :

d d0 = Φm Φm,0 1/3 (2.71) o`u Φm,0 = mmin/ρ est la fraction volumique initiale. Ainsi, en tenant compte d’une ´eventuelle

modification de la rugosit´e, la surface des grains est donn´ee, en fonction de la fraction min´erale, par : S S0 = αrug αrug,0  Φm Φm,0 2/3 (2.72)

Sph`eres flottantes `a rayon constant

Le mod`ele de sph`eres flottantes `a rayon constant permet de d´ecrire principalement l’ap- parition de nuclei ayant tous la mˆeme taille donn´ee par un diam`etre critique de nucl´eation dcrit.

Soit une phase min´erale de masse mmin= ρΦm apparaissant sous forme de nuclei suppos´es

sph´eriques de diam`etre dcrit. Le nombre de nuclei Nnucl(ou la densit´e si ce nombre est rapport´e

`

a un volume ´el´ementaire) est reli´e `a la fraction min´erale apparaissante par : Nnucl =

6Φm

πd3 crit

(2.73) Ces nuclei offrent comme surface potentiellement disponible pour leur croissance :

S = 6Φm dcrit

Sph`eres tronqu´ees

Le mod`ele des sph`eres tronqu´ees permet de d´ecrire la pr´ecipitation homog`ene d’une phase min´erale granulaire, ou des pr´ecipitations et dissolutions peu importantes d’une phase min´erale granulaire compact´ee. Ce mod`ele comporte plusieurs restrictions, sur le facteur de compaction limite (cf. annexe A.3) d’une part. D’autre part, sous la forme dans laquelle il est pr´esent´e ici, il ne peut d´ecrire qu’une phase mono-min´erale : tous les grains croissent et d´ecroissent en mˆeme temps.

Soit une phase min´erale de masse mmin = ρΦm,0 (´eventuellement normalis´ee `a un volume

´

el´ementaire) compos´ee de N sph`eres tronqu´ees de diam`etre d0 distantes de a (a < d0). λ0 =

a/d0 exprime le rapport de compaction initial. Ces sph`eres sont en contact avec n autres

sph`eres (n = 6 pour un assemblage cubique, n = 8 pour un assemblage cubique centr´e et n = 12 pour un assemblage cubique faces centr´ees). Alors,

Φm,0 = N (Vsphere− nVcalotte) (2.75a)

= N π 12  2d30− n(d0− a)2  d0+ a 2  (2.75b)

S0 = αrug,0N (Ssphere− nScalotte) (2.75c)

= N αrug

π 2(2d

2

0− nd0(d0− a)) (2.75d)

d’o`u l’on d´eduit l’expression de la surface en fonction de Φm :

S0 = αrug,0 6Φm,0(2 − n(1 − λ0)) d0 h 2 − n(1 − λ0)2  1 +λ0 2 i (2.76) En posant : Φm Φm,0 = 2d 3− n(d − a)2 d +a 2  2d30− n(d0− a)2 d 0+a2  (2.77)

Il est possible d’obtenir d en fonction de Φm, Φm,0, d0 et a.

d = fST (Φm, Φm,0, d0, a) (2.78)

et ainsi obtenir la valeur du rapport S/S0 en fonction de Φm, Φm,0, d0, a, d et λ = a/d :

S S0 = Φmαrug Φm,0αrug,0 .d0 d. 2 − n(1 − λ) 2 − n(1 − λ0) . 2 − n(1 − λ0)2  1 +λ0 2  2 − n(1 − λ)2 1 +λ 2  (2.79) Remarque

Ce mod`ele est principalement utilis´e pour coupler les ph´enom`enes g´eochimiques `a des effets m´ecaniques. Tel qu’il est pr´esent´e ici, le mod`ele de sph`eres tronqu´ees consid`ere un coefficient de compaction isotrope. Afin de mod´eliser l’effet d’une pression unidirectionnelle, il est pr´ef´erable de consid´erer un axe principal de compaction. La mod´elisation de syst`emes granulaires com- pact´es est trait´ee de fa¸con plus compl`ete par des ´etudes sp´ecifiques (Renard [95]).