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Bordj Badji Mokhtar (BBM) se situe dans une région très aride proche du centre de la dépression thermique saharienne (SHL) et du maximum de poussières durant l'été (cf. Fig. 4.3). Caractérisé par des températures de surface les plus chaudes de la Terre, on rencontre dans cette région la plus épaisse couche limite de convection sèche pouvant atteindre 5 à 6 km d'altitude (Gamo 1996; Cuesta et al. 2008, 2009). Le projet Fennec dans la ville de Bordj Badji Mokhtar avait donc pour finalité d'étudier la représentation des poussières désertiques dans les modèles et d'en évaluer leur réalisme.

La campagne de mesures Fennec qui a eu lieu durant le mois de juin 2011 peut être découpée en trois périodes thermodynamiquement différentes selon Marsham et al. (2013a). La première période, avant le 8 juin, se caractérise par peu de nuages et peu de poussières. Le centre de la SHL est à ce moment-là proche de BBM qui est affecté par de l'humidité provenant du flux de mousson de sud-ouest notamment à la fin de la période. La deuxième période, du 8 au 12 juin, est une période sèche où la SHL se situe à l'Est, loin de BBM. La ville est affectée par des vents d'Harmattan secs provenant du Nord. Une faible et sèche couche limite atteignant 900 hPa et des rapports de mélange de vapeur d'eau n'excédant par 5 g.kg-1 sont observés. La dernière période, du 13 juin jusqu'à la fin du mois, est caractérisée par l'alternance sur des périodes d'environ 3 jours de flux de mousson humide et de flux d'Harmattan sec. Ces pulsations de 3-4 jours avaient également été mises en évidence par

Couvreux et al. (2010). L'influence de la mousson d'Afrique de l'Ouest a donc progressivement augmenté à BBM tout au long du mois de juin.

Le Sahara est connu comme étant la plus grande source de poussières minérales dans l'atmosphère terrestre (Prospero et al. 2002; Washington et al. 2003); cela a donc des répercussions sur l'environnement thermodynamique à BBM. Beaucoup de soulèvements de poussières ont été observés entre 0630 UTC et 1200 UTC notamment lors des périodes plus nuageuses (représentées par des barres rouges sur la figure 5.19). Ces particules de poussières jouent le rôle de noyaux glaciogènes favorisant la formation de cristaux de glace dans l’atmosphère terrestre et par conséquent la formation des nuages. Durant la première et la dernière périodes caractérisées par davantage de poussières, de fortes tempêtes associées à des courants de densités engendrant des tempêtes de sables (haboobs) ainsi que des micro-rafales

de poussières sont régulièrement observées le soir et la nuit; en accord avec la convection amenées par les Ondes d'Est Africaines qui sont connues pour favoriser les émissions de poussières dans cette région (Knippertz and Todd 2010). Les haboobs observés à BBM peuvent être plus importants que dans d'autres régions car les montagnes jouent un rôle initiateur dans le développement de la convection en amont de BBM. En Afrique de l'Ouest, les haboobs sont de forts contributeurs de poussières dans le cycle saisonnier (Marsham et al. 2008). La dernière période est marquée par cinq événements nocturnes très humides (les 13, 17, 21, 25, et 29 juin, représentés par des flèches sur la figure 5.19). L'arrivée de ces événements est liée à l'arrivée de flux divergents associés à des courants de densités (outflows) (représentés par des barres bleues sur la figure 5.19).

Marsham et al. (2013a) observent également une profonde couche limite durant la journée atteignant régulièrement la base des nuages, notamment celles des nuages de mi- niveau (cf. discussion 5.4.2). Les deux premières périodes sont marquées par une couche limite atteignant seulement 750 hPa. Cependant, durant la deuxième période, le lidar détecte des particules de poussières dans la Saharan Residual Layer humide qui persistent par la suite dans la Convective Boundary Layer (cf. Fig. 5.20) ; cette dernière couche se formant après 12h00. Entre 15h00 et 17h00, la couche limite est donc bien mélangée jusqu'à 550 hPa. Cette deuxième période confirme donc les observations de Messager et al. (2010) qui indiquent que la SRL persiste tout au long de la journée. Durant la troisième période tout comme la deuxième, certaines après-midi, l'atmosphère est bien mélangée également entre la surface et 600-450 hPa; il n'y a donc pas de couche résiduelle (cf. section 3.3.5).

Concernant l'occurrence nuageuse, Marsham et al. (2013a) observent un minimum à 06h00 et un maximum entre 18h00 et 21h00. Cela est en adéquation avec l'occurrence des nuages de mi-niveau se situant entre 1600 UTC et 2000 UTC (cf. 5.3).

De nombreux autres processus non évoqués ci-dessus ont été analysés par Marsham et al. (2013a). Le schéma 5.20, extrait de Marsham et al. (2013a), synthétise l'ensemble des mécanismes observé en juin 2011 à BBM.

Figure 5.19: Rapports de mélange de la vapeur d'eau (WVMR) obtenus à partir des radiosondages en juin 2011 sur le site de Bordj Badji Mokhtar. Sur cette figure, seules les deux périodes après le 8 juin 2011 sont représentées et délimitées par un trait noir épais. Sous la figure, les barres rouges indiquent l'heure typique où les jets de basses couches atteignent le sol ce qui correspond également aux soulèvements de poussières (0600-1200 UTC), et les barres bleues indiquent les périodes de flux divergents associés à des courants de densités. Les lignes noires indiquent la profondeur de la couche limite, et les flèches noires indiquent l'apparition d'évènements humides. (Marsham et al. 2013a)

Figure 5.20: Schéma du cycle diurne des processus observés à BBM en juin 2011, axé sur les périodes affectées par la mousson avant le 8 juin et après le 12 juin (entre ces deux dates, il y a eu peu d'influence de la mousson et la SRL a persisté tout au long de la journée). (Marsham et al. 2013a)