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4.1.1 Les observation par télédétection active pour la détection des nuages La télédétection active est une technique qui permet de mesurer à distance en utilisant

des sources artificielles de rayonnement. Le radar (RAdio Detection And Ranging) et le lidar (LIght Detection And Ranging) sont les principaux instruments de télédétection active. Ils sont équipés d'un émetteur et d'un récepteur. Ils émettent des rayonnements électromagnétiques et lumineux dans une direction donnée. Ce rayonnement peut entrer en interaction avec des cibles, des hydrométéores dans notre cas. Une partie du rayonnement peut alors être réfléchi vers le récepteur. Pour le radar, la puissance rétrodiffusée est convertie en réflectivité Z (en dBZ) et pour le lidar, en coefficient de rétrodiffusion β (en m-1s-1).

La réflectivité Z, de son vrai nom facteur de réflectivité, se calcule à partir de l'équation suivante : Z= λ4 π5 |Kw| 210 18

N(D)σ (λ , D)dD [mm6 m-3] avec λ la longueur d'onde d'émission,

D le diamètre,

N la distribution dimensionnelle des hydrométéores,

s la section efficace de rétrodiffusion de la cible. Elle est définie en m² par π D ²Pr

Pi

avec Pr: la puissance rétrodiffusée vers l'antenne et Pi: la puissance incidente.

|Kw|2 le facteur diélectrique de l’eau associé à l’indice de réfraction n du milieu (eau ou glace). A 94 GHz, pour un radar nuage, ce facteur est égale à environ 0.8 pour l’eau liquide et 0.17 pour la glace (Lhermitte 1987).

Lorsque les hydrométéores sont des particules de glace et non d'eau liquide, on définit la réflectivité équivalente qui se note de cette manière :

Ze= λ4 π5 |Kw| 210 18

N(Deq)σ (λ , Deq)dDeq [mm6 m-3]

La réflectivité s'exprime généralement en dBZ au travers de l’équation suivante :

Z=10 log10(Z [mm−6m−3])

La réflectivité permet donc de fournir des informations sur la quantité d’eau sous forme liquide ou solide dans le volume sondé.

Grâce à la réflectivité, il est possible de connaître le contenu en glace d'un nuage (Liu

and Illingworth 2000) au travers de l'équation suivante : IWC = 0.137*Z0.643 à 94 GHz avec IWC en g.m-3.

Lorsque le radar est de type Doppler comme c'est le cas à la station ARM de Niamey, l'instrument mesure également la vitesse Doppler (m.s-1). La vitesse Doppler V

D permet de mesurer la vitesse de déplacement des hydrométéores dans la direction de visée. En incidence verticale, c’est donc la résultante de la vitesse verticale de l’air (w) et de la vitesse terminale de chute des hydrométéores (VTZ). La différence de vitesse de chute entre les hydrométéores glacés et liquides permet d’utiliser le signal Doppler pour détecter les précipitations liquides.

VD=w−VTZ [m.s -1 ]

Suivant la taille respective de la longueur d’onde et des hydrométéores, les ondes rétrodiffusées peuvent être modélisées par les théories de Mie et de Rayleigh.

Lorsque le diamètre des hydrométéores est plus petit que celui de la longueur d'onde utilisée, on est dans le régime de la diffusion de Rayleigh. On a donc dans ce cas-là :

λ D≪1 (Doviak and Zrnić 1984) avec σ= π 5 λ4|K|

2D6

La section efficace de rétrodiffusion est donc proportionnelle à la longueur d'onde du radar (1/l4). Plus la longueur d'onde sera petite (c'est-à-dire plus la fréquence sera grande), plus le radar pourra observer des hydrométéores de petites tailles (Lhermitte 1987).

En revanche, dans la diffusion de Mie, le diamètre des hydrométéores est plus grand que celui de la longueur d'onde utilisée. Cette théorie s'applique aux particules sphériques uniquement, pas aux particules de glace. La section efficace de rétrodiffusion radar σr se calcule de la manière suivante:

σr= λ 2 4π

|∑

l=1 ∞ (−1)l (2 l+1)(al−bb)

|

2

avec l un entier positif,

al et bl les coefficients de Mie qui sont des fonctions de la taille radioélectrique α=2πr/λ de la particule et de l’indice du milieu n. Ils s’expriment grâce aux fonctions de Bessel.

Dans le cas des radars nuage à 94 GHz, la section efficace de rétrodiffusion dans le régime de la diffusion de Mie oscille engendrant une saturation du signal radar par rapport à des fréquences plus faibles (cf. Fig. 9 de Lhermitte (1987)).

Les rayonnements électromagnétique et lumineux vont également être atténués au sein de l’atmosphère soit par absorption, c'est-à-dire que l'onde est absorbée par les particules atmosphériques, soit par diffusion, c'est-à-dire que l'onde se propage dans l'atmosphère dans des directions autres que celles du récepteur.

Pour le lidar, le rayonnement est rétrodiffusé par les aérosols et par les hydrométéores. Les interactions des hydrométéores sont régies par la diffusion de Mie. En plus du coefficient de rétrodiffusion β, le signal analysé se caractérise par le coefficient d'extinction α (en m-1). Ce coefficient se scinde donc en une partie moléculaire (a

m) et en une partie particulaire (ap). Le premier peut être obtenu à partir d'un radiosondage. En revanche, le second peut être relié à la distribution dimensionnelle des hydrométéores au travers de l'équation suivante :

αp= π4

QeN(D) A(D)dD avec Qe l'efficacité d'extinction,

N(D) la distribution dimensionnelle des hydrométéores par intervalle de diamètre, A (D) l’aire géométrique des hydrométéores.

L’extinction du signal sera donc fonction de la concentration. Plus la concentration sera forte, plus le signal sera atténué.

Les radars émettent dans le domaine des micro-ondes (cf. Fig. 4.1). Les bandes de fréquence utilisées sont désignées par des lettres (W (75-110 GHz, 2.7-4 mm), K (24-28 GHz, 1 cm), X (8-10 GHz, 3 cm), C (5.2-5.3 GHz, 5 cm), S (2-3 GHz, 10 cm) , L (1.2-1.4 GHz, 25 cm) et P (0.3-1 GHz, 50 cm)). Grâce à ces différentes longueurs d'ondes, le radar pourra observer différentes types et tailles de particules (cf. Fig 4.1) : plus les fréquences seront élevées, plus le radar pourra détecter des particules fines. Les bandes P, L,S, C et X seront principalement utilisées pour détecter les précipitations alors que les bandes K et W sont utilisées pour détecter les nuages de glace. Les lidars émettent dans les longueurs d'onde de l'ultraviolet, du visible et de l'infrarouge. Les lidars dédiés à l'observation des nuages vont de 355 nm à 1024 nm.

Figure 4.1: Longueurs d'ondes

Ces instruments permettent donc de mesurer un profil vertical. Ils donnent des indications sur les caractéristiques macro- (base, sommet et épaisseur) et microphysiques (composition) des différentes couches nuageuses. Nous reviendrons sur l'ensemble des caractéristiques que ces deux instruments permettent de nous fournir dans la suite de ce chapitre.

Ces deux instruments sont complémentaires pour l’échantillonnage d’un nuage (cf. Fig 4.2). Les profils verticaux nuageux obtenus soit à partir d'un radar soit à partir d'un lidar fournissent une vue différente de la structure verticale du nuage. Comme on le voit sur la figure 4.2, le signal lidar peut être atténué par une forte concentration de particules. Par conséquent, lorsque le lidar est le seul instrument sur les sites sol, la hauteur des sommets des

nuages pourra être sous-estimée. Cependant, le lidar est le seul instrument capable de détecter les nuages optiquement fins (comme le montre Ansmann et al., 2009); par conséquent, même lorsque le radar fonctionne certains nuages sont uniquement détectés par le lidar. Dans des situations particulières, par exemple dans le cas des nuages en phase liquide, les radars nuage (bandes Ka et W) peuvent subir une forte atténuation et, par conséquent, l'altitude des sommets des nuages peut également ne pas être détectée avec précision par les radars sur les sites sol. C'est par exemple le cas lorsque des précipitations sont présentes associées à des systèmes convectifs. Toutefois, les radars sont capables de pénétrer dans des couches nuageuses plus épaisses à l'inverse des lidars mais ils n'ont pas la capacité à détecter les nuages fins contenant de fines particules tels que les cirrus fins. Pour les équipements spatiaux, l'altitude du sommet des nuages peut être détectée avec précision. En revanche, l'atténuation le long de la trace, à la fois du radar et du lidar, peut impliquer une détérioration de l'altitude de la base du nuage. Finalement, la complémentarité de ces deux instruments maximise la détection nuageuse (Mace et al. 1998; Hogan et al. 2001). De plus, ces deux instruments de télédétection active sont capables de détecter sans ambiguïtés les situations constituées de plusieurs strates nuageuses, chose impossible à partir des instruments passifs.

Figure 4.2: Échantillonnage en visée verticale (temps/altitude) de la structure nuageuse de l’atmosphère le 21 juillet 2006 à Niamey (a) par le radar nuage à 95 GHz : réflectivité (en dBZ), (b) par le lidar à 532 nm: coefficient de rétrodiffusion atténué en log10 (en sr-1 m-1), (c) masque nuageux construit à partir du radar (soit 1 soit 0), (d) masque nuageux construit à partir du lidar (soit 1 soit 0) à Niamey (Niger).

Dans ce travail, nous utilisons plusieurs dispositifs d’observations actives. Le premier site est situé au Sahel à Niamey (13.58°N, 2.38°E, environ 200 m au-dessus du niveau moyen de la mer, Niger (cf. Fig. 4.3), où la station mobile ARM (ARM Mobile Facility - AMF) a été déployée pendant un an en 2006. Cette station comprend différents instruments dont un radar Doppler de 95 GHz, un lidar à une longueur d'ondes de 523 nm, des radiosondages et des radiomètres (incluant un pyrgéomètre et un pyranomètre) (Miller and Slingo 2007). Le radar Doppler est opérationnel à partir du mois d'avril 2006. Tous ces équipements fournissent des informations à haute fréquence sur les caractéristiques macro- et microphysiques des nuages, les précipitations, les flux radiatif de surface et les aérosols (Stokes and Schwartz 1994).

Le second site sol utilisé dans cette étude se trouve à l'aéroport de Bordj Badji Mokhtar (BBM, 21.38°N, 0.92°E, environ 420 m au-dessus du niveau moyen de la mer, Algérie (cf. Fig. 4.3) dans le Sahara. Il a été déployé lors de la campagne Fennec en Juin 2011(Marsham et al. 2013a). Cette campagne avait pour objectif de documenter les aérosols désertiques. Plusieurs instruments dont un lidar Doppler de 1.55 μm a été déployé du 2 juin au 1 juillet 2011, des radiosondages, un mât équipé d'un radiomètre mesurant les flux radiatifs et une station d'échantillonnage d'aérosols automatisée ont permis de documenter les conditions météorologiques rencontrées sur le site.

Figure 4.3: Température de brillance dans l'infrarouge (10,8 μm) mesurée par SEVIRI (en K) du 21 juillet 2006 à 12h45. La trace de CloudSat-CALIPSO est représentée en blanc. Niamey et BBM sont indiqués par des cercles noirs.

Grâce à la combinaison des mesures des profils verticaux de ces deux instruments et à l'application de l'algorithme de catégorisation Cloudnet (Hogan and O’Connor 2004; Illingworth et al. 2007), chaque pixel (défini sur une grille temps/altitude commune aux deux instruments) nuageux est caractérisé en termes de phase (liquide et/ou solide) c'est-à-dire de composition (cf. Fig. 4.4 et 4.5). La catégorisation indique également la présence d’insectes, d’aérosols ou de ciel clair. La température est aussi utilisée dans cet algorithme. Les hydrométéores en phase solide sont d’abord détectés à partir de leur localisation par rapport à l'isotherme 0°C et de leur vitesse de chute. L'extinction totale du signal lidar renseigne également sur cette phase. Le coefficient d'atténuation de rétrodiffusion du lidar β, la réflectivité du radar Z ainsi que l’altitude de l’isotherme 0°C permettent de distinguer les nuages potentiellement en phase liquide. Les insectes pouvant être confondus avec des nuages de phase liquide et/ou solide ayant une vitesse de chute importante sont identifiés à partir du signal radar dans les très basses couches. Les aérosols sont quant à eux détectés avec le signal lidar. Finalement, cette algorithme comprend 11 classes : (1) ciel clair, (2) gouttelettes d'eau liquide nuageuses, (3) bruine ou pluie, (4) bruine ou pluie et gouttelettes d'eau liquide nuageuses, (5) glace, (6) glace et gouttelettes d'eau liquide surfondues, (7) glace fondue, (8) glace fondue et gouttelette d'eau liquide nuageuses, (9) aérosols, (10) insectes et (11) aérosols et insectes.

Figure 4.4: Données radar et lidar brutes à Niamey (Niger) le 21 juillet 2006

Figure 4.5: Classification nuageuse pour le 21 juillet 2006 établie par (Hogan and O’Connor 2004)

Lorsque seul le lidar est disponible, sur le site de BBM ou entre le 1er et le 31 mars 2006 à Niamey (cf. Tab. 4.1), le masque nuageux a été construit directement à partir des mesures du lidar. Dans ce cas-là, aucune information sur la phase nuageuse et sur les propriétés microphysiques n'est disponible puisque ces informations sont fournies par le radar uniquement.

Les observations actives des satellites de CloudSat-CALIPSO ont également été utilisées dans ces travaux. Lancés en avril 2006, CloudSat et CALIPSO appartiennent à la constellation de satellites « A-Train » comptant sept satellites. Sur une orbite basse héliosynchrone, cette constellation traverse chaque jour l'équateur à 1h30 (nuit) et 13h30 (jour) heure locale (LT). Tous les 16 jours, elle passe au même endroit. CloudSat et CALIPSO fournissent des données provenant de différents instruments; dans ces travaux, nous nous intéresserons aux données récoltées uniquement par le radar et le lidar (cf. Tab. 4.1).

Le radar (Cloud Profiling Radar – CPR), embarqué sur CloudSat, est un instrument pointant à la verticale sous le satellite utilisant la fréquence de 94 GHz (bande W) (Stephens et al. 2002). Il a une sensibilité de l'ordre de -31 dBZ (Haynes and Stephens 2007; Stephens et al. 2008). Grâce à cette sensibilité, le radar détecte la majorité des nuages qui affecte significativement le bilan radiatif (Stephens et al. 2008). Le lidar (Cloud-Aerosol Lidar with Orthogonal Polarization - CALIOP) embarqué sur CALIPSO (Cloud-Aerosol Lidar and Infrared Pathfinder Satellite Observations) possédant deux longueurs d'ondes de 532 et 1064 nm est aussi un instrument pointant à la verticale sous le satellite (Winker et al. 2007). Le lidar, et plus particulièrement la mesure à 532 nm, est davantage sensible aux nuages optiquement fins tels que les cirrus ou les aérosols (Winker et al. 2003; Winker 2006).

La combinaison des mesures radar et lidar du produit CloudSat 2B-CLDCLASS- LIDAR est utilisée ici pour obtenir les profils nuageux atmosphériques les plus complets. Ce produit est obtenu sur la grille de CloudSat fournissant une coupe transversale espace/altitude ayant une empreinte radar de 1,5 km le long de la trace et 2,5 km perpendiculairement à la trace et 240 m verticalement avec une résolution temporelle de 0,16 seconde.

Le produit 2B-CLDCLASS-LIDAR fournit déjà une classification nuageuse (Sassen and Wang 2008) ; cependant, dans un souhait d'homogénéité entre les différents jeux de données, cette classification n'a pas été utilisée. Par conséquent, le même principe de classification des nuages à partir des caractéristiques macrophysiques, utilisé à Niamey, a été appliqué à la combinaison des satellites CloudSat-CALIPSO en Afrique de l'Ouest. Ces produits ont été extraits entre 0 et 45°N et entre 20°W et 50°E. Nous nous sommes intéressés à quatre années complètes : de juin 2006 à mai 2010 ; car depuis janvier 2011 seulement des mesures de jour sont disponibles pour le radar de CloudSat.

De plus, notons que les instruments utilisés n'ont pas des caractéristiques identiques entre les sites sols de Niamey, Bordj Badji Mokhtar et sur les satellites CloudSat-CALIPSO même s'ils utilisent tous les principes de la télédétection active. Ils n'ont donc pas les mêmes sensibilités, cela aura donc une incidence sur la comparaison des propriétés des nuages (épaisseur géométrique par exemple).